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Le duel de Faust et Valentin

Illustrations du Faust de Gœthe par Eugène Delacroix
Le duel de Faust et Valentin
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Faust et Méphistophélès viennent la nuit chez Marguerite. Faust lui chante une sérénade, interrompue par le frère de Marguerite, Valentin, soldat de son état, qui rentre à la maison familiale. Un duel s'engage. Méphistophélès, collé à Faust, pare les coups de Valentin. Le docteur finit par tuer le jeune homme. « Voilà mon rustaud apprivoisé ! » chante Méphisto.

Texte de Goethe traduit par Gérard de Nerval

[...]
Faust : Eh quoi ! pas un joyau, pas une bague pour parer ma bien-aimée ?
Méphistophélès : j'ai bien vu par là quelque chose, comme une sorte de colliers de perles.
Faust : Fort bien ; je serais fâché d'aller vers elle sans présents.
Méphistophélès : Vous ne perdriez rien, ce me semble, à jouir encore d'un autre plaisir. Maintenant que le ciel brille tout plein d'étoiles, vous allez entendre un vrai chef-d'œuvre ; je lui chante une chanson morale, pour la séduire tout à fait.

Il chante en s'accompagnait avec la guitare.

Devant la maison,
De celui qui t'adore,
Petite Lison,
Que fais-tu , dès l'aurore ?
Au signal du plaisir,
Dans la chambre du drille
T peux bien entrer fille,
Mais non fille en sortir.
Il te tend les bras,
A lui tu cours bien vite ;
Bonne nuit, hélas !
Bonne nuit, ma petite !
Près du moment fatal,
Fais grande résistance,
S'il ne t'offre d'avance
Un anneau conjugal.

Valentin  (s'avance) : Qui leurres-tu là ? Par le feu ! maudit preneur de rats ! ... au diable d'abord l'instrument ! et au diable ensuite le chanteur !
Méphistophélès : la guitare est en deux ! elle ne vaut plus rien.
Valentin : Maintenant, c'est le coupe-gorge ?
Méphistophélès  (à Faust) : monsieur le docteur, ne faiblissez pas ! Alerte ! tenez-vous près de moi, que je vous conduise. Au vent votre flamberge ! Poussez maintenant, je pare.
Valentin : Pare donc !
Méphistophélès : Pourquoi pas ?
Valentin : Et celle-ci ?
Méphistophélès : Certainement.
Valentin : Je crois que le diable combat en personne ! Qu'est cela ? déjà ma main se paralyse.
Méphistophélès : Poussez.
Valentin (tombe) : O ciel !
Méphistophélès : Voilà mon lourdaud apprivoisé. Maintenant, au large ! il faut nous éclipser lestement, car j'entends déjà qu'on crie au meurtre ! Je m'arrange aisément avec la police ; mais quant à la justice criminelle, je ne suis pas bien dans ses papiers.
Marthe (à sa fenêtre) : Au secours ! au secours !
Marguerite (à sa fenêtre) : Ici, une lumière !
Marthe (plus haut) : On se dispute, on appelle, on crie, et l'on se bat.
Le peuple : en voilà déjà un de mort.
Marthe (entrant) : Les meurtriers se sont-ils donc enfuis ?
Marguerite (entrant) : Qui est tombé là ?
Le peuple : Le fils de ta mère.
Marguerite : Dieu tout-puissant ! quel malheur !
Valentin : Je meurs ! c'est bientôt dit, et plus tôt fait encore. Femmes, pourquoi restez-vous là à hurler et à crier ? Venez ici, et écoutez moi ! (Tous l'entourent). Vois-tu, ma petite Marguerite ? tu es bien jeune, mais tu n'as pas encore l'habitude, et tu conduis mal tes affaires : je te le dis en confidence ; tu es déjà une catin, sois-le donc convenablement.
Marguerite : Mon frère ! Dieu ! que me dis-tu là ?
Valentin : Ne plaisante pas avec Dieu, Notre Seigneur. Ce qui est fait est fait, et ce qui doit en résulter en résultera. Tu as commencé à te livrer en cachette à un homme, il va bientôt en venir d'autres. et quand tu seras à une douzaine, tu seras à toute la ville. Lorsque la honte naquit, on l'apporta secrètement dans ce monde, et on l'emmaillota sa tête et ses oreilles dans le voile épais de la nuit ; on l'eût volontiers étouffée, mais elle crût, et se fit grande, et puis se montra nue au grand jour, sans pourtant en être plus belle ; cependant, plus son visage était affreux, plus elle cherchait la lumière.
Je vois vraiment déjà le temps où tous les braves gens de la ville s'écarteront de toi, prostituée, comme d'un cadavre infect [...] Et quand Dieu te pardonnerait, tu n'en serais pas moins maudite sur la terre !
Marthe : Recommandez votre âme à la grâce de Dieu ! voulez-vous entasser sur vous des péchés nouveaux ?
Valentin : Si je pouvais tomber seulement ta carcasse, abominable entremetteuse, j'espérerais trouver de quoi racheter de reste tous mes péchés !
Marguerite : Mon frère ! O peine d'enfer !
Valentin : Je te le dis, laisse là tes larmes ! Quand tu t'es séparée de l'honneur, tu m'as porté au cœur le coup le plus terrible. Maintenant le sommeil de la mort va me conduire à Dieu, comme un soldat et comme un brave. (Il meurt)

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1827
  • Lieu
    Paris
  • Auteur(es)
    Eugène Delacroix (1789-1863), lithographe
  • Description technique
    Lithographie, 28,2 x 38,4 cm
  • Provenance

    BnF, département des Estampes et de la photographie, RESERVE DC-183 (N,4)-FOL

  • Lien permanent
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