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Inscription sur le méridien

Détail du globe terrestre de Coronelli
Inscription sur le méridien
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Bordure d’une inscription où il y a des instruments de mathématiques qui servent à l’astronomie, à la géographie et à la navigation, avec plusieurs génies représentés sous des figures d’enfants qui se servent de quelques-uns de ces instruments.

Cette inscription parle des différents endroits de la Terre où les mathématiciens tant anciens que modernes font passer le premier méridien. Tous les parallèles et même les deux pôles, qu’on peut concevoir comme deux parallèles infiniment petits, peuvent être pris indifféremment chacun en particulier pour un point fixe d’après lequel on peut compter la latitude, mais l’équateur, le plus grand parallèle, et qui est justement au milieu de la Terre entre les deux pôles est d’un usage si commode pour cet effet que tous les mathématiciens unanimement ont toujours compté la longitude [sic latitude] d’après ce cercle.

Il n’en est pas de même des méridiens, aucun d’eux n’est plus commode que l’autre pour compter la longitude et c’est là la seule raison pour laquelle chaque mathématicien a pris pour premier méridien celui qu’il lui a plu prendre.

Quelques mathématiciens ont pris pour premier méridien celui de leur lieu de leur naissance, d’autres celui de quelque endroit remarquable, comme les Colonnes d’Hercule (le détroit de Gibraltar) le pic de Teneriffe (montagne dans une des îles Canaries) et plusieurs autres, mais ce qui est à remarquer à ce sujet c’est que la plupart ont eu l’intention de le placer dans l’endroit le plus occidental de notre continent.

Quoique les différentes positions de notre premier méridien ne prejudicient en rien à la situation des parties de la Terre, cependant pour une plus grande facilité il serait à propos que tous les géographes le placent sur leurs cartes dans le même endroit.

Ceux qui ont appris la géographie dans les cartes d’un auteur et qui sont accoutumés à voir passer tels ou tels méridiens par de certain lieu, se trouvent tout désorientés en voyant les cartes d’un autre auteur où les même méridiens passent par d’autres endroits. Quand on trouve dans une relation la position de quelque endroit de la Terre, si l’auteur ne parle point du premier méridien dont il se sert, ce qui arrive assez souvent, il est impossible de placer cet endroit sur la carte comme il faut.

Ce ne sont pas là les seules raisons qui demandent que tous les mathématiciens conviennent du même méridien pour compter la longitude ; il y en a encore beaucoup d’autres qu’il est utile de rapporter ici et qui toutes ensemble ont été cause que le roi Louis XIII après avoir fait examiner cette question par les savants de son temps, donna un arrêt en 1634 qui ordonne à tous les géographes de France de placer dans leurs cartes le premier méridien dans la partie la plus occidentale de l’île de Fer. Cet endroit est aussi le lieu le plus occidental de tout notre continent et en cela on s’est confirmé au sentiment de plusieurs des anciens comme il a été dit ci-dessus.

Depuis l’établissement de l’Académie des Sciences, les mathématiciens qui composent la principale partie de cet illustre corps, se sont appliqués de tout leur pouvoir à perfectionner l’astronomie et particulièrement la partie de cette science qui regarde la géographie et la navigation. Les éclipses des lunes de Jupiter (ses satellites) que M. Cassini a le premier trouvé être propre pour les longitudes terrestres dépasse de beaucoup l’attente des anciens mathématiciens touchant cet important secret. Le Roi pour seconder les bonnes intentions de ces messieurs et pour faciliter leurs observations a fait bâtir le superbe et solide bâtiment de l’observatoire de Paris, qu’il a fait munir de quantité d’instruments de mathématique et a envoyé par leurs conseils dans toutes les parties du monde des personnes pour faire des observations célestes, correspondantes avec celles qui se font à Paris.

La géographie a reçu par là et en peu de temps une nouvelle forme et les pilotes naviguent à présent en toute sécurité et avec beaucoup de facilité dans toutes les mers, ce qu’ils ne faisaient point avant cela car pendant plus de deux siècles, ils ont toujours été comme à tâtons dans leurs grands voyages.

