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Pierre sur la jetée

Pierre et Jean
Pierre sur la jetée
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Pierre et Jean (1888) est l’histoire d’un drame familial, celui de la bâtardise. Lorsque le Maréchal lègue son héritage à Jean, son frère Pierre comprend que sa mère a été infidèle et que Jean est le fils de Maréchal. Faisant éclater la vérité, Pierre se retrouve peu à peu exclu de la famille.
Le roman se déroule dans la région du Havre, que Maupassant connaît bien pour y avoir grandi. Cette description est un modèle d’écriture impressionniste.

« Ayant fait encore quelques pas, il s’arrêta pour contempler la rade. Sur sa droite, au-dessus de Sainte-Adresse, les deux phares électriques du cap de la Hève, semblables à deux cyclopes monstrueux et jumeaux, jetaient sur la mer leurs longs et puissants regards. Partis des deux foyers voisins, les deux rayons parallèles, pareils aux queues géantes de deux comètes, descendaient, suivant une pente droite et démesurée, du sommet de la côte au fond de l’horizon. Puis sur les deux jetées, deux autres feux, enfants de ces colosses, indiquaient l’entrée du Havre ; et là- bas, de l’autre côté de la Seine, on en voyait d’autres encore, beaucoup d’autres, fixes ou clignotants, à éclats et à éclipses, s’ouvrant et se fermant comme des yeux, les yeux des ports, jaunes, rouges, verts, guettant la mer obscure couverte de navires, les yeux vivants de la terre hospitalière disant rien que par le mouvement mécanique invariable et régulier de leurs paupières : "C’est moi. Je suis Trouville, je suis Honfleur, je suis la rivière de Pont-Audemer." Et dominant tous les autres, si haut que, de si loin, on le prenait pour une planète, le phare aérien d’Etouville montrait la route de Rouen, à travers les bancs de sable de l’embouchure du grand fleuve.
Puis sur l’eau profonde, sur l’eau sans limites, plus sombre que le ciel, on croyait voir, çà et là, des étoiles. Elles tremblotaient dans la brume nocturne, petites, proches ou lointaines, blanches, vertes ou rouges aussi. Presque toutes étaient immobiles, quelques-unes, cependant, semblaient courir ; c’étaient les feux des bâtiments à l’ancre attendant la marée prochaine, ou des bâtiments en marche venant chercher un mouillage.
Juste à ce moment la lune se leva derrière la ville ; et elle avait l’air du phare énorme et divin, allumé dans le firmament pour guider la flotte infinie des vraies étoiles. »

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1888
  • Lieu
    Paris
  • Auteur(es)
    Guy de Maupassant (1850-1893), auteur ; Albert Lynch, illustrateur ; Ernest Duez, illustrateur
  • Provenance

    BnF, Réserve des livres rares, RES G-Y2-14

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm132202915q