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La Fontaine, le fabuliste

Jean de La Fontaine (1621-1695)
Jean de La Fontaine (1621-1695)

© Bibliothèque nationale de France

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Homme d'Église, avocat, maître des Eaux et de forêts, Jean de La Fontaine emprunte bien des chemins avant de se consacrer à sa plume. Surtout connu pour la publication des Fables, il est aussi l'auteur de nombreux contes et poèmes. Acteur des salons littéraires, ami des écrivains les plus célèbres, La Fontaine figure parmi les plus grands auteurs du siècle de Louis XIV.

En quête de sens

Expulsion des soeurs de Port-Royal des champs et démolition de l’abbaye
Expulsion des soeurs de Port-Royal des champs et démolition de l’abbaye |

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Jean de La Fontaine naît en 1621 à Château-Thierry, en Champagne. Son père y exerce la charge de maître des eaux et des forêts.

À l’issue de ses études secondaires, il ne sait quel chemin emprunter : marcher dans les pas de son père, et reprendre sa charge, ou emprunter la voie ecclésiastique. Il entre finalement au séminaire en 1641, et y découvre l’influence janséniste qui l’accompagnera tout au long de sa vie.

Il ne demeure pas longtemps sur cette voie, et entreprend en 1645 des études de droit à Paris. Il devient avocat au Parlement de Paris en 1649, avant de reprendre en 1652 la charge de son père.

Sous la protection de Fouquet

Le Château de Vaux-le-vicomte
Le Château de Vaux-le-vicomte |

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Il revient s’installer à Paris en 1658, séparé de sa femme, et non sans connaître quelques difficultés financières. La composition du poème Adonis lui vaut la protection de Nicolas Fouquet, intendant des finances qui ne tarde pas à s’attiser les foudres de Louis XIV.

Leur relation ne dure pas, puisque Fouquet est arrêté en 1661, tandis que La Fontaine écrit Le Songe des Vaux. La fidélité inébranlable de La Fontaine pour Fouquet lui porte préjudice, et le pouvoir le condamne en 1662 à une amende pour avoir usurpé le titre d’écuyer. Il part ensuite dans le Limousin pour se faire oublier quelques temps.

Permets qu'Apollon t'importune,
Non pour les biens et la fortune,
Mais pour les jours d'un malheureux.

Jean de La Fontaine, Ode au Roi pour M.Fouquet, 1663

Un écrivain prolifique

Il revient peu après à Paris. Débute alors pour La Fontaine une grande période de production. Sa notoriété comme poète commence à s'élargir lorsqu'il publie, de 1664 à 1666, ses premiers Contes. Il ne se découvre que sur le tard une vocation de fabuliste : au moment où, de ses Fables, paraissent les Livres I à VI, il touche à ses quarante-sept ans révolus.

Un second recueil, qui marque le plein épanouissement de son génie, ajoute, en 1678 et 1679, cinq nouveaux livres aux précédents. Un ultime contingent, formant le livre XII, ne sortira des presses qu'en 1693.

Le volume de 1668 avait été composé pour le Dauphin, fils de Louis XIV. Le fabuliste s'y montre fidèle à l'esprit de ses modèles, Ésope et Phèdre, qu'il se contente d'égayer par des traits nouveaux ou familiers.

Dans les fables qu'il offre dix ans plus tard à Madame de Montespan, la favorite du monarque, sa manière s'élargit, se diversifie et son inspiration s'ouvre à l'influence de la tradition indienne. Plus composite, le dernier livre renoue avec une conception plus enfantine et scolaire de l'apologue, adaptée au jeune duc de Bourgogne, qui se le voit dédier. Toutefois ce livre n'en contient pas moins, aussi, le testament du poète à travers des confidences.

Jeu d'argent à Versailles
Jeu d'argent à Versailles |

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Mme de Montespan (1640-1707)
Mme de Montespan (1640-1707) |

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Les Fables de 1668 marquent une date capitale dans l'histoire du genre. Certes, dès l'Antiquité, l'apologue était passé de la prose grecque dans lequel s'était transmis le fonds ésopique primitif, aux vers latins plus artistiquement élaborés d'un Phèdre. Mais il appartient à La Fontaine de l'avoir annexé véritablement à la poésie, dont il utilise, avec une incomparable souplesse, les ressources les plus variées comme les plus subtiles.

Les fables ne sont pas ce qu'elles semblent être.
Le plus simple animal nous y tient lieu de maître.
Une morale nous apporte l'ennui;
Le conte fait passer le précepte avec lui.

Jean de La Fontaine, Fables, VI, 1, 1668

Ce chef-d'œuvre lui vaut de marcher de pair avec les représentants majeurs du classicisme français. Le succès, fut immédiat ; l'atteste, en particulier, la même année que l'édition in-4°, la mise en vente d'une édition in-12, en deux volumes, comportant les vignettes gravées par François Chauveau. Depuis, les Fables de La Fontaine ont été rééditées un nombre incalculable de fois et leur popularité, jusqu'à nos jours, ne s'est jamais démentie.

Les Fables sont le chef-d'œuvre de l'écrivain, bien sûr, mais aussi l'aboutissement d'un cheminement poétique aux multiples détours : détour par la poésie élégiaque, dans Adonis ou l'Elégie aux nymphes de Vaux ; détour par des récits poétiques mêlant la prose aux vers, tels Le Songe de Vaux ou Psyché ; détour enfin par les Contes, à la versification irrégulière et au parfum sulfureux. La Fontaine est d'autant plus inconstant qu'il est constamment en quête de renouvellements poétiques.

Il me faut du nouveau, n'en fût-il plus au monde.

Jean de La Fontaine, Clymène, 1671

C'est paradoxalement dans le genre le plus traditionnel qui soit, la fable, qu'il trouve un espace de liberté et d'invention à sa mesure. La Fontaine s'y efforce, comme tout bon classique, d'instruire et de plaire, mais à sa manière : en moraliste sans illusion, dont l'ironie souriante invite à la lucidité ; en conteur qui fait éclater les limites de l'apologue à force de verve, de charme, de variété. Son naturel, sa nonchalance, son apparente simplicité, sont le fruit d'un travail qui efface ses propres traces. La Fontaine crée ainsi un univers fait de netteté et de transparence. Chaque fable s'impose au lecteur comme un objet dense et subtil, donnant à voir et surtout à comprendre, bien plus qu'à rêver.

Homme de lettres renommé, La Fontaine apparaît aussi comme un mondain, fréquentant les grands écrivains de son temps, de Madame de Lafayette à Madame de Sévigné et Boileau, Racine, Molière et La Rochefoucauld. Il rejoint en 1683 l’Académie française.

Comtesse de La Fayette (1634-1693)
Comtesse de La Fayette (1634-1693) |

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François de la Rochefoucauld (1613-1680)
François de la Rochefoucauld (1613-1680) |

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Au cours de cette période, les protecteurs se succèdent, et permettent au fabuliste de vivre de sa plume : la duchesse douairière d’Orléans, Madame de La Sablière, ou encore d’Hervart, conseiller au Parlement de Paris.

Frappé par la maladie en 1692, puis accablé de la mort de Madame de La Sablière l’année suivante, il renie ses Contes et consacre ses derniers jours à la poésie religieuse. La Fontaine meurt à l’âge de soixante-quatorze ans.

Provenance

Cet article provient du site Les Essentiels de la littérature (2015).

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