Découvrir, comprendre, créer, partager

Extrait

La Littérature enfantine de 1959 à nos jours : repères chronologiques

Même si les deux expressions littérature de jeunesse et littérature enfantine désignent généralement la même réalité, on peut toutefois remarquer une inflexion au fil du temps
Même si les deux expressions littérature de jeunesse et littérature enfantine désignent généralement la même réalité, on peut toutefois remarquer une inflexion au fil du temps.

Jusqu’à la Ve République qui prolonge la scolarité à seize ans en 1959, les responsables du primaire ont surtout le souci des livres à faire lire aux élèves des grandes classes (cours moyen et cours supérieur, entre neuf et douze ans, puis quatorze ans). Les élèves des écoles primaires supérieures ou des cours complémentaires sont également sous leur tutelle jusqu’au brevet (à quinze ou seize ans), ainsi que les normaliens qui ont entre quinze et dix-huit ans.
En revanche, quand tous les élèves passent en sixième dans le second degré, les lectures ayant trait aux adolescents ne les concernent plus. Leur problème est d’initier au monde de l’écrit les classes d’âge de deux à onze ans et non plus de six à quatorze ans. C’est pourquoi la question des albums, présents depuis longtemps en maternelle, ainsi que celle des petits livres pour débutants, prend au fil du temps une importance pédagogique croissante. On passe ainsi d’une réflexion centrée sur la littérature pour pré-adolescent et adolescent (quel que soit le nom qu’on lui donne) à une réflexion exclusivement centrée, à partir des années 1970, sur la littérature enfantine. Entre ces deux périodes, les deux appellations coexistent et seul le contexte permet de savoir quelles sont les classes d’âge concernées.
Pour fixer quelques repères chronologiques, il est possible de scinder cette évolution en quatre temps. Avant 1914, l’urgence est de faire entrer les auteurs littéraires dans la formation des maîtres. La question des « lectures récréatives » est posée, mais les incitations ministérielles ne rencontrent guère d’écho dans les classes. Dans l’entre-deux-guerres, la littérature enfantine s’installe dans l’école, en même temps qu’apparaissent en ville les premières bibliothèques spécialisées pour les enfants. De la Libération aux années 1960, le livre de jeunesse devient le fer de lance des pédagogues pour lutter contre les (mauvais) illustrés. Enfin, nous entrons dans la période actuelle, avec les crises de la lecture scolaire révélées depuis les années 1970 par la « secondarisation » de masse. La littérature de jeunesse est alors considérée comme une des bases (mais pas la seule) de la culture écrite menacée par la puissance industrielle et commerciale des médias audiovisuels et des nouvelles technologies.    

Anne-Marie Chartier
D’après L’Enfance à travers le patrimoine écrit ; colloque d’Annecy, Coéd. ARALD, FFCB, Bibliothèque d'Annecy, 2001
  • Lien permanent
    ark:/12148/mmqjsjw36vh4f