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L'orchestre de Berlioz

Ein Concert im Jahre 1846 !
Ein Concert im Jahre 1846 !

Bibliothèque nationale de France

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Berlioz, « inventeur de l’orchestre moderne », conduit l’art de l’orchestration à son apogée.

J’assistais régulièrement à toutes les représentations de l’opéra. J’y apportais la partition de l’ouvrage annoncé, et je la lisais pendant l’exécution. Ce fut ainsi que je commençais à me familiariser avec l’emploi de l’orchestre et à connaitre l’accent et le timbre sinon l’étendue et le mécanisme de la plupart des instruments. Cette comparaison attentif de l’effet produit et du moyen employé à la produire, me fient même apercevoir le lien caché qui unie l’expression musicale à l’art spécial de l’instrumentation, mais personne m’avait mis sur la voie.

Hector Berlioz

Berlioz, « inventeur de l’orchestre moderne», conduit l’art de l’orchestration à son apogée. Il suivra dans les moindres détails la mise en œuvre des innovations qu’il introduit dans l’orchestre jusqu’à en assumer la direction. Il s‘impose également comme théoricien.
Berlioz a le sentiment que, malgré plusieurs traités destinés aux compositeurs, ses prédécesseurs n’avaient pas donné les conseils qu’il fallait sur l’emploi et sur les fonctions expressives des instruments.
Il rédigea donc, en 1841-1842, une série d’articles pour la Revue et gazette musicale sous le titre De l’instrumentation, articles qu’il développa peu de temps après dans le Grand traité d’instrumentation, publié finalement en 1844. L’ouvrage sera réédité en 1855 augmenté d’un chapitre sur les instruments nouveaux (saxhorns, saxophones, etc…) et d’un appendice intitulé Le Chef d’orchestre.

Le Traité d'instrumentation

Le Traité d'instrumentation contient un chapitre intitulé L'Orchestre, qui aborde les problèmes de discipline et d'organisation de l'orchestre. Berlioz affirmait avec véhémence que la musique de plein air était impossible, car la résonance du bâtiment environnant était indispensable à une transmission claire du son. Dans les salles de concert, il aimait disposer l'orchestre sur une estrade en pente raide afin que les musiciens du fond soient placés beaucoup plus haut que ceux de devant. Ils pouvaient ainsi mieux voir le chef d'orchestre et la propagation du son en était favorisée. Dans l'éventualité de problèmes d'ensemble, il fallait rapprocher les percussions et les harpes du chef. Le chœur devait être placé entre celui-ci et l'orchestre pour éviter d'être couvert par les instruments, et il ne fallait pas hésiter à faire appel à des chefs supplémentaires pour obtenir un ensemble irréprochable. Une invention fort applaudie par Berlioz fut celle du métronome électrique, qui permettait à des instrumentistes et à des chanteurs très éloignés de pouvoir suivre la battue du chef sans le voir.

Le cor anglais

Cor anglais
Cor anglais |

© Philarmonie de Paris, musée de la Musique

La maison Triebert, fondée par Guillaume Triebert vers 1810 et reprise, à la mort de ce dernier, par son fils Frédéric, a construit sa réputation autour de la facture du hautbois. Elle est également connue pour avoir été la première firme ayant adapté le système Boehm au basson.« Le cor anglais est l'alto du hautbois. C'est une voix mélancolique, rêveuse, toujours noble, dont la sonorité a quelque chose d'effacé, de lointain qui la rend supérieure à toute autre, quand il s'agit d'émouvoir en faisant renaître les images et les sentiments du passé, quand le compositeur veut faire vibrer la corde secrète des tendres souvenirs. » (De l’instrumentation, p. 52.) À titre d'exemple, Berlioz cite les premières mesures de la Scène aux champs de la Symphonie fantastique (dont on trouve un écho lointain chez Wagner, au début du troisième acte de Tristan), où le cor anglais énonce un thème mélancolique en dialogue avec le hautbois, et la fin de ce mouvement où revient le même thème avec quatre timbales : « Le sentiment d'absence, d'oubli, d'isolement douloureux qui naissent dans l'âme de certains auditeurs à l'évocation de cette mélancolie abandonnée, n'auraient pas le quart de leur force si elle était chantée par un autre instrument que le cor anglais. » Dans l'Ouverture du Carnaval romain, Berlioz confie au cor anglais le grand thème de Cellini : Ô Teresa, vous que j'aime plus que ma vie. Berlioz relève chez Meyerbeer, dans Les Huguenots, l'association entre cor anglais, clarinette et tenues de cor.

