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Anthologie

Faut-il limiter la liberté d'expression ?

Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen

Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, 1789

Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.

En conséquence, l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen.

Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

Art. 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.

Art. 3. Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

Art. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.

Art. 5.  La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

Art. 6. La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

Art. 7. Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance.

Art. 8. La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.

Art. 9. Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi.

Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Art. 12. La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

Art. 13. Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

Art. 14. Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.

Art. 15. La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.

Art. 16. Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.

Art. 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

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La liberté d'expression aux prises avec la Révolution

Olympe de Gouges, Discours devant le tribunal révolutionnaire, 1793
En 1793, au plus fort de la Révolution, Olympe de Gouges est arrêtée et jugée. Dans le discours qu'elle prononce pour sa défense, elle se réclame de la liberté d'expression. Elle est néanmoins guillotinée le 3 novembre 1793.

Les lois républicaines nous promettaient qu’aucune autorité illégale ne frapperait les citoyens ; cependant un acte arbitraire, tel que les inquisiteurs, même de l’ancien régime, auraient rougi d’exercer sur les productions de l’esprit humain, vient de me ravir ma liberté, au milieu d’un peuple libre.

À l’article 7 de la Constitution, la liberté des opinions et de la presse n’est-elle pas consacrée comme le plus précieux patrimoine de l’homme ? Ces droits, ce patrimoine, la Constitution même, ne seraient-ils que des phrases vagues, et ne présenteraient-ils que des sens illusoires ? hélas ! j’en fais la triste expérience ; républicains, écoutez-moi jusqu’au bout, avec attention.

Depuis un mois, je suis aux fers ; j’étais déjà jugée, avant d’être envoyée au Tribunal révolutionnaire par le sanhédrin de Robespierre, qui avait décidé que dans huit jours je serais guillotinée. Mon innocence, mon énergie, et l’atrocité de ma détention ont fait faire sans doute à ce conciliabule de sang, de nouvelles réflexions ; il a senti qu’il n’était pas aisé d’inculper un être tel que moi, et qu’il lui serait difficile de se laver d’un semblable attentat ; il a trouvé plus naturel de me faire passer pour folle. Folle ou raisonnable, je n’ai jamais cessé de faire le bien de mon pays ; vous n’effacerez jamais ce bien et malgré vous, votre tyrannie même le transmettra en caractères ineffaçables chez les peuples les plus reculés ; mais ce sont vos actes arbitraires et vos cyniques atrocités qu’il faut dénoncer à humanité et à la postérité. Votre modification à mon arrêt de mort me produira un jour un sujet de drame bien intéressant ; mais je continue de te poursuivre caverne infernale ; où les furies vomissent à grands flots le poison de la discorde que ces énergumènes vont semer dans toute la république, et produire la dissolution entière de la France, si les vrais républicains ne se rallient pas autour de la statue de la liberté. Rome aux fers n’eût qu’un Néron, et la Francs libre en a cent.

Citoyens, ouvrez les yeux, il est temps, et ne perdez pas de vue ce qui suit :
J’apporte moi-même mon placard chez l’afficheur de la commune qui en demanda la lecture ; sa femme, que je comparais dans ce moment à la servante de Molière, souriait et faisait des signes d’approbation pendant le cours de cette lecture ; il est bon, dit-elle, je l’afficherai demain matin.

Quelle fut ma surprise le lendemain ? je ne vis pas mon affiche ; je fus chez cette femme lui demander le motif de ce contretemps. Son ton et sa réponse grotesques m’étonnèrent bien davantage : elle me dit que je l’avais trompée, et que mon affiche gazouillait bien différemment hier qu’elle ne gazouille aujourd’hui.

C’est ainsi, me disais-je, que les méchants, parviennent à corrompre le jugement sain de la nature ; mais, ne désirant que le bien de mon pays, je me portai à dire à cette femme que je ferais un autodafé de mon affiche, si quelque personne capable d’en juger, lui eût dit qu’elle pouvait nuire a la chose publique. Cet évènement m’ayant fait faire quelques réflexions sur la circonstance heureuse qui paraissait ramener les départements m’empêcha de publier cette affiche. Je la fis passer au comité de salut public, et je lui demandai son avis, que j’attendais sa réponse pour en disposer.

Deux jours après je me vis arrêtée et traînée à la mairie, où je trouvais le sage, le républicain, l’impassible magistrat Marino. Toutes ces rares qualités, vertus indispensables de l’homme en place, disparurent à mon aspect. Je ne vis plus qu’un lion rugissant, un tigre déchaîné, un forcené sur lequel un raisonnement philosophique n’avait fait qu’irriter les passions ; après voir attendu trois heures en public son arrêt, il dit en inquisiteur à ses sbires : conduisez madame au secret, et que personne au monde ne puisse lui parler.

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L'autorité doit-elle surveiller la parole ?

Benjamin Constant, Rélexions sur les constitutions, la distribution des pouvoirs et les garanties, 1814

Les hommes ont deux moyens de manifester leur pensée, la parole et les écrits.

Il fut un temps où l’autorité croyait devoir étendre sa surveillance sur la parole. En effet, si l’on considère qu’elle est l’instrument indispensable de tous les complots, l’avant-coureur nécessaire de presque tous les crimes, le moyen de communication de toutes les intentions perverses, l’on conviendra qu’il serait à désirer qu’on pût en circonscrire l’usage, de manière à faire disparaître ses inconvénients, en lui laissant son utilité. Pourquoi donc a-t-on renoncé à tout effort pour arriver à ce but si désirable ? C’est que l’expérience a démontré que les mesures propres à y parvenir étaient productives de maux plus grands que ceux auxquels on voulait porter remède. Espionnage, corruption, délation, calomnies, abus de confiance, trahisons, soupçons entre les parents, dissensions entre les amis, inimitié entre les indifférents, achat des infidélités domestiques, vénalité, mensonge, parjure, arbitraire, tels étaient les éléments dont se composait l’action de l’autorité sur la parole. L’on a senti que c’était acheter trop cher l’avantage de la surveillance. L’on a de plus appris que c’était attacher de l’importance à ce qui ne devait pas en avoir ; qu’en enregistrant l’imprudence, on la rendait hostilité ; qu’en arrêtant au vol des paroles fugitives, on les faisait suivre d’actions téméraires ; et qu’il valait mieux, en sévissant contre les délits que la parole pouvait avoir amenés, laisser s’évaporer d’ailleurs ce qui ne produisait point de résultat.

En conséquence, à l’exception de quelques circonstances très rares, de quelques époques évidemment désastreuses, ou de quelques gouvernements ombrageux, qui ne déguisent point leur tyrannie, l’autorité a consacré une distinction, qui rend sa juridiction sur la parole plus douce et plus légitime. La manifestation d’une opinion peut, dans un cas particulier, produire un effet tellement infaillible, qu’elle doive être considérée comme une action. Alors, si cette action est coupable, la parole doit être punie.

Il en est de même des écrits. Les écrits, comme la parole, comme les mouvement les plus simples, peuvent faire partie d'une action. Ils doivent être jugés comme partie de cette action, si elle est criminelle. Mais s'ils ne font partie d'aucune action, ils doivent, comme la parole, jouir d'une entière liberté.

Benjamin Constant, Rélexions sur les constitutions, la distribution des pouvoirs et les garanties, dans une monarchie constitutionnelle, Paris : 1814, p. 143-145.

