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Le livre pour enfants après 1968

Dans la voiture
Dans la voiture

Collection particulière, © L’ecole des loisirs

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À la fin des années 1960, le paysage éditorial du livre pour enfants est dominé par de grands éditeurs historiques, encore liés à l’école ou aux courants pédagogiques : Hachette, Fernand Nathan, Flammarion. Aujourd’hui, tous les grands éditeurs font partie de ou sont liés à des groupes de communication. Si Hachette a retrouvé son leadership, c’est en tant que groupe et non plus que maison, et les grands acteurs s’appellent Editis (avec Nathan et Pocket Jeunesse, débris du puissant Groupe de la Cité / Vivendi), Gallimard, Bayard, Rizzoli-Flammarion-Casterman, Media-Participations (Dargaud-Dupuis-Fleurus), Actes Sud, L’école des loisirs.

Plus de titres, moins de best-sellers

Vendredi ou la vie sauvage
Vendredi ou la vie sauvage

Le nombre de nouveautés annuelles est passé d’environ 1 500 à 9 000 (x 6), les tirages de 35 à 64 millions d’exemplaires (x 1, 8) : plus de titres, moins de best-sellers (tirage moyen divisé par trois) ou de livres « fédérateurs », une culture des enfants plus segmentée et plus éclatée. Derrière ces chiffres se cachent des tendances spécifiques selon les secteurs ou les segments. Le roman, qui était très largement dominant, grâce aux millions de volumes des séries a subi plusieurs mouvements : Hachette, d’abord, a poussé jusqu’à l’épuisement ses séries. N’arrivant pas à trouver de nouveaux auteurs ou illustrateurs, à générer l’intérêt pour les nouvelles séries comme L’Instit, le groupe a vu sombrer pendant la crise des années 1990 ses deux plus vieilles collections, les Bibliothèques rose et verte. Pierre Marchand leur a redonné une forme moderne. Une politique éditoriale basée sur le marketing consacre maintenant ces deux augustes collections, quasi exclusivement, aux livres inspirés des dessins animés et à ce que l’on appelle les « licences », avec un succès retrouvé.

Dans la voiture
Dans la voiture |

Collection particulière, © L’ecole des loisirs

L’arbre sans fin
L’arbre sans fin |

© L’ecole des loisirs

Parallèlement les tentatives de collections de poche « modernes » pour la jeunesse (le concept existait depuis le 19e siècle à travers les versions brochées in-16, imitées déjà alors des Anglais, ou avec Marabout dans les années 1950…) qui échouaient jusque-là, ont enfin abouti avec les réussites de « Folio junior » (1977), « Le Livre de poche jeunesse » (1979), « Castor poche » (1980) : des livres souples, encore illustrés, aux couvertures modernes et colorées, aux textes faisant beaucoup appel aux traductions, et sans réelles séries. Certains phénomènes ont modifié momentanément les pratiques : le succès inattendu et phénoménal de la série des « Livres dont vous êtes le héros » en 1983 chez Gallimard, des collections « Chair de poule », et à un moindre degré « Cœur grenadine » chez Bayard en 1995. Syros, avec sa collection « Souris noire » en 1986, a introduit le vrai « polar ». Les collections pour pré-ados et ados se sont multipliées dans les années 1970 ( « 1000 soleils » et « Travelling » en 1972, « Grand Angle » en 1974) puis ont disparu, ainsi que leur format caractéristique de type in-8 qui symbolisait un livre plus coûteux, plus précieux : c’était le format historique de « La Bibliothèque rouge et or », puis « Souveraine », de l’ « Idéal-Bibliothèque », de « Fantasia », toutes également disparues. Après l’échec de « Page blanche » en 1987, Gallimard semble avoir trouvé l’équilibre de la littérature pour adolescents avec « Scripto » et « Hors-piste ». Les collections se sont thématisées (comique, policier, science-fiction, aventure, sentiment) et asexuées.

Essuie la vaisselle !
Essuie la vaisselle ! |

© Éditions Gallimard

Enfin L’école des loisirs s’est imposée par la qualité de son offre avec ses collections « Mouche », « Neuf » et « Medium », chacune dédiée à un âge précis.

L’album

Quant à l’album, il représente maintenant 46 % des livres vendus, avec récemment une part de plus en plus grande accordée à la petite enfance. Internationalisation massive, créativité française, révolutions graphiques successives sont les axes forts, avec L’école des loisirs puis Gallimard jeunesse en pôles dominants.

Les Trois Clés d’or de Prague
Les Trois Clés d’or de Prague |

© Bibliothèque nationale de France

Les Trois Clés d’or de Prague
Les Trois Clés d’or de Prague |

© Bibliothèque nationale de France

Cependant, la réalité économique actuelle est dans la domination, là aussi, des « licences » audiovisuelles. En bande dessinée, le marché de l’album a remplacé celui de la presse, qui a disparu, et se développe à un rythme étonnant depuis 1999, après une très grave crise. Il est également porté depuis 2003 par l’explosion de l’édition de mangas. La presse a été complètement renouvelée sous l’influence de Bayard et de ses magazines par tranche d’âge, puis par thèmes, mais reste dominée en termes de ventes par les productions Disney-Hachette.

Le documentaire

Enfin le documentaire s’est développé sur des formules spécifiques à la jeunesse, et non plus inspirées par les ouvrages adultes. Le triomphe de la photographie à travers les concepts élaborés conjointement par Dorling-Kindersley et Gallimard a donné lieu aux diverses collections Découvertes ( « Cadet », « Benjamin », « Mes premières découvertes », « Les Yeux de la découverte ».) tandis que les coéditions internationales sont presque devenues la norme.

L’écriture et le livre
L’écriture et le livre |

© Éditions Gallimard

Globalement, l’édition de livres pour enfants vit un âge d’or en France, par sa créativité, son dynamisme, sa rentabilité pour les grands groupes (bémol important, les exportations de livres diminuent). Le point de vue des lecteurs est peut-être plus complexe, face à cette offre qui dépasse toute compréhension individuelle par son ampleur.

Provenance

Cet article provient du site Babar, Harry Potter et Compagnie. Livres d’enfants d’hier et d’aujourd’hui (2008).

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