Cor anglais
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Le cor anglais dans la Symphonie fantastique d'Hector Berlioz
 

La clarinette

Clarinette
Clarinette |

© Philarmonie de Paris, musée de la Musique

Cette clarinette en si bémol possède deux corps de rechange, ce qui permettait au musicien d'adapter son instrument aux différentes valeurs de diapason avant que n'intervienne sa normalisation, dans la deuxième moitié du 19e siècle. Savary Père est plus particulièrement connu comme facteur de bassons. La clarinette est l'un des instruments auquel Berlioz consacre les développements les plus importants et les plus colorés d'images épiques ou tendres.
« La clarinette a trois timbres distincts : celui du registre suraigu, qu'on ne doit employer que dans les fortissimo de l'orchestre (quelques notes très hautes peuvent cependant être soutenues piano quand l'attaque du son a été préparée convenablement), ou dans les traits hardis d'un solo brillant ; celui du médium, qui convient aux mélodies, aux arpèges et aux traits ; et celui du chalumeau, propre à des effets froidement menaçants, à ces noirs accents de rage immobile dont Weber fut l'ingénieux inventeur. La clarinette est peu propre à l'idylle, c'est un instrument épique, comme les cors, les trompettes et les trombones. Sa voix est celle de l'héroïque amour ; et si les masses d'instruments de cuivre, dans les grandes symphonies militaires, éveillent l'idée d'une troupe guerrière couverte d'armures étincelantes, marchant à la gloire ou à la mort, les nombreux unissons de clarinettes, entendus en même temps, semblent représenter les femmes aimées, les amantes à l'œil fier, à la passion profonde, que le bruit des armes exalte, qui chantent en combattant, qui couronnent les vainqueurs ou meurent avec les vaincus. Ce beau soprano instrumental gagne dans le solo en délicatesse, en nuances fugitives, en affectuosités mystérieuses ce qu'il perd en force et en puissants éclats. C'est celui de tous les instruments à vent, qui peut le mieux faire naître, enfler, diminuer et perdre le son. De là la faculté précieuse de produire le lointain, l'écho, l'écho de l'écho, le son crépusculaire. » (De l’instrumentation, p. 55-60.) Berlioz insiste sur l'usage des clarinettes dans des tons différents selon le timbre requis par le compositeur et cite à cet égard le choix de la clarinette en mi bémol pour « encanailler » le thème de l'idée fixe dans le Finale de la Fantastique, le Songe d'une nuit de sabbat (mesure 50).

Clarinette
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La Clarinette dans l'ouverture du Freischütz de C. M. von Weber.

La guitare

Guitare
Guitare |

© Philarmonie de Paris, musée de la Musique

Berlioz était lui-même un guitariste compétent. Bien qu'il ait considéré que cet instrument convenait avant tout à un usage domestique ou à des excursions en Italie, il l'a introduit dans deux opéras situés dans ce pays : Benvenuto Cellini et Béatrice et Bénédict.
« Est un instrument propre à accompagner la voix et à figurer dans quelques compositions peu bruyants, comme aussi à exécuter seul des morceaux plus ou moins compliqués et à plusieurs parties, dont le charme est réel lorsqu'il sont rendus par de véritables virtuoses.
Il est presque impossible de bien écrire la Guitare sans en jouer soi-même. La plupart des compositeurs qui l'emploient sont pourtant loin de la connaître, aussi lui donnent-ils à exécuter des choses d'une excessive difficulté, sans sonorité et sans effet. »

L'alto

Alto
Alto |

© Philarmonie de Paris, musée de la Musique

« De tous les instruments de l'orchestre, celui dont les excellentes qualités ont été le plus souvent méconnues, c'est l'alto. Il est aussi agile que les violons, le son de ses cordes graves a un mordant particulier, ses notes aiguës brillent par leur accent tristement passionné, et son timbre, en général, d'une mélancolie profonde, diffère essentiellement de celui des autres instruments à archet. » (De l’instrumentation, p. 37.)