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Plus vous prétenderez comprimer la presse, plus l'explosion sera violente

François-René de Chateaubriand, Mémoire d'Outre-tombe, 1848-1850

La presse est un élément jadis ignoré, une force autrefois inconnue, introduite maintenant dans le monde ; c'est la parole à l'état de foudre ; c'est l'électricité sociale. Pouvez-vous faire qu’elle n'existe pas ? Plus vous prétendrez la comprimer, plus l'explosion sera violente. Il faut donc vous résoudre à vivre avec elle, comme vous vivez avec la machine à vapeur. Il faut apprendre à vous en servir, en la dépouillant de son danger, soit qu'elle s'affaiblisse peu à peu par un usage commun et domestique, soit que vous assimiliez graduellement vos mœurs et vos lois aux principes qui régiront désormais l'humanité.

François-René de Chateaubriand, Mémoire d'Outre-tombe, t. 5, Paris : Garnier frères, 1899-1900, p. 270.

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Un journal ouvert à toutes les opinions

Émile de Girardin, « Éditorial », La Presse, no 1, 1er juillet 1836

Ce journal s'est proposé un grand dessein : ce serait de réunir dans son centre de hautes intelligences éparses jusqu'ici en des lieux très divers et des distances grandes en apparence. Ce serait d'harmoniser ces individualités puissantes par elles-mêmes, mais susceptibles de plus d'action encore.

Notre pensée a été, en créant ce journal, que les nombreuses divergences d'opinions tenaient à la diversité des préoccupations, à la différence des points de vue ; que cette divergence était plus apparente que réelle ; qu'elle existait en surface partout, en profondeur presque jamais. Un examen attentif, puis une étude plus sérieuse nous ont bientôt fait connaître que les plus éminentes intelligences bâtissaient sur un fond d'idées presque identiques. En creusant, nous avons trouvé les mêmes couches, comme nous le ferons voir plus tard, sous l'édifice de leurs discours et de leurs écrits.

Il n'y a guère, socialement, qu'une idée mère dans les esprits. Le problème à résoudre est toujours celui-ci : le plus de bonheur possible pour le plus grand nombre possible. C'est là que se rencontrent tout homme d'Etat, tout penseur et tout écrivain.

Toutes les opinions, tous les intérêts légitimes ne peuvent-ils pas être représentés, servis, conciliés, dans un même journal, comme dans un même gouvernement ; dans un même journal, comme dans une même patrie ? Non, si vous ne voulez voir dans la presse qu'une interminable polémique, qu'une arène de gladiateurs, ou bien encore une barre où les disputeurs sont au hasard demandeurs et défendeurs, comme à la barre judiciaire ; une tribune où chaque orateur parle selon la passion du banc d'où il vient et où il retourne systématiquement ; oui, au contraire, si un certain nombre d'hommes forts et pleins de substance, laissant là des querelles surannées, viennent apporter dans un foyer commun leur part de pensées civilisantes ; si un même journal se compose une individualité de toutes ces individualités, et rend identiques, en se les assimilant, ces tributs de natures diverses qui affluent vers lui ; s'il prend l'élément de liberté à l'un, le moyen de gouvernement à l'autre ; si celui-ci fournit le secret de faire la société plus riche, celui-là de la rendre plus morale ; si l'un nous apprend comment il faut qu'on l'administre, comme il faut qu'on la prenne sans la blesser dans le filet de l'impôt, pendant que l'autre nous enseigne comme on relève par de nobles excitations ces natures emprisonnées dans la routine des habitudes vulgaires. Un journal ainsi compris réalisera l'unité d'enseignement, d'enseignement complet ; ce serait une sorte de 
monarchie modèle, d'expérimentation gouvernementale plus parfaite et plus avancée. On monterait à sa tribune, non pour s'y contredire, mais pour y parler à son tour.

Notre pensée n'est pas de réformer la presse qui se fait : elle serait insensée mais de mettre en faisceau toutes les vives lumières qui scintillent de loin en loin pour éclairer de leur brillant ensemble ce lieu de halte où nous vivons campés depuis six ans, et qu'il faut quitter enfin, pour une vie normale et progressive. Nous ne prétendons pas refaire ce qu'a fait l'ancienne presse, mais faire autrement et autre chose.

Nous disons à la poésie, nous disons à la tribune et à la presse, à tout ce qui a force et vie, à tout ce qui a une grande voix à faire entendre et de bonnes vérités à dire : le moment est venu de parler.

Paul Ginistry, Anthologie du journalisme du XVIIe siècle à nos jours, t. 1, Paris : libraire Delagrave, 1917, p. 270-272.

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La censure et la confiscation sont deux abus monstrueux

Victor Hugo, intervention à l'Assemblée nationale, 11 septembre 1848
Victor Hugo intervient lors de la discussion d’un projet de décret sur l’état de siège ayant pour objet de transmettre au pouvoir judiciaire le droit de suspendre les journaux, qui était du ressort du pouvoir exécutif.

Eh bien, messieurs, permettez-moi de le dire, il est bon de poser les principes ; car les principes posés dessinent les situations. Les véritables amis de l'ordre ont toujours été les plus sérieux amis de la liberté. (Très bien !). Combattre l'anarchie sous toutes ses formes (Très bien !). Les bons citoyens résistent également à ceux qui voudraient imposer leur volonté par les coups de fusils, et à ceux qui voudraient imposer leur volonté par les coups d'État. (Mouvement). Eh bien, ce mot coups d'État, je les prononce à dessein, c'est le véritable mot de la situation.

Suspendre les journaux, les suspendre par l'autorité directe, arbitraire, violente, du pouvoir exécutif, cela s'appelait coups d'État sous la monarchie, cela ne peut pas avoir changé de nom sous la République. (Sensation).

Ceux qui défendent, ceux qui soutiennent cette opinion, sont donc les amis de l'ordre en même temps que les amis de la liberté. La suspension des journaux crée un état de choses inqualifiable auquel il importe de mettre un terme, et quant à moi, je préfère à cette situation tout, même le décret qu'on vous propose. (Nouveau mouvement).

Je ne rentrerai pas dans la discussion de ce décret ; on vous en a savamment montré tous les vices. Je déplore profondément, je l'avoue, que le pouvoir exécutif ne se soit pas cru suffisamment armé par les lois sévères que nous lui avions données. Cette législation, il la croyait efficace lorsqu'il nous l'a demandée ; vous la croyiez efficace quand vous la lui avez accordée. Je regrette qu'il ait jugé à propos de la mettre pour ainsi dire au rebut avant de l'avoir mise à l'essai. (À gauche. Très bien !).
Je regrette que, dans cette circonstance, l'honorable général Cavaignac ne vienne pas à cette tribune, avec la loyauté que je m'empresse de lui reconnaître, se dessaisir du surcroît de pouvoir que le décret tendrait à lui attribuer. Je ne pense pas, quant à moi, que le droit de suspension des journaux, même retiré au pouvoir exécutif et donné aux tribunaux, je ne crois pas, dis-je, que ce soit une bonne chose.

Le droit de suspension des journaux ! Mais, messieurs réfléchissez-y, ce droit participe de la censure par l'intimidation, et de la confiscation par l'atteinte à la propriété. (C'est vrai !). La censure et la confiscation sont deux abus monstrueux que votre droit public a rejetés ! et je ne doute pas que le droit de suspension des journaux qui, je le répète, se compose de ces deux éléments abolis et détestables, confiscation et censure, ne soit jugé et prochainement condamné par la conscience publique. Nous l'admettons (ceux du moins qui l'admettent) temporairement, provisoirement. Provisoirement ! messieurs, je me défie du provisoire ! (Mouvement). Nous avons le droit de le dire depuis Février, beaucoup de mal durable est souvent fait par les choses provisoires. (Nouveau mouvement). Quant à moi, je verrais avec douleur ce droit fatal entrer dans nos lois ; je m'inclinerais devant la nécessité, mais j'espère que s'il y entrait aujourd'hui, ce serait pour en sortir demain ; j'espère que les circonstances mauvaises qui l'ont apporté l'emporteront. (Sensation).

