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Les Fêtes vénitiennes

Frontispice du livret de l’opéra-ballet en un prologue et cinq entrées d’André Campra (1660-1744)
Les Fêtes vénitiennes
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Dans sa description critique d’une représentation de l’opéra-ballet Les Fêtes vénitiennes d’André Campra (crée en 1710) – à laquelle il assiste au moment de la reprise donnée en 1750 –, il rejoint, certes, les préjuges courants sur l’opéra français et sa déclamation bien éloignée des usages italiens, mais il réagit en observateur avisé sur des points précis, le chant, la danse française ou la façon particulière de diriger l’orchestre : « Nous allons nous mettre dans le parterre en payant quarante sous ; on y est debout, et on y trouve bonne compagnie. Ce spectacle est celui qui fait les délices de la nation. Solus Gallus cantat. Après une symphonie très belle dans son genre, donnée par un excellent orchestre, on lève la toile, et je vois une décoration qui me représente la petite place Saint-Marc vue de la petite île de Saint-Georges. » Histoire de ma vie, I, p. 575

Après avoir moqué la disposition erronée des monuments vénitiens représentés sur le décor, Casanova revient à la musique : « La musique, quoique belle dans le goût antique, m’amuse un peu à cause de sa nouveauté, puis m’ennuie, et la mélopée me désole à cause de sa monotonie et des cris hors de propos. Cette mélopée des Français remplace à ce qu’ils prétendent la mélopée grecque, et notre récitatif qu’ils détestent et qu’ils ne détesteraient pas, s’ils entendaient notre langue. » Histoire de ma vie, I, p. 575

Casanova croque ensuite un portrait à l’acide de deux illustres danseurs, un peu vieillissants à vrai dire, « un grand et beau danseur masqué », Dupré, « cette belle figure qui s’avance à pas cadencés, et qui parvenue au bout de l’orchestre élève lentement ses bras arrondis, les meut avec grâce, les étend entièrement, puis les resserre, remue ses pieds, fait des petits pas, des battements à mi-jambe, une pirouette ensuite, et disparaît après entrant à reculons dans la coulisse », et la Camargo, « qui comme une furieuse parcourt tout l’espace en faisant des entrechats à droite, à gauche, rapidement, mais ne s’élevant guère, applaudie à toute force ». Enfin, les dernières remarques de Casanova confirment l’acuité de son regard : « Une chose qui m’a plu à l’opéra français fut l’obéissance du changement de décoration au son du sifflet. Le début aussi de l’orchestre au coup d’archet ; mais l’auteur de la musique avec un sceptre à la main qui se donnait un violent mouvement à droite et à gauche, comme s’il avait dû faire agir tous les instruments par des ressorts m’a choqué. Ce qui me fit aussi plaisir fut le silence de tous les spectateurs. » Histoire de ma vie, I, p. 577

Ce n’est évidemment pas « l’auteur » – Campra, mort en 1743, dont Casanova ne cite même pas le nom – qui dirigeait son œuvre, mais plutôt l’un des directeurs de l’Académie, François Rebel ou François Francœur.

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1710
  • Auteur(es)
    Gérard Jean-Baptiste Scotin (1698-17..?), graveur, d’après un dessin de Ferdinand Delamonce (1678-1753)
    Campra, André (1660-1744), compositeur ; Antoine Danchet (1671-1748), librettiste
  • Description technique
    Estampe
  • Provenance

    BnF, Bibliothèque-musée de l’Opéra, C-3702 (10)

  • Lien permanent
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