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Lantingxu

Préface au Pavillon des orchidées
Lantingxu
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Ce texte célèbre se divise en deux parties : la première évoque la beauté radieuse d’une journée entre amis : « ce jour-là, le ciel était clair et l’air pur, un vent doux soufflait paisiblement. Levant la tête, on contemplait l’immensité de l’univers, se baissant, on examinait l’abondance des variétés et des espèces et ce qui faisait courir les yeux et errer les sens suffisait pour porter à l’extrême la joie de voir et d’entendre. Vraiment on pouvait y prendre du plaisir ».

La deuxième partie suggère avec mélancolie le caractère éphémère de l’existence. « Mais lorsque ce vers quoi les hommes tendaient les fatigue déjà, le sentiment, suivant les événements change et la déception le suit. Ce qui nous plaisait auparavant en un clin d’œil n’est plus qu’un vestige, qu’une trace [...] Comment ne serait-ce pas douloureux ! »

L’œuvre s’imposa comme un modèle ultime et sa fascination n’a cessé de s’exercer au cours des mille-six-cent-cinquante dernières années. Chaque caractère fut attentivement scruté dans son moindre détail par d’innombrables générations de calligraphes. Le style fut apprécié pour la liberté sans contrainte avec laquelle Wang mania ce soir-là son pinceau, faisant jaillir sur le papier tous les élans de son cœur.

Ce texte permet d’évoquer la passion calligraphique qu’éprouva l’empereur Tang Taizong pour les œuvres de Wang Xizhi. D’aucuns ont trouvé cet engouement étrange et certainement assez contradictoire avec la personnalité ou les intérêts de l’empereur. En effet, la Préface fut son œuvre favorite qu’il imposa comme un standard absolu, alors qu’elle faisait l’éloge de la liberté que le lettré goûtait entre amis dans la nature, bien loin des charges officielles de la cour. La présente copie de la Préface au Pavillon des orchidées ne peut être antérieure à la fin du 8e siècle.

La calligraphie sans être véritablement maladroite, est loin d’être exceptionnelle. Elle offre l’intérêt d’un témoignage sur une pratique éducative largement répandue, dont l’archéologie n’a conservé que peu de traces originales. La pièce pourrait n’avoir été transcrite que pour son contenu, destinée peut-être à être apprise par cœur comme une poésie, indépendamment de sa valeur calligraphique ; à moins que cette copie de copie, d’un quidam vivant au cours de la dynastie des Tang, ne montre combien l’accès aux belles copies et aux véritables modèles de l’œuvre était restreint - bien que largement diffusés par la cour, ils n’atteignaient pas les couches ordinaires de la population.

Modèle de calligraphie copié et recopié à d’innombrables exemplaires au cours des générations, la Préface originelle est perdue depuis longtemps, peut-être emportée dans sa tombe par l’empereur Tang Taizong. S’attaquant à ce monument si vénéré des calligraphes, symbole pluriséculaire et tabou, œuvre éminemment symbolique du passé, Guo Moruo (1892-1978) mena à partir de 1965 une offensive destinée à renverser cette icône incarnant les valeurs traditionnelles, dans un mouvement précurseur de la « grande révolution culturelle ». Soutenu par un certain nombre de partisans iconoclastes, il mit en doute l’authenticité de l’auteur du texte, allant même jusqu’à l’attribuer pour moitié à un lettré postérieur, niant ainsi le chef-d’œuvre calligraphique de Wang Xizhi.

La Préface est l’exemple le plus pur d’une écriture modérément cursive, xingshu, que l’on peut traduire par « courante », dans tous les sens du terme. Cette écriture ordinaire est une forme plus rapide et plus déliée que la régulière kaishu mais reste d’une grande lisibilité. Elle est notamment employée dans la correspondance.

© Bibliothèque nationale de France

  • Date
    Dynastie des Tang, fin 8e siècle ou postérieur ?
  • Auteur(es)
    Wang Xizhi, auteur
  • Description technique
    Rouleau manuscrit incomplet, de 15 feuilles de papier ; 24 caractères par colonne. 28, 4 x 204 cm.
    Dunhuang. Mission Pelliot, 26 avril 1910.
  • Provenance

    BnF, département des Manuscrits, Pelliot chinois 2544

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm2qxc09j2nn3