Je ne puis m'empêcher de vous rappeler à cette occasion un grand souvenir. (Écoutez ! écoutez !). Lorsque le droit de suspension des journaux voulut s'introduire dans notre législation sous la restauration, M. de Chateaubriand le stigmatisa au passage par des paroles mémorables. Et bien, les écrivains d'aujourd'hui ne manqueront pas, à l'exemple que leur a donné le grand écrivain d'alors. (Sensation). Si nous ne pouvons empêcher de reparaître ce droit odieux de suspension, nous le laisserons entrer, mais en le flétrissant. (A gauche. Très bien !).

Permettez-moi, messieurs, en terminant ce peu de paroles, de vous dire, de déposer dans vos consciences une pensée qui, je le déclare, devrait, selon moi, dominer cette discussion : c'est que le principe de la liberté de la presse n'est pas moins essentiel, n'est pas moins sacré que le principe du suffrage universel. Ce sont les deux côtés du même fait. (Oui ! Oui !). Ces deux principes s'appellent et se complètent réciproquement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c'est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l'une c'est attenter à l'autre. (Vive approbation à gauche).

Eh bien, toutes les fois que ce grand principe sera menacé, il ne manquera pas, sur tous ces bancs, d'orateurs de tous les partis pour se lever et pour protester comme je le fais aujourd'hui. La liberté de la presse, c'est la raison de tous cherchant à guider le pouvoir dans les voies de la justice et de la vérité. (Sensations diverses).

Favorisez, messieurs, favorisez cette grande liberté, ne lui faites pas obstacle ; songez que le jour où, après trente années de développement intellectuel et d'initiative par la pensée, on verrait ce principe sacré, ce principe lumineux, la liberté de la presse, s'amoindrir au milieu de nous, ce serait en France, ce serait en Europe, ce serait dans la civilisation tout entière l'effet d'un flambeau qui s'éteint ! (Sensation). Messieurs, vous avez le plus beau de tous les titres pour être les amis de la liberté de la presse, c'est que vous êtes les élus du suffrage universel ! (Très bien ! très bien !).

Je voterai, tout en rendant justice aux excellentes intentions du comité de législation, je voterai pour tous les amendements, pour toutes les dispositions qui tendraient à modérer le décret.

Victor Hugo, Œuvres complètes, Actes et paroles, t. 1, Paris : Albin Michel, 1937-40, p. 415-416.

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La loi sur la liberté de la presse

Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, version consolidée au 24 décembre 2021

CHAPITRE Ier : DE L'IMPRIMERIE ET DE LA LIBRAIRIE

Article 1
L'imprimerie et la librairie sont libres.

Article 2
Le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public.
Est considérée comme journaliste au sens du premier alinéa toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public.
Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources.
Est considéré comme une atteinte indirecte au secret des sources au sens du troisième alinéa le fait de chercher à découvrir les sources d'un journaliste au moyen d'investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d'identifier ces sources.
Au cours d'une procédure pénale, il est tenu compte, pour apprécier la nécessité de l'atteinte, de la gravité du crime ou du délit, de l'importance de l'information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d'investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité.

Article 2bis
Tout journaliste, au sens du 1° du I de l'article 2, a le droit de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources et de refuser de signer un article, une émission, une partie d'émission ou une contribution dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté. Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à sa conviction professionnelle formée dans le respect de la charte déontologique de son entreprise ou de sa société éditrice.
Toute convention ou tout contrat de travail signé entre un journaliste professionnel et une entreprise ou une société éditrice de presse ou de communication audiovisuelle entraîne l'adhésion à la charte déontologique de l'entreprise ou de la société éditrice.
Les entreprises ou sociétés éditrices de presse ou audiovisuelles dépourvues de charte déontologique engagent des négociations à compter de la publication de la loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias. Cette charte est rédigée conjointement par la direction et les représentants des journalistes. A défaut de conclusion d'une charte avant le 1er juillet 2017 et jusqu'à l'adoption de celle-ci, les déclarations et les usages professionnels relatifs à la profession de journaliste peuvent être invoqués en cas de litige. [...]

Article 3
Tout écrit rendu public, à l'exception des ouvrages de ville ou bilboquets, portera l'indication du nom et du domicile de l'imprimeur, à peine, contre celui-ci, de 3 750 euros d'amende.
La distribution des imprimés qui ne porteraient pas la mention exigée au paragraphe précédent est interdite et la même peine est applicable à ceux qui contreviendraient à cette interdiction.
Une peine de six mois d'emprisonnement pourra être prononcée si, dans les douze mois précédents, l'imprimeur a été condamné pour contravention de même nature.
Toutefois, si l'imprimé fait appel à des techniques différentes et nécessite le concours de plusieurs imprimeurs, l'indication du nom et du domicile de l'un d'entre eux est suffisante.

CHAPITRE II : DE LA PRESSE PÉRIODIQUE
Paragraphe 1er : Du droit de publication, de la gérance, de la déclaration et du dépôt au parquet

Article 5
Tout journal ou écrit périodique peut être publié sans déclaration ni autorisation préalable, ni dépôt de cautionnement.

Article 6
Toute publication de presse doit avoir un directeur de la publication.
Lorsqu'une personne physique est propriétaire ou locataire-gérant d'une entreprise éditrice au sens de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse ou en détient la majorité du capital ou des droits de vote, cette personne est directeur de la publication. Dans les autres cas, le directeur de la publication est le représentant légal de l'entreprise éditrice. Toutefois, dans les sociétés anonymes régies par les articles L. 225-57 à L. 225-93 du code de commerce, le directeur de la publication est le président du directoire ou le directeur général unique.
Si le directeur de la publication jouit de l'immunité parlementaire dans les conditions prévues à l'article 26 de la Constitution et aux articles 9 et 10 du Protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des communautés européennes, l'entreprise éditrice doit nommer un codirecteur de la publication choisi parmi les personnes ne bénéficiant pas de l'immunité parlementaire et, lorsque l'entreprise éditrice est une personne morale, parmi les membres du conseil d'administration, du directoire ou les gérants suivant la forme de ladite personne morale.
Le codirecteur de la publication doit être nommé dans le délai d'un mois à compter de la date à partir de laquelle le directeur de la publication bénéficie de l'immunité visée à l'alinéa précédent.
Le directeur et, éventuellement, le codirecteur de la publication doivent être majeurs, avoir la jouissance de leurs droits civils et n'être privés de leurs droits civiques par aucune condamnation judiciaire. Par dérogation, un mineur âgé de seize ans révolus peut être nommé directeur ou codirecteur de la publication de tout journal ou écrit périodique réalisé bénévolement, sans préjudice de l'application de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. La responsabilité des parents d'un mineur âgé de seize ans révolus nommé directeur ou codirecteur de publication ne peut être engagée, sur le fondement de l'article 1242 du code civil, que si celui-ci a commis un fait de nature à engager sa propre responsabilité civile dans les conditions prévues par la présente loi.
Toutes les obligations légales imposées au directeur de la publication sont applicables au codirecteur de la publication.