Les passages auxquels Berlioz se réfère appartiennent à Gluck (l'air d'Oreste d'Iphigénie en Tauride, Le Calme rentre dans mon cœur), et l'ouverture d'Iphigénie en Aulide), à Sacchini (l'air d'Œdipe, Votre cœur devient mon asile) et Spontini. Il regrette la taille réduite des altos français et leur nombre insuffisant dans les orchestres de théâtre. Quant aux doublures, il préconise de doubler les violoncelles à l'unisson par les altos, comme dans la Sixième symphonie de Beethoven. Dans Harold en Italie, non seulement l'alto devient l'instrument soliste, mais le pupitre, fixé à un minimum de dix instruments, joue un rôle important : l'accompagnement du thème de la Sérénade leur est réservé. Dans l'Ouverture du Carnaval romain, ils accompagnent le thème de Teresa énoncé au cor anglais puis le reprennent.

Alto
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L'alto dans Iphigénie en Tauride de C. W. Gluck

Le basson

Basson
Basson |

© Philarmonie de Paris, musée de la Musique

Cet instrument, fabriqué par un facteur tout particulièrement réputé pour les nombreuses améliorations qu'il a apportées au basson dans la première moitié du 19e siècle, possède un système d'accord à crémaillère situé sur la petite branche.

« Le basson est la basse du hautbois. Son étendue considérable, puisqu'elle embrasse au moins trois octaves, le rend d'une grande utilité dans une foule d'occasions. La sonorité n'en est pas très forte, et son timbre, absolument dépourvu d'éclat et de noblesse, a une propension au grotesque, dont il faut toujours tenir compte quand on le met en évidence. Ses notes graves donnent d'excellentes basses au groupe entier des instruments à vent de bois. On les écrit ordinairement à deux parties ; mais les grands orchestres étant toujours pourvus de quatre bassons, on peut alors écrire sans inconvénient à quatre parties réelles, et, mieux encore, à trois ; la partie grave étant redoublée à l'octave inférieure pour donner plus de force à la basse. » (De l’instrumentation, p. 54.) Berlioz varie en effet le nombre de parties de basson de deux à quatre selon les œuvres. Il peut aussi ne pas l'utiliser (Le Bal dans la Symphonie fantastique).

Basson
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Le basson dans la Symphonie n° 5 en Ut mineur de L. van Beethoven

La harpe

Harpe
Harpe |

© Philarmonie de Paris, musée de la Musique

Instrument doté de quarante et une cordes, il présente une mécanique à fourchettes et à simple mouvement. Il possède sept pédales ainsi qu'une pédale d'expression.
Bien que Sébastien Érard ait mis au point la harpe à double mouvement, ancêtre de notre instrument, aux environs de 1811, la harpe à simple mouvement garda.

« Rien de plus sympathique avec les idées de fêtes poétiques, de pompes religieuses, que le son d'une grande masse de harpes ingénieusement employée. Isolément ou par groupes de deux, trois ou quatre, les harpes sont encore d'un très heureux effet, soit pour s'unir à l'orchestre, soit pour accompagner des voix ou des instruments solos. ». En rappelant le caractère antique de la harpe, Berlioz attache à cet instrument une symbolique qu'il applique dans le Te Deum avec ses douze harpes. Très sensible aux différentes natures de son de l'instrument, il a osé dans le Scherzo de la reine Mab de Roméo et Juliette un emploi original des sons harmoniques associés « à des accords de flûtes et de clarinettes jouant dans le médium » (De l’instrumentation, p. 26-29).

Harpe
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La harpe dans L'enfance du Christ de H. Berlioz

L’ophicléide

Ophicléide
Ophicléide |

© Philarmonie de Paris, musée de la Musique

Instrument en si bémol doté de dix clefs pourvues de plaques rondes et plates. Cet instrument, destiné à remplacer les serpents d'église et de cavalerie, a été inventé et breveté par Jean-Hilaire Asté, dit Halary, en 1821. La firme Gautrot a déposé un brevet d'amélioration de l'ophicléide en 1847. La marque qui figure sur le pavillon a été utilisée jusqu'en 1848. Gautrot, à la tête de la fronde des facteurs d'instruments à vent contre Adolphe Sax, intenta un certain nombre de procès contre ce dernier, procès qu'il perdit et qui l'obligèrent à faire figurer sur certains de ses instruments la mention « modèle Adolphe Sax ».