En 1700, l’Académie ayant un assez bon nombre de positions des principaux endroits de la Terre, M. de Lille, géographe et de l’Académie, a fait d’après ces positions un globe terrestre et plusieurs autres cartes grandes et particulières dans lequel il pose le premier méridien à 20 degrés juste au couchant de celui de Paris. Comme les Français n’ont pas eu la liberté d’aller faire des observations dans l’île de Fer (qui appartient aux Espagnols) pour la longitude de Paris, on ne l’a placée au 20e degré comme il a été dit que par l’estime qui en a été faite d’après le cap Vert qui en est assez proche et où nos mathématiciens ont fait quantité d’observations célestes et autres. Ainsi pour ôter l’embarras que cause la transposition des méridiens si l’île de Fer n’est pas précisément au 20e degré de longitude du méridien de Paris, on ne laissera pas de continuer à mettre le premier méridien à cette distance, parce que Paris est le centre de l’astronomie et que c’est au méridien de cette ville que sont rapportées toutes les observations qui se font par toute la Terre.

De quel côté on compte la longitude.

La longitude se compte du premier méridien en allant vers l’orient. Quelques auteurs en rapportent deux principales raisons. Premièrement ils disent que la longitude des astres se comptant de ce côté-là c’est ce qui a porté les géographes à en faire de même sur la Terre. Cette raison est faible. Il semble au contraire que comme les astronomes comptent la longitude céleste en allant vers l’orient à cause que le mouvement propre des astres se fait en ce sens, que les géographes la doivent compter vers l’occident, puisque le mouvement général du ciel qui se compare à la Terre, se fait de ce côté là.

En second lieu, suivant ce qui a été ci-devant dit que les anciens ont eu l’intention de placer le premier méridien dans l’endroit le plus occidental de notre continent, ces auteurs tirent de là la deuxième raison. Car, disent-ils, si les Anciens eussent compté la longitude du côté d’occident, comme ils n’avaient aucune connaissance de l’hémisphère occidental les premiers degrés de longitude auraient passé sur des mers ou dans des terres inconnues et tout notre continent se serait trouvé sous les derniers degrés.

Un fameux auteur espagnol (Herrera) et fort entendu dans la géographie, et dans tout ce qui en dépend, compte la longitude du premier méridien vers l’occident dans sa description de l’Amérique. Messieurs de l’Académie des Sciences dans la carte de France qu’ils ont faite compte ainsi les degrés de longitude vers l’occident à l’égard du méridien de Paris qui tient lieu de premier méridien dans cette carte particulière. Dans leur petit livre De la Connaissance des Temps, il y a une table des villes et des autres endroits de la Terre d’où la longitude est connue, où ils marquent la longitude par heures et par minutes ; de la même manière que la carte de France, comptant la longitude orientale pour toutes les villes qui sont au levant du méridien de Paris et occidental sur toutes celles qui sont au couchant.

Tout cela est fort naturel ; mais la manière dont on se sert dans les cartes générales est plus géométrique, et fait mieux comprendre que la Terre est ronde ; puisque le premier et le dernier degré de longitude se trouvent précisément au même méridien.

Tout ceci confirme ce que j’ai avancé au commencement de cette exploration où je dis qu’il est indiffèrent de quelle manière on compte la longitude.

On pourra encore faire cette question, savoir pourquoi les anciens ont voulu placer le premier méridien à l’occident de notre continent, plutôt qu’à son orient : je réponds à cela que les peuples qui se sont le plus appliqués aux sciences ont habité l’Occident et par conséquent l’extrémité des terres de ce côté-là, leur était plus connues, ils y ont placé le premier méridien plutôt qu’à l’Orient qu’ils ne connaissaient pas et dont ils étaient fort éloignés.

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1681-1683
  • Lieu
    Paris
  • Auteur(es)
    Vincenzo Maria Coronelli (1650-1718), cartographe et cosmographe 
  • Description technique
    Charpente en bois, armatures métalliques, peintures
    Diamètre : 3,85 m. 2,3 tonnes
  • Provenance

    BnF, département des Cartes et plans, GE A 500 RÉS

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm502200620p