Article 9
En cas de contravention à l'article 6, le propriétaire, le directeur de la publication et, dans le cas prévu au troisième alinéa du même article 6, le codirecteur de la publication sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. La peine sera applicable à l'imprimeur à défaut du propriétaire ou du directeur ou, dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article 6, du codirecteur de la publication.
Le journal ou écrit périodique ne pourra continuer sa publication qu'après avoir rempli les formalités ci-dessus prescrites, à peine, si la publication irrégulière continue, de l'amende prévue pour les contraventions de la 4° classe prononcée solidairement contre les mêmes personnes, pour chaque numéro publié à partir du jour de la prononciation du jugement de condamnation, si ce jugement est contradictoire, et du troisième jour qui suivra sa notification, s'il a été rendu par défaut ; et ce, nonobstant opposition ou appel, si l'exécution provisoire est ordonnée.
Le condamné, même par défaut, peut interjeter appel. Il sera statué par la cour dans le délai de trois jours.

Article 10
Sont soumis à l'obligation de dépôt auprès du ministre chargé de la communication à la parution de chaque numéro les journaux et écrits périodiques à diffusion nationale. Un arrêté du ministre chargé de la communication fixe les modalités de mise en œuvre de l'obligation de dépôt ainsi que le nombre d'exemplaires à déposer. Ce nombre ne peut être supérieur à dix et tient compte notamment du fait que la publication est ou non consacrée à l'information politique et générale.
Ce dépôt sera effectué sous peine de l'amende prévue pour les contraventions de la 4° classe contre le directeur de la publication.

Article 11
Le nom du directeur de la publication sera imprimé au bas de tous les exemplaires, à peine contre l'imprimeur de l'amende prévue pour les contraventions de la 4° classe par chaque numéro publié en contravention de la présente disposition.

Paragraphe 2 : des rectifications

Article 12
Le directeur de la publication sera tenu d'insérer gratuitement, en tête du prochain numéro du journal ou écrit périodique, toutes les rectifications qui lui seront adressées par un dépositaire de l'autorité publique, au sujet des actes de sa fonction qui auront été inexactement rapportés par ledit journal ou écrit périodique.
Toutefois, ces rectifications ne dépasseront pas le double de l'article auquel elles répondront.
En cas de contravention, le directeur de la publication sera puni de 3 750 euros d'amende.

Article 13
Le directeur de la publication sera tenu d'insérer dans les trois jours de leur réception, les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le journal ou écrit périodique quotidien sous peine de 3 750 euros d'amende sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l'article pourrait donner lieu.
En ce qui concerne les journaux ou écrits périodiques non quotidiens, le directeur de la publication, sous les mêmes sanctions, sera tenu d'insérer la réponse dans le numéro qui suivra le surlendemain de la réception.
Cette insertion devra être faite à la même place et en mêmes caractères que l'article qui l'aura provoquée, et sans aucune intercalation.
Non compris l'adresse, les salutations, les réquisitions d'usage et la signature qui ne seront jamais comptées dans la réponse, celle-ci sera limitée à la longueur de l'article qui l'aura provoquée. Toutefois, elle pourra atteindre cinquante lignes, alors même que cet article serait d'une longueur moindre, et elle ne pourra dépasser deux cents lignes, alors même que cet article serait d'une longueur supérieure. Les dispositions ci-dessus s'appliquent aux répliques, lorsque le journaliste aura accompagné la réponse de nouveaux commentaires.
La réponse sera toujours gratuite. Le demandeur en insertion ne pourra excéder les limites fixées au paragraphe précédent en offrant de payer le surplus.
La réponse ne sera exigible que dans l'édition ou les éditions où aura paru l'article.
Sera assimilé au refus d'insertion, et puni des mêmes peines, sans préjudice de l'action en dommages-intérêts, le fait de publier, dans la région desservie par les éditions ou l'édition ci-dessus, une édition spéciale d'où serait retranchée la réponse que le numéro correspondant du journal était tenu de reproduire.
Le tribunal prononcera, dans les dix jours de la citation, sur la plainte en refus d'insertion. Il pourra décider que le jugement ordonnant l'insertion, mais en ce qui concerne l'insertion seulement, sera exécutoire sur minute, nonobstant opposition ou appel. S'il y a appel, il y sera statué dans les dix jours de la déclaration, faite au greffe.
Pendant toute période électorale, le délai de trois jours prévu pour l'insertion par le paragraphe 1er du présent article sera, pour les journaux quotidiens, réduit à vingt-quatre heures. La réponse devra être remise six heures au moins avant le tirage du journal dans lequel elle devra paraître. Dès ouverture de la période électorale, le directeur de la publication du journal sera tenu de déclarer au parquet, sous les peines édictées au paragraphe 1er, l'heure à laquelle, pendant cette période, il entend fixer le tirage de son journal. Le délai de citation sur refus d'insertion sera réduit à vingt-quatre heures, sans augmentation pour les distances, et la citation pourra même être délivrée d'heure à heure sur ordonnance spéciale rendue par le président du tribunal. Le jugement ordonnant l'insertion sera exécutoire, mais en ce qui concerne cette insertion seulement, sur minute, nonobstant opposition ou appel.
Si l'insertion ainsi ordonnée n'est pas faite dans le délai qui est fixé par le présent alinéa et qui prendra cours à compter du prononcé du jugement, le directeur de la publication sera passible de trois mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.
L'action en insertion forcée se prescrira après trois mois révolus, à compter du jour où la publication aura eu lieu.
Sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent, toute personne nommée ou désignée dans un journal ou écrit périodique à l'occasion de l'exercice de poursuites pénales peut également exercer l'action en insertion forcée, dans le délai de trois mois à compter du jour où la décision de non-lieu dont elle fait l'objet est intervenue ou celle de relaxe ou d'acquittement la mettant expressément ou non hors de cause est devenue définitive.

Article 13-1
Le droit de réponse prévu par l'article 13 pourra être exercé par les associations remplissant les conditions prévues par l'article 48-1, lorsqu'une personne ou un groupe de personnes auront, dans un journal ou écrit périodique, fait l'objet d'imputations susceptibles de porter atteinte à leur honneur ou à leur réputation à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Toutefois, quand la mise en cause concernera des personnes considérées individuellement, l'association ne pourra exercer le droit de réponse que si elle justifie avoir reçu leur accord.
Aucune association ne pourra requérir l'insertion d'une réponse en application du présent article dès lors qu'aura été publiée une réponse à la demande d'une des associations remplissant les conditions prévues par l'article 48-1.

CHAPITRE IV : DES CRIMES ET DELITS COMMIS PAR LA VOIE DE LA PRESSE OU PAR TOUT AUTRE MOYEN DE PUBLICATION
Paragraphe 1er : Provocation aux crimes et délits

Article 23
Seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l'auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d'effet.
Cette disposition sera également applicable lorsque la provocation n'aura été suivie que d'une tentative de crime prévue par l'article 2 du code pénal.

Article 24
Seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre l'une des infractions suivantes :
1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;
2° Les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal.
Ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement provoqué à l'un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal, seront punis des mêmes peines.
Seront punis de la même peine ceux qui, par l'un des moyens énoncés en l'article 23, auront fait l'apologie des crimes visés au premier alinéa, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, des crimes de réduction en esclavage ou d'exploitation d'une personne réduite en esclavage ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi, y compris si ces crimes n'ont pas donné lieu à la condamnation de leurs auteurs.
Tous cris ou chants séditieux proférés dans les lieux ou réunions publics seront punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 5° classe.
Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement.
Seront punis des peines prévues à l'alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal.
Lorsque les faits mentionnés aux septième et huitième alinéas du présent article sont commis par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende.
En cas de condamnation pour l'un des faits prévus par les septième et huitième alinéas, le tribunal pourra en outre ordonner :
1° Sauf lorsque la responsabilité de l'auteur de l'infraction est retenue sur le fondement de l'article 42 et du premier alinéa de l'article 43 de la présente loi ou des trois premiers alinéas de l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, la privation des droits énumérés aux 2° et 3° de l'article 131-26 du code pénal pour une durée de cinq ans au plus ;
2° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal.