« Les ophicléides sont les altos, les basses et les contrebasses du bugle. Mais au moins les ophicléides basses sont-ils d'une grande utilité pour tenir la partie grave des grandes masses d'harmonie. Le timbre de ces sons graves est rude, mais il fait merveille dans certains cas sous des masses d'instruments de cuivre. Les notes très hautes ont un caractère sauvage dont on n'a peut-être pas encore su tirer parti. Le médium rappelle trop la sonorité des serpents de cathédrale et des cornets à bouquin. Rien de plus grossier, je dirai même de plus monstrueux et de moins propre à s'harmoniser avec le reste de l'orchestre, que ces passages plus ou moins rapides, écrits en forme de solos pour le médium de l'ophicléide, dans quelques opéras modernes : on dirait d'un taureau qui, échappé de l'étable, vient prendre ses ébats au milieu d'un salon. » (De l’instrumentation, p. 92.)

Le cornet à pistons

Cornet doté de deux pistons de modèle Stölzel. Le pavillon est orné de guillochis, de rinceaux et de motifs floraux. Cet instrument a été présenté à l'Exposition universelle de 1889.

Cornet à pistons
Cornet à pistons |

© Philarmonie de Paris, musée de la Musique

« Le cornet à pistons est fort à la mode en France aujourd'hui, surtout dans un certain monde musical où l'élévation et la pureté du style ne sont pas considérées comme des qualités bien essentielles. L'habitude qu'on a maintenant de l'entendre dans les orchestres de bal exécuter des mélodies plus ou moins dépourvues d'originalité et de distinction, et le caractère de son timbre, qui n'a ni la noblesse des sons du cor, ni la fierté de ceux de la trompette, rendent assez difficile l'introduction du cornet à pistons dans le haut style mélodique. Il peut y figurer avec avantage cependant, mais rarement, et à la condition pour lui de ne chanter que des phrases d'un mouvement large et d'une incontestable dignité. Employé harmoniquement, il se fond très bien dans la masse des instruments de cuivre ; il sert à compléter les accords de notes diatoniques ou chromatiques des trompettes, ou à jeter des groupes dont la rapidité conviendrait mal aux trombones. » La suite de la notice s'adresse surtout aux futurs compositeurs en traitant de l'étendue de l'instrument (Berlioz annonce que l'usage des cornets à trois pistons qui produisent tous les degrés de l'échelle chromatique se généralisera) et du choix des tons de rechange. (De l’instrumentation, p. 78-80).

La trompette à pistons

Trompette à pistons
Trompette à pistons |

© Philarmonie de Paris, musée de la Musique

Trompette dotée de trois pistons de modèle berlinois. Ce type de piston a été inventé par Wieprecht en 1835 et a été construit par le facteur berlinois G. W. Moritz. Il est caractérisé par un cylindre de forte section et par une distribution des tubes additionnels se faisant dans un même plan horizontal.
Cet instrument provient de la collection d'Adolphe Sax dispersée à l'hôtel Drouot du 4 au 6 décembre 1877, après la troisième faillite de la maison Sax.
« Les trompettes à pistons ont l'avantage de pouvoir, comme les cornets à pistons, parcourir toute la gamme diatonique et chromatique. Elles n'ont rien perdu du timbre de la trompette ordinaire, par l'application de ce procédé, et leur justesse est satisfaisante. ». (De l’instrumentation, p. 77.)

Trompette à pistons
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La trompette à pistons dans Iphigénie en Tauride de C. W. Gluck

La trompette naturelle

Trompette naturelle en fa, de forme dite en demi-lune, fabriquée par un des frères non identifiés du facteur d'instrument Courtois Neveu l'Aîné. Cet instrument a figuré à l'Exposition universelle de 1889 où il a été présenté par la maison Mille, successeur d'Antoine Courtois, lui-même fils de Courtois Frère.

Trompette naturelle
 
Trompette naturelle
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© Philarmonie de Paris, musée de la Musique

« Le timbre de la trompette est noble et éclatant ; il convient spécialement aux idées guerrières, aux cris de fureur et de vengeance, comme aux chants de triomphe ; il se prête à l'expression de tous les sentiments énergiques, fiers et grandioses, à la plupart des accents tragiques ; il peut même figurer dans un morceau joyeux, pourvu que la joie y prenne un caractère d'emportement ou de grandeur pompeuse. ». (De l’