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Ker-Xavier Roussel (1867-1944), à l’époque nabie

Le Nabi bucolique
Les Saisons de la vie
Les Saisons de la vie

© GrandPalaisRmn (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

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Romantique et rêveur, Ker-Xavier Roussel est très intéressé par l’avant-garde artistique de son époque, qu’il s’agisse de poésie, de théâtre ou de musique. Son style, au début assez hétéroclite, évoluera vers un symbolisme sensuel d’inspiration virgilienne.

Né d’un père médecin homéopathe à Lorry-lès-Metz, en Lorraine, François Xavier Roussel étudie à Paris, au lycée Condorcet, où il a pour condisciples Édouard Vuillard, Maurice Denis et Aurélien Lugné (connu plus tard sous le pseudonyme de Lugné-Poe). Cette amitié précoce est décisive pour son avenir.

À la suite du divorce de ses parents en 1880, il habite au domicile de son père, rue de la Victoire dans le 9e arrondissement, où il rencontre peintres, écrivains et musiciens. Après un an de service militaire, il choisit la carrière artistique, avec l’approbation paternelle, et se forme dans l’atelier du peintre Diogène Maillart, aux côtés de Vuillard. Admis à l’École des Beaux-arts en 1886, il fréquente également l’Académie Julian qui lui permet de prendre ses distances par rapport à l’enseignement traditionnel. Il y fait la connaissance de Paul Sérusier et se lie d’amitié avec Pierre Bonnard.

Bonnard portant son Kodak avec Ker-Xavier Roussel à Venise
Bonnard portant son Kodak avec Ker-Xavier Roussel à Venise |

© Musée d'Orsay, Dist. GrandPalaisRmn / Patrice Schmidt

Roussel rejoint le groupe des Nabis fondé en 1888 par Sérusier qui, sous le choc de la découverte de l’œuvre de Paul Gauguin, défend un art libéré des principes académiques. En sa qualité d’initié Nabi, Roussel choisit le nom d’artiste de « Ker Xavier Roussel », reprenant le surnom de « Ker » que lui donnait son frère dans sa jeunesse. Il expose à la Galerie Le Barc de Boutteville en 1891, puis de nouveau en 1892 et 1893. Cette même année, il épouse Marie Vuillard, la sœur de son ami Édouard. Les locaux de La Revue blanche accueillent sa première exposition particulière en 1894.

Partageant, au début de sa carrière, le goût des scènes intimistes de Vuillard, Roussel s’en affranchit pour adopter un style plus simple et plus monumental, sensible dans les compositions peintes, en 1893, pour le concours du décor de la salle des fêtes de la mairie de Bagnolet. La simplification des formes, le renoncement au modelé et l’harmonie des tonalités de la Réunion de dames, qui fait partie de ce projet non abouti, participent pleinement de l’esthétique nabie.

Noli me tangere
Noli me tangere |

Bibliothèque nationale de France

Ker-Xavier Roussel et la lithographie

Programme du Théâtre de l’Œuvre pour Le Volant de Judith Cladel
Programme du Théâtre de l’Œuvre pour Le Volant de Judith Cladel |

Bibliothèque nationale de France 

À l’instar de ses confrères Vuillard, Bonnard et Denis, Roussel se met à la lithographie, en noir et blanc d’abord, puis en couleurs. Sa première planche est un portrait de Vuillard traité en manière noire lithographique. Il contribue aux albums édités par la Revue blanche en 1893 et 1894 avec des lithographies en noir (Deux femmes conversant et Noli me tangere) et collabore au Théâtre de l’Œuvre que vient de fonder son ancien condisciple de Condorcet Aurélien Lugné, devenu Lugné-Poe. Les décors qu’il réalise ont disparu, comme ceux des autres Nabis, mais l’illustration lithographiée du programme pour le septième spectacle monté en 1895, Le Volant de Judith Cladel, témoigne de cette collaboration. Il conçoit également des décors pour le Théâtre des Pantins, un théâtre de marionnettes d’avant-garde fondé par le compositeur Claude Terrasse, beau-frère de Bonnard, avec Franc-Nohain et Alfred Jarry, situé rue Ballu.

Dans la neige [dit aussi L’Éducation du chien]
Dans la neige [dit aussi L’Éducation du chien] |

Bibliothèque nationale de France

La couleur s’impose progressivement dans ses lithographies, en commençant par la planche L’Éducation du chien, imprimée par Edward Ancourt et publiée en 1893 par André Marty dans la première livraison de L’Estampe originale où elle dialogue avec celles de Bonnard, Denis, Ibels, Ranson, Vallotton et Vuillard.
Paysage avec maison
Paysage avec maison |

Bibliothèque nationale de France 

L’album d’estampes originales de la Galerie Vollard de 1897, deuxième opus collectif d’estampes publié par l’éditeur, contient un Paysage avec maison, qui témoigne du goût pour la couleur et pour le paysage de Roussel à qui l’éditeur offre la possibilité de s’exprimer plus amplement grâce à la commande d’une suite individuelle de douze planches et une couverture, sur le même modèle que celles consacrées à Bonnard, Vuillard et Maurice Denis. Cependant l’échec commercial de ces trois albums compromet l’achèvement de celui de Roussel dont seulement six planches sont publiées en 1898 et une septième en 1900. Les cinq autres sont restées à l’état de dessins préparatoires et d’épreuves d’essai. La symbiose entre la figure humaine et la nature est le point commun de ces lithographies, tantôt traitée de manière impressionniste, tantôt dans une veine symboliste.

En 1899, après un voyage en Italie (Venise et Milan) en compagnie de Bonnard et Vuillard, Roussel, sa femme et leur fille Annette, née en 1898, quittent Paris pour s'installer définitivement à L'Étang-la-Ville. Ce déménagement coïncide avec l’affirmation de son attrait pour la représentation de la nature :

J’aime beaucoup la campagne. Il faudrait peindre comme on regarde ; il faudrait que le pinceau puisse poser, comme le regard la cueille, la fleur de la vision, avant que des éléments vains et lourds ne s’immiscent en elle.

Ker-Xavier Roussel

Les paysages d’Ile-de-France qu’il peint abritent des scènes bucoliques et mythologiques, dans lesquelles les personnages font corps avec le végétal. La lumière du midi, découverte à l’occasion d’un séjour en Provence avec Maurice Denis en 1906, contribuera à l’éclaircissement de sa palette.

Vénus et l’Amour au bord de la mer
Vénus et l’Amour au bord de la mer |

© GrandPalaisRmn (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

Roussel participe à l’exposition collective des Nabis, en mars 1899, à la galerie Durand-Ruel, qui marque la fin de la cohésion esthétique du groupe dont chaque membre prend une direction plus personnelle.

Provenance

Cet article a été publié dans le cadre de l’exposition Impressions nabies présentée à la BnF du 9 septembre 2025 au 11 janvier 2026. 

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