Article 24 bis
Seront punis d'un an d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l'article 23, l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité tels qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale.
Seront punis des mêmes peines ceux qui auront nié, minoré ou banalisé de façon outrancière, par un des moyens énoncés à l'article 23, l'existence d'un crime de génocide autre que ceux mentionnés au premier alinéa du présent article, d'un autre crime contre l'humanité, d'un crime de réduction en esclavage ou d'exploitation d'une personne réduite en esclavage ou d'un crime de guerre défini aux articles 6,7 et 8 du statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 et aux articles 211-1 à 212-3,224-1 A à 224-1 C et 461-1 à 461-31 du code pénal, lorsque :
1° Ce crime a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale ;
Lorsque les faits mentionnés au présent article sont commis par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende. [...]
Le tribunal pourra en outre ordonner :
1° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal.

Texte consultable sur Légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000877119

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Jean Jaurès définit la laïcité

Jean Jaurès, « Laïcité », La Dépêche, 16 juin 1889, no 7537

[...] Nous n’avons pas voulu mettre la guerre dans les villages, mais, au contraire, la paix ; et le vrai moyen d’avoir la paix c’est de mettre chacun à sa place, chaque chose à sa place : le maire dans la mairie, avec pouvoir administratif ; le curé dans l’église, avec la religion ; l’instituteur dans l’école, avec les éléments de la science et de la morale.

[...] Ce n’est pas au Gouvernement à s’occuper des affaires de religion. Le Gouvernement représente les droits et les intérêts de tout le monde, et, dans les questions de religion, tout le monde n’est pas d’accord.

[...] La seule chose que le gouvernement doive faire, c’est d’assurer à chacun sa liberté. Que ceux qui veulent aller à la messe y aillent, que ceux qui ne veulent pas aller à la messe n’y aillent pas. Que chacun soit libre en respectant la liberté des autres. L’Église est parfaitement maîtresse de prêcher dans toutes ses chaires, d’enseigner aux enfants dans toutes les paroisses : « hors de l’Église point de salut ». Mais si le gouvernement obligeait les instituteurs à le dire dans les écoles, si lui, Gouvernement, qui doit protection, liberté et respect à tous, faisait dire dans ses écoles par ses instituteurs : « hors de l’Église point de salut », ce serait abominable.

[...] Nous avons mis des centaines et des centaines d’années à conquérir la liberté de conscience, c’est-à-dire le droit pour chacun de penser et d’agir comme il lui plaît dans les choses de la religion. Il y a des siècles, au Moyen-âge, l’Église était maîtresse de tout…

[... ] Mais les rois et les empereurs ne travaillaient pas pour les nations ; ils ne travaillaient que pour eux-mêmes. Et, quand ils eurent affranchi leur pouvoir de l’Église, ils voulurent se servir de l’Église pour maintenir leur pouvoir sur les peuples ; ils comprirent que, si les hommes pouvaient discuter en liberté les choses de la religion, ils discuteraient avec la même liberté les choses de la politique.

Voilà pourquoi ils persécutèrent les protestants ; voilà pourquoi ils persécutèrent les jansénistes ; voilà pourquoi ils proscrivirent les livres de Voltaire et de Rousseau, l’Encyclopédie, toutes les œuvres libres ; voilà pourquoi ils livrèrent à l’Église les registres de l’état-civil c’est-à-dire la société tout entière.

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La loi de 1936 sur les groupes de combat et les milices privées

Loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, version consolidée au 1er mai 2012
La loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées a été adoptée dans le contexte très particulier de l'agitation entretenue dans la décennie précédant le dernier conflit mondial par des associations ou groupements de fait communément qualifiés de ligues. Elle a introduit une exception à la liberté d'association résultant de la loi du 1er juillet 1901 en permettant la dissolution administrative de groupements jugés dangereux.
Bien que fortement marquée par les circonstances ayant présidé à son adoption, la loi a survécu à ces événements et a même été complétée à plusieurs reprises par la suite. Un grand nombre de groupements et d'associations ont été dissous en vertu de ce texte : les ligues des années trente telles que les Croix de feu, mais aussi la ligue communiste (juin 1973), le Service d'action civique (août 1982), l'association « Ordre nouveau » (juin 1973), le mouvement corse pour l'autodétermination (janvier 1987), le Comité du Kurdistan (décembre 1993)...

Article 1
Seront dissous, par décret rendu par le Président de la République en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait :
1° Qui provoqueraient à des manifestations armées dans la rue ;
2° Ou qui, en dehors des sociétés de préparation au service militaire agréées par le Gouvernement, des sociétés d'éducation physique et de sport, présenteraient, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ;
3° Ou qui auraient pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national ou d'attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ;
4° Ou dont l'activité tendrait à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine ;
5° Ou qui auraient pour but soit de rassembler des individus ayant fait l'objet de condamnation du chef de collaboration avec l'ennemi, soit d'exalter cette collaboration.
Le Conseil d'Etat, saisi d'un recours en annulation du décret prévu par le premier alinéa du présent article, devra statuer d'urgence.
6° Ou qui, soit provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propageraient des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence.
7° Ou qui se livreraient, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger.

Texte consultable sur Légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000325214/2012-04-30/

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Libérer la presse

Albert Camus, « Critique de la nouvelle presse », Combat, 31 août 1944

Puisque, entre l’insurrection et la guerre, une pause nous est aujourd’hui donnée, je voudrais parler d’une chose que je connais bien et qui me tient à cœur, je veux dire la presse. Et puisqu’il s’agit de cette nouvelle presse qui est sortie de la bataille de Paris, je voudrais en parler avec, en même temps, la fraternité et la clairvoyance que l’on doit à des camarades de combat.

Lorsque nous rédigions nos journaux dans la clandestinité, c’était naturellement sans histoires et sans déclarations de principe. Mais je sais que pour tous nos camarades de tous nos journaux, c’était avec un grand espoir secret. Nous avions l’espérance que ces hommes, qui avaient couru des dangers mortels au nom de quelques idées qui leur étaient chères, sauraient donner à leur pays la presse qu’il méritait et qu’il n’avait plus. Nous savions par expérience que la presse d’avant guerre était perdue dans son principe et dans sa morale. L’appétit de l’argent et l’indifférence aux choses de la grandeur avaient opéré en même temps pour donner à la France une presse qui, à de rares exceptions près, n’avait d’autre but que de grandir la puissance de quelques-uns et d’autre effet que d’avilir la moralité de tous. Il n’a donc pas été difficile à cette presse de devenir ce qu’elle a été de 1940 à̀ 1944, c’est-à-dire la honte de ce pays.

Notre désir, d’autant plus profond qu’il était souvent muet, était de libérer les journaux de l’argent et de leur donner un ton et une vérité qui mettent le public à̀ la hauteur de ce qu’il y a de meilleur en lui. Nous pensions alors qu’un pays vaut souvent ce que vaut la presse. Et s’il est vrai que les journaux sont la voix d’une nation, nous é́tions dé́cidés, à notre place et pour notre faible part, à élever ce pays en élevant son langage. À tort ou à raison, c’est pour cela que beaucoup d’entre nous sont morts dans d’inimaginables conditions et que d’autres souffrent la solitude et les menaces de la prison.

