La Visitation

Dans ce livre d’heures en latin à l’usage de Rome, le calendrier comporte la mention de saints particulièrement honorés dans le diocèse de Tournai, tels Amand, Bavon, Gertrude etc. Outre le calendrier, le manuscrit contient l’antienne de saint Pierre, les heures du Saint-Esprit et de la Croix, la messe de la Vierge, les heures de la Vierge, le petit office de la Vierge, les sept psaumes de pénitence, des litanies de saints, l’office des morts, le psautier abrégé de saint Jérôme et les fragments des évangiles concernant la Passion. Le texte se termine par la prière Obsecro te, mais il n’en subsiste que les premières lignes, les feuillets suivants ayant été découpés.
Dix-huit miniatures illustrent ces différentes parties. Toutes occupent un verso, sont accompagnées d’une riche décoration marginale et font face au début d’une partie du texte. Il manque deux miniatures découpées (entre les fol. 315 et 316 et entre les fol. 328 et 329). Le calendrier n’est pas illustré.
Attribuées à Willem Vrelant et datées des années 1470, ces miniatures et les décorations secondaires qui les accompagnent montrent une certaine diversité. En effet, si la plupart des miniatures sont en couleur, quatre sont en semi-grisaille. Les carnations des personnages y sont en couleur et divers détails, comme les auréoles, sont en or. Le reste est traité en grisaille, avec une grande finesse dans le traitement des hautes lumières et des ombres. Les décorations marginales qui accompagnent les miniatures et les pages en vis-à-vis sont parfois en couleur, parfois en grisaille, sans que l’on puisse voir une quelconque logique dans leur emploi. Les combinaisons entre elles sont d’ailleurs nombreuses et variées allant des deux pages tout en couleur jusqu’aux deux pages tout en grisaille. Ainsi aux fol. 75v. et 76, la miniature à gauche représente la Visitation en grisaille, accompagnée d’une marge en grisaille et le texte qui lui fait face à droite est orné d’une décoration marginale et d’une initiale de couleur. La Visitation, ornant la partie des laudes des heures de la Vierge, est fortement influencée par l’iconographie de Rogier Van der Weyden dans le panneau représentant le même sujet conservé à Leipzig (MBK, inv. 1550). L’influence de ce peintre chez Vrelant pourrait être liée aux rapports que celui-ci entretint avec Hans Memling, qui aurait travaillé dans l’atelier du peintre bruxellois avant sa mort en 1464.
Les décorations marginales sont riches et réalisées avec beaucoup de soin. Parmi les acanthes et les fleurs au naturel s’ébattent des petits personnages, des animaux ou des grotesques. Un homme sortant d’une feuille d’acanthe accompagné d’un chien qui fait le beau est associé par exemple à la miniature de la Visitation, tandis que sur la page en vis-à-vis est représenté un coq dont la queue se termine par une tête humaine.
L’écriture du texte, soigneusement mis en page, trahit une influence méridionale. La reliure marquetée aux armes de la famille Cañavate de la Cueva, ainsi que la décoration des tranches avec ces mêmes armoiries, prouvent que le manuscrit s’est retrouvé à un moment donné au Portugal. L’hypothèse a donc vu le jour selon laquelle Bruges aurait abrité une production de manuscrits destinés aux régions méridionales, et employé peut être des scribes originaires de ces régions. La présence d’une nation marchande portugaise à Bruges au moins depuis 1438 et l’activité dans la ville d’un facteur du roi du Portugal, chargé notamment de l’achat de livres d’heures en 1471, sont d’ailleurs bien documentées. Il est en tout cas assuré que ce petit livre d’heures était destiné à un personnage masculin prénommé Pierre, comme l’indique la miniature du fol. 13 bis-v., en tête du texte de l’antienne à saint Pierre, montrant un personnage agenouillé présenté à saint Pierre par un ange.