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L'enfilage des perles

page 382 du The Book of pearl : the history, art, science, and industry of the queen of gems
L'enfilage des perles
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Dans le roman de Colette écrit en 1944, Gigi se rend dans l’atelier de l’enfileuse de perles, Mme Devoidy. La jeune fille y est spectatrice d’une scène des moins banales entre l’artisane et une cliente venant faire renfiler son collier. L’extrait nous donne des indications sur la manière peu conventionnelle de tester l’authenticité d’une perle :  

« Ma mémoire retient l’image, entre autres, d’une femme tout argentée de chinchillas. Elle entra agitée, si robuste et si populacière sous son luxe qu’elle était un plaisir pour les yeux. 

Elle s’assit rudement sur le tabouret de paille et commanda :  

 Ne me désenfilez pas tout le rang. Séparez-moi seulement celle-là, à côté du centre, oui, cette belle-là…  

Mlle Devoidy, qui n’aimait pas les despotes, coupa posément deux nœuds de soie, et poussa la perle libre vers sa cliente. La belle femme s’en saisit, l’étudia de tout près. Sous la lampe, j’aurais pu compter ses grands cils agglutinés et palpitants. Elle tendit la perle à l’enfileuse :  

 À vous, qu’est-ce qu’elle vous dit, cette perle-là ?  

 Je ne me connais pas en perles, dit Mlle Devoidy impassible.  

 Sans blague ?  

La belle femme montra la table du geste, avec une intention ironique. Puis son visage changea, elle empoigna une petite masse de fonte sous laquelle Mlle Devoidy maintenait une série d’aiguilles enfilées à l’avance, et la précipita sur la perle, qui s’écrasa en menus débris. Je fis " Oh ! " malgré moi. Mlle Devoidy ne se permit pas d’autre mouvement que de ramener contre son buste, sous ses mains fidèles, un travail inachevé et des perles éparses. La cliente contempla son œuvre sans mot dire. Enfin, elle éclata en larmes véhémentes. Elle hoquetait : " Le salaud, le salaud ! " tout en recueillant sur un coin de mouchoir le noir de ses cils. Puis elle tassa dans son réticule son collier amputé d’une perle, réclama un " petit papier fin " où elle enferma les moindres fragments de la perle fausse, et se leva.  

 C’est la première fois que vous voyez une chose pareille, mademoiselle Devoidy ?  

Mlle Devoidy rangeait son établi minutieusement, de ses mains soigneuses qui ne tremblaient pas.  

 Non, la seconde, dit-elle. Avec cette différence que la première fois la perle a résisté. Elle était vraie. Le reste du collier aussi.  

 Et qu’est-ce que la dame a dit ?  

 Ce n’était pas une dame, c’était un monsieur. Il a dit : " Ah ! la garce ! "

 Pourquoi ?  

 Le collier, c’était celui de sa femme. Elle avait fait croire à son mari qu’il coûtait quinze francs… Oui. Oh ! vous savez, autour des perles, c’est rare s’il n’y a pas des histoires de toutes les couleurs… » 

Libre de droits

  • Date
    publié en 1908
  • Auteur(es)
    George Frédérick Kunz (1856-1932), auteur
  • Description technique
    Monographie imprimée
  • Provenance

    The Century Company

  • Lien permanent
    ark:/12148/mmn245jpgg894