En fait, nous avons seulement occupé des locaux, où nous avons confectionné des journaux que nous avons publiés en pleine bataille. C’est une grande victoire et, de ce point de vue, les journalistes de la Résistance ont montré un courage et une volonté qui méritent le respect de tous. Mais, et je m’excuse de le dire au milieu de l’enthousiasme général, cela est peu de chose puisque tout reste à faire. Nous avons conquis les moyens de faire cette révolution profonde que nous désirions. Encore faut-il que nous la fassions vraiment. Et pour tout dire d’un mot, la presse libérée, telle qu’elle se présente à Paris après une dizaine de numéros, n’est pas très satisfaisante.

Ce que je me propose de dire dans cet article et dans ceux qui suivront, je voudrais qu’on le prenne bien. Je parle au nom d’une fraternité de combat et personne n’est ici visé en particulier. Les critiques qu’il est possible de faire s’adressent à toute la presse sans exception, et nous nous y comprenons. Dira-t-on que cela est prématuré, qu’il faut laisser à nos journaux le temps de s’organiser avant de faire cet examen de conscience ? La réponse est « non ».

Nous sommes bien placés pour savoir dans quelles incroyables conditions nos journaux ont été fabriqués. Mais la question n’est pas là. Elle est dans un certain ton qu’il était possible d’adopter dès le début et qui ne l’a pas été. C’est au contraire au moment où cette presse est en train de se faire, où elle va prendre son visage définitif qu’il importe qu’elle s’examine. Elle saura mieux ce qu’elle veut être et elle le deviendra.

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Jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande

Jean-Paul Sartre, « La République du silence », Les Lettres françaises, 9 septembre 1944, no 20

Jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande. Nous avions perdu tous nos droits et d’abord celui de parler ; on nous insultait en face chaque jour et il fallait nous taire ; on nous déportait en masse, comme travailleurs, comme Juifs, comme prisonniers politiques ; partout sur les murs, dans les journaux, sur l’écran, nous retrouvions cet immonde visage que nos oppresseurs voulaient nous donner de nous-mêmes : à cause de tout cela nous étions libres. Puisque le venin nazi se glissait jusque dans notre pensée, chaque pensée juste était une conquête ; puisqu’une police toute-puissante cherchait à nous contraindre au silence, chaque parole devenait précieuse comme une déclaration de principe ; puisque nous étions traqués, chacun de nos gestes avait le poids d’un engagement. Les circonstances souvent atroces de notre combat nous mettaient enfin à même de vivre, sans fard et sans voile, cette situation déchirée, insoutenable qu’on appelle la condition humaine. L’exil, la captivité, la mort surtout que l’on masque habilement dans les époques heureuses, nous en faisions les objets perpétuels de nos soucis, nous apprenions que ce ne sont pas des accidents évitables, ni même des menaces constantes mais extérieures : il fallait y voir notre lot, notre destin, la source profonde de notre réalité d’homme ; à chaque seconde nous vivions dans sa plénitude le sens de cette petite phrase banale : « Tous les hommes sont mortels. » Et le choix que chacun faisait de lui-même était authentique puisqu’il se faisait en présence de la mort, puisqu’il aurait toujours pu s’exprimer sous la forme « Plutôt la mort que… ».

Et je ne parle pas ici de cette élite que furent les vrais Résistants, mais de tous les Français qui, à toute heure du jour et de la nuit, pendant quatre ans, ont dit non. La cruauté même de l’ennemi nous poussait jusqu’aux extrémités de notre condition en nous contraignant à nous poser ces questions qu’on élude dans la paix : tous ceux d’entre nous – et quel Français ne fut une fois ou l’autre dans ce cas ? – qui connaissaient quelques détails intéressant de la Résistance se demandaient avec angoisse : « Si on me torture, tiendrai-je le coup ? »

Ainsi la question même de la liberté était posée et nous étions au bord de la connaissance la plus profonde que l’homme peut avoir de lui-même. Car le secret d’un homme, ce n’est pas son complexe d’Œdipe ou d’infériorité, c’est la limite même de sa liberté, c’est son pouvoir de résistance aux supplices et à la mort. À ceux qui eurent une activité clandestine, les circonstances de leur lutte apportait une expérience nouvelle : ils ne combattaient pas au grand jour, comme des soldats ; traqués dans la solitude, arrêtés dans la solitude, c’est dans le délaissement, dans le dénuement le plus complet qu’ils résistaient aux tortures : seuls et nus devant des bourreaux bien rasés, bien nourris, bien vêtus qui se moquaient de leur chair misérable et à qui une conscience satisfaite, une puissance sociale démesurée donnaient toutes les apparences d’avoir raison. Pourtant, au plus profond de cette solitude, c’étaient les autres, tous les autres, tous les camarades de résistance qu’ils défendaient ; un seul mot suffisait pour provoquer dix, cent arrestations.

Cette responsabilité totale dans la solitude totale, n’est-ce pas le dévoilement même de notre liberté ? Ce délaissement, cette solitude, ce risque énorme étaient les mêmes pour tous, pour les chefs et pour les hommes ; pour ceux qui portaient des messages dont ils ignoraient le contenu comme pour ceux qui décidaient de toute la résistance, une sanction unique : l’emprisonnement, la déportation, la mort. Il n’est pas d’armée au monde où l’on trouve pareille égalité de risques pour le soldat et le généralissime. Et c’est pourquoi la Résistance fut une démocratie véritable : pour le soldat comme pour le chef, même danger, même responsabilité, même absolue liberté dans la discipline. Ainsi, dans l’ombre et dans le sang, la plus forte des Républiques s’est constituée. Chacun de ses citoyens savait qu’il se devait à tous et qu’il ne pouvait compter que sur lui-même ; chacun d’eux réalisait, dans le délaissement le plus total, son rôle historique. Chacun d’eux, contre les oppresseurs, entreprenait d’être lui-même, irrémédiablement et en se choisissant lui-même dans sa liberté, choisissait la liberté de tous. Cette république sans institutions, sans armée, sans police, il fallait que chaque Français la conquière et l’affirme à chaque instant contre le nazisme. Nous voici à présent au bord d’une autre République : ne peut-on souhaiter qu’elle conserve au grand jour les austères vertus de la République du Silence et de la Nuit. 

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La Déclaration universelle des droits de l'Homme

Déclaration universelle des droits de l'Homme, 10 décembre 1948
Quelques années après la Seconde Guerre mondiale, l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies proclame une nouvelle déclaration des droits de l'Homme. Sur les cinquante-huit pays alors membres de l'Assemblée, quarante-huit en ont été signataires, les dix autres s'abstenant ou ne prenant pas part au vote.

Préambule
Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.
Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme.
Considérant qu'il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression.
Considérant qu'il est essentiel d'encourager le développement de relations amicales entre nations.
Considérant que dans la Charte les peuples des Nations Unies ont proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des femmes, et qu'ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande.
Considérant que les Etats Membres se sont engagés à assurer, en coopération avec l'Organisation des Nations Unies, le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Considérant qu'une conception commune de ces droits et libertés est de la plus haute importance pour remplir pleinement cet engagement.
L'Assemblée générale proclame la présente Déclaration universelle des droits de l'homme comme l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelles et effectives, tant parmi les populations des Etats Membres eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction.

