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Les contes et leurs variantes

La Veillée à la ferme pendant l’hiver
La Veillée à la ferme pendant l’hiver

Bibliothèque nationale de France

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Variations, adaptations et interprétations font partie intégrante de l'univers des contes. Les nombreuses variantes permises par la tradition orale nous sont parfois parvenues par le travail des folkloristes. Puis, à la suite des conteurs, les auteurs se sont emparés de l'histoire pour en donner leur propre interprétation ou l'adapter à l'époque.

Aux côtés du conte « littéraire » né à la fin du 17e siècle sous la plume de Charles Perrault, a longtemps vécu dans la tradition orale un conte « populaire », anonyme et dont l’origine, parfois très lointaine, est impossible à préciser. Le conte populaire a longtemps fait partie d’une culture vivante, transmis oralement pendant des siècles, subissant bien des transformations du récit. La pratique du contage ayant presque disparu en France, le conte populaire se présente aujourd’hui sous de nombreuses variantes, rassemblées dans les campagnes au 19e et au début du 20e siècle, sans qu’aucune ne puisse prétendre représenter le « véritable » récit

Le conte populaire : une tradition orale et séculaire

Dans sa forme et dans son contenu, le conte populaire témoigne de la vie sociale et orale dans laquelle il s’intégrait. Le conte a fleuri dans les milieux traditionnels, en quelque sorte propriété collective du groupe. Sa transmission ne dépendait que de la mémoire des générations de conteurs qui perpétuaient cette tradition. Le message se devait clair, bien construit et d’une faible densité conceptuelle pour être compris de tous. Les conteurs s’adaptaient à leur public, ajoutant au récit de multiples résonances et clichés pour permettre à l’auditoire de récupérer au cours de la narration un élément mal saisi. Les transmissions successives ont ensuite « épuré » le récit, éliminant les mentions trop individualisées pour ne conserver qu’un schéma susceptible d’intéresser une majorité d’auditeurs. A chaque narration, le schéma a pris corps sous forme de « version » ou « variante ».

Frontispice pour les contes de Grimm
Frontispice pour les contes de Grimm |

Bibliothèque nationale de France

Tableau de l’histoire de l’oiseau bleu
Tableau de l’histoire de l’oiseau bleu |

Bibliothèque nationale de France

Les multiples versions du même conte-type

« Le Petit Poucet, s’étant approché de l’ogre, lui tira doucement ses bottes. »
« Le Petit Poucet, s’étant approché de l’ogre, lui tira doucement ses bottes. » |

Bibliothèque nationale de France

Au sens strict, un conte n’existe pas : il n’existe que de multiples versions d’un même conte, fixées parfois par la plume d’un conteur ou d’un écrivain consignant un récit qu’il connaissait. Parler « du » conte du Petit Poucet, c’est simplifier la réalité car il existe quantité de versions toutes aussi originales les unes que les autres. Cette multiplicité tient aux impératifs mêmes de la transmission orale : un schéma détaillé transmis d’un individu à l’autre et non un texte qui serait l’apanage du conteur. Autrement dit, le conte populaire présente une même structure mais plusieurs récits oraux. La classification internationale utilise le terme de « conte-type » pour identifier plusieurs versions se référant à un même schéma.

Pratique sociale devenue objet d’étude

« Le Chaperon rouge fut bien étonné de voir comment sa grand’mère était faite en son déshabillé. »
« Le Chaperon rouge fut bien étonné de voir comment sa grand’mère était faite en son déshabillé. » |

Bibliothèque nationale de France

Toutes ces variantes peuvent être lues à la fois comme un « texte intégral » et comme élément d’une série. Le récit doit alors être constitué à partir d’un corpus de versions : le texte n’est pas donné au départ mais à l’arrivée. Ainsi ont procédé les frères Grimm, réécrivant le matériau recueilli et combinant les versions à la recherche d’un récit « originel », le Urmärchen. Les folkloristes ont procédé différemment, tendant à l’exhaustivité en rassemblant toutes les versions connues. Dans son Catalogue raisonné du Conte français (1951), Paul Delarue (1889-1956) a ainsi répertorié quelque trente versions différentes du Petit Chaperon rouge.

Les recueils composés par les folkloristes ne témoignent hélas que d’une infime partie de la richesse du conte populaire sous l’Ancien Régime. A mesure que sa « pratique sociale » disparaissait, il devenait un « objet d’étude » pour spécialistes, au croisement de l’ethnologie, de la sociologie et de la psychanalyse.

Provenance

Cet article provient du site Contes de fées (2001)

Lien permanent

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