Article premier
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Article 2
1. Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
2.De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.

Article 3
Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.

Article 4
Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.

Article 5
Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Article 6
Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique.

Article 7
Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination.

Article 8
Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi.

Article 9
Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé.

Article 10
Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

Article 11
1. Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.
2. Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'acte délictueux a été commis.

Article 12
Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

Article 13
1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.

Article 14
1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays.
2. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

Article 15
1. Tout individu a droit à une nationalité.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité.

Article 16
1. A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution.
2. Le mariage ne peut être conclu qu'avec le libre et plein consentement des futurs époux.
3. La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'Etat.

Article 17
1. Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la propriété.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété.

Article 18
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.

Article 19
Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.

Article 20
1. Toute personne a droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques.
2. Nul ne peut être obligé de faire partie d'une association.

Article 21
1. Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis.
2. Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays.
3. La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote.

Article 22
Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l'effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l'organisation et des ressources de chaque pays.

Article 23
1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.
2. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.
3. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s'il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale.
4. Toute personne a le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

Article 24
Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques.

Article 25
1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.
2. La maternité et l'enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants, qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale.

Article 26
1. Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.
2. L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.
3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants.

Article 27
1. Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.
2. Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur.

Article 28
Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet.

Article 29
1. L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible.
2. Dans l'exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre public et du bien-être général dans une société démocratique.
3. Ces droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s'exercer contrairement aux buts et aux principes des Nations Unies.

Article 30
Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés.

Texte consultable sur le site de l'ONU : https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/

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La liberté d'expression en Europe

Convention européenne des droits de l'Homme, Conseil de l'Europe, 4 novembre 1950

Article 10
1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.
2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. 

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La liberté d'expression ne peut être censurée

André Malraux, Intervention à l'Assemblée nationale, 27 octobre 1966
En réaction aux critiques suite à la création à l’Odéon-Théâtre de France de la pièce Les Paravents de Jean Genet, André Malraux, ancien résistant, ministre de la culture, se livre à une vibrante défense de la liberté d'expression.

La liberté, Mesdames, Messieurs, n'a pas toujours les mains propres ; mais quand elle n'a pas les mains propres, avant de la passer par la fenêtre, il faut y regarder à deux fois. Il s'agit d'un théâtre subventionné, dites-vous. Là-dessus je n'ai rien à dire. Mais, la lecture qui a été faite à la tribune est celle d'un fragment. Ce fragment n'est pas joué sur la scène, mais dans les coulisses. Il donne, dit-on, le sentiment qu'on est en face d'une pièce antifrançaise. Si nous étions vraiment en face d'une pièce antifrançaise, un problème assez sérieux se poserait. Or, quiconque a lu cette pièce sait très bien qu'elle n'est pas antifrançaise. Elle est antihumaine. Elle est anti-tout. Genet n'est pas plus antifrançais que Goya anti-espagnol. Vous avez l'équivalent de la scène dont vous parlez dans les Caprices. Par conséquent, le véritable problème qui se pose ici – il a d'ailleurs été posé – c'est celui, comme vous l'avez appelé de la « pourriture ». Mais là encore, Mesdames, Messieurs, allons lentement ! car avec des citations on peut tout faire :

« Alors ô ma beauté, dites à la vermine qui vous mangera de baisers... », c'est de la pourriture ! Une charogne ce n'est pas un titre qui plaisait beaucoup au procureur général, sans parler de Madame Bovary.

Ce que vous appelez de la pourriture n'est pas un accident. C'est ce au nom de quoi on a toujours arrêté ceux qu'on arrêtait. Je ne prétends nullement – je n'ai d'ailleurs pas à le prétendre – que M. Genet soit Baudelaire. S'il était Baudelaire, on ne le saurait pas. La preuve c'est qu'on ne savait pas que Baudelaire était un génie. Ce qui est certain, c'est que l'argument invoqué : « cela blesse ma sensibilité, on doit donc l'interdire », est un argument déraisonnable. L'argument raisonnable est le suivant : « Cette pièce blesse votre sensibilité. N'allez par acheter votre place au contrôle. On joue d'autres choses ailleurs. Il n'y a pas obligation. Nous ne sommes pas à la radio ou à la télévision. » Si nous commençons à admettre le critère dont vous avez parlé, nous devons écarter la moitié de la peinture gothique française, car le grand retable de Grünewald a été peint pour les pestiférés. Nous devons aussi écarter la totalité de l'œuvre de Goya ce qui sans doute n'est pas rien. Et je reviens à Baudelaire que j'évoquais à l'instant...

Le théâtre existe pour que les gens y retrouvent leur propre grandeur. Mais le Théâtre de France n'est pas un théâtre où l'on ne joue que Les Paravents. C'est un théâtre où l'on joue Les Paravents, mais entre le Pain dur de Claudel et les classiques, en attendant Shakespeare. Il ne s'agit plus du tout de savoir si on donne de l'argent pour jouer Les Paravents. Il s'agit de savoir si l'on doit ne jouer dans un théâtre de cette nature que des œuvres qui sont dans une certaine direction. Quand on parlait de théâtre subventionné, il y a un siècle, on parlait d'un théâtre d'exception. Or aujourd'hui la subvention s'adresse à presque tous les théâtres. Je ne parle pas de théâtres privés parisiens. Je parle des centres dramatiques. Si nous admettons une censure particulière pour le théâtre privé parisien, que nous ne subventionnons pas, nous l'aurons pour le théâtre privé de province ; si nous admettons une censure pour les théâtres subventionnés parisiens, nous l'admettons pour tous les centres dramatiques, c'est-à-dire pour tout ce qui est le théâtre vivant en France.

C'est pourquoi on ne peut s'engager dans une telle voie qu'avec une extrême prudence et je ne supprimerai pas pour rien la liberté des théâtres subventionnés. J'insiste sur les mots « pour rien », car si nous interdisons Les Paravents, ils seront rejoués demain, non pas trois fois mais cinq cents fois. Nous aurons à la rigueur prononcé un excellent discours et prouvé que nous étions capables de prendre une mesure d'interdiction, mais en fait nous n'aurons rien interdit du tout. L'essentiel n'est pas de savoir ce que nous pourrons faire de trois francs de subvention mais de savoir ce qu'on interdira ou non, de savoir quelle gloire sera donnée par l'interdiction à une pièce dont on veut minimiser la portée par une opération de Gribouille. Je ne crois pas que ce soit urgent. En fait nous n'autorisons pas Les Paravents pour ce que vous leur reprochez et qui peut être légitime ; nous les autorisons malgré ce que vous leur reprochez, comme nous admirons Baudelaire pour la fin d'Une charogne et non pas pour la description du mort.

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La diversité culturelle

Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversite culturelle, 2 novembre 2001

La Conférence générale,

Attachée à la pleine réalisation des droits de l'homme et des libertés fondamentales proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans d'autres instruments juridiques universellement reconnus, tels que les deux Pactes internationaux de 1966 relatifs l'un aux droits civils et politiques et l'autre aux droits économiques, sociaux et culturels,
Rappelant que le Préambule de l'Acte constitutif de l'UNESCO affirme « (…) que la dignité de l'homme exigeant la diffusion de la culture et l'éducation de tous en vue de la justice, de la liberté et de la paix, il y a là, pour toutes les nations, des devoirs sacrés à remplir dans un esprit de mutuelle assistance »,
Rappelant également son Article premier qui assigne entre autres buts à l'UNESCO de recommander «  les accords internationaux qu'elle juge utiles pour faciliter la libre circulation des idées par le mot et par l'image »,
Se référant aux dispositions ayant trait à la diversité culturelle et à l'exercice des droits culturels figurant dans les instruments internationaux promulgués par l'UNESCO,
Réaffirmant que la culture doit être considérée comme l'ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social et qu'elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances,
Constatant que la culture se trouve au cœur des débats contemporains sur l'identité, la cohésion sociale et le développement d'une économie fondée sur le savoir,
Affirmant que le respect de la diversité des cultures, la tolérance, le dialogue et la coopération, dans un climat de confiance et de compréhension mutuelles, sont un des meilleurs gages de la paix et de la sécurité internationales,
Aspirant à une plus grande solidarité fondée sur la reconnaissance de la diversité culturelle, sur la prise de conscience de l'unité du genre humain et sur le développement des échanges interculturels,
Considérant que le processus de mondialisation, facilité par l'évolution rapide des nouvelles technologies de l'information et de la communication, bien que constituant un défi pour la diversité culturelle, crée les conditions d'un dialogue renouvelé entre les cultures et les civilisations,
Consciente du mandat spécifique qui a été confié à l’UNESCO, au sein du système des Nations Unies, d’assurer la préservation et la promotion de la féconde diversité des cultures,
Proclame les principes suivants et adopte la présente Déclaration :

Identité, diversité et pluralisme

Article premier - La diversité culturelle, patrimoine commun de l'humanité
La culture prend des formes diverses à travers le temps et l'espace. Cette diversité s'incarne dans l'originalité et la pluralité des identités qui caractérisent les groupes et les sociétés composant l'humanité. Source d’échanges, d'innovation et de créativité, la diversité culturelle est, pour le genre humain, aussi nécessaire que l'est la biodiversité dans l'ordre du vivant. En ce sens, elle constitue le patrimoine commun de l'humanité et elle doit être reconnue et affirmée au bénéfice des générations présentes et des générations futures.

Article 2 - De la diversité culturelle au pluralisme culturel
Dans nos sociétés de plus en plus diversifiées, il est indispensable d’assurer une interaction harmonieuse et un vouloir vivre ensemble de personnes et de groupes aux identités culturelles à la fois plurielles, variées et dynamiques. Des politiques favorisant l'intégration et la participation de tous les citoyens sont garantes de la cohésion sociale, de la vitalité de la société civile et de la paix. Ainsi défini, le pluralisme culturel constitue la réponse politique au fait de la diversité culturelle. Indissociable d'un cadre démocratique, le pluralisme culturel est propice aux échanges culturels et à l'épanouissement des capacités créatrices qui nourrissent la vie publique.

Article 3 - La diversité culturelle, facteur de développement
La diversité culturelle élargit les possibilités de choix offertes à chacun ; elle est l’une des sources du développement, entendu non seulement en termes de croissance économique, mais aussi comme moyen d'accéder à une existence intellectuelle, affective, morale et spirituelle satisfaisante.

Diversité culturelle et droits de l'homme

Article 4 - Les droits de l'homme, garants de la diversité culturelle
La défense de la diversité culturelle est un impératif éthique, inséparable du respect de la dignité de la personne humaine. Elle implique l'engagement de respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales, en particulier les droits des personnes appartenant à des minorités et ceux des peuples autochtones. Nul ne peut invoquer la diversité culturelle pour porter atteinte aux droits de l'homme garantis par le droit international, ni pour en limiter la portée.

Article 5 - Les droits culturels, cadre propice à la diversité culturelle
Les droits culturels sont partie intégrante des droits de l'homme, qui sont universels, indissociables et interdépendants. L'épanouissement d'une diversité créatrice exige la pleine réalisation des droits culturels, tels qu'ils sont définis à l'article 27 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et aux articles 13 et 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Toute personne doit ainsi pouvoir s'exprimer, créer et diffuser ses œuvres dans la langue de son choix et en particulier dans sa langue maternelle ; toute personne a le droit à une éducation et une formation de qualité qui respectent pleinement son identité culturelle ; toute personne doit pouvoir participer à la vie culturelle de son choix et exercer ses propres pratiques culturelles, dans les limites qu’impose le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Article 6 - Vers une diversité culturelle accessible à tous
Tout en assurant la libre circulation des idées par le mot et par l'image, il faut veiller à ce que toutes les cultures puissent s'exprimer et se faire connaître. La liberté d'expression, le pluralisme des médias, le multilinguisme, l'égalité d'accès aux expressions artistiques, au savoir scientifique et technologique - y compris sous la forme numérique - et la possibilité, pour toutes les cultures, d'être présentes dans les moyens d'expression et de diffusion, sont les garants de la diversité culturelle.

Diversité culturelle et créativité

Article 7 - Le patrimoine culturel, aux sources de la créativité
Chaque création puise aux racines des traditions culturelles, mais s'épanouit au contact des autres cultures. C'est pourquoi le patrimoine, sous toutes ses formes, doit être préservé, mis en valeur et transmis aux générations futures en tant que témoignage de l'expérience et des aspirations humaines, afin de nourrir la créativité dans toute sa diversité et d'inspirer un véritable dialogue entre les cultures.

Article 8 - Les biens et services culturels, des marchandises pas comme les autres
Face aux mutations économiques et technologiques actuelles, qui ouvrent de vastes perspectives pour la création et l'innovation, une attention particulière doit être accordée à la diversité de l'offre créatrice, à la juste prise en compte des droits des auteurs et des artistes ainsi qu'à la spécificité des biens et services culturels qui, parce qu'ils sont porteurs d'identité, de valeurs et de sens, ne doivent pas être considérés comme des marchandises ou des biens de consommation comme les autres.

Article 9 - Les politiques culturelles, catalyseur de la créativité
Tout en assurant la libre circulation des idées et des œuvres, les politiques culturelles doivent créer les conditions propices à la production et à la diffusion de biens et services culturels diversifiés, grâce à des industries culturelles disposant des moyens de s'affirmer à l'échelle locale et mondiale. Il revient à chaque État, dans le respect de ses obligations internationales, de définir sa politique culturelle et de la mettre en œuvre par les moyens d'action qu'il juge les mieux adaptés, qu'il s'agisse de soutiens opérationnels ou de cadres réglementaires appropriés.
[…]

Consultable en ligne sur le site de l'UNESCO : https://www.unesco.org/fr/legal-affairs/unesco-universal-declaration-cultural-diversity

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La liberté d'expression en ligne

Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique

TITRE PREMIER : DE LA LIBERTÉ DE COMMUNICATION EN LIGNE
Chapitre Premier : La communication au public en ligne

Article 1
[...] la communication au public par voie électronique est libre.
L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d'une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d'autrui, du caractère plurialiste de l'expression des courants de pensée et d'opinion et, d'autre part, par la sauvegarde de l'ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle.
On entend par communication au public par voie électronique toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée.
On entend par communication au public en ligne toute transmission, sur demande individuelle, de données numériques n'ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d'informations entre l'émetteur et le récepteur.
On entend par courrier électronique tout message, sous forme de texte, de voix, de son ou d'image, envoyé par un réseau public de communication, stocké sur un serveur du réseau ou dans l'équipement terminal du destinataire, jusqu'à ce que ce dernier le récupère.

Texte consultable sur Légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000801164

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La liberté d'expression confrontée au terrorisme

Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme (Code pénal, article 421-5 (V))

Article 5
Le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende.
Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne.
Lorsque les faits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.

Texte consultable sur Légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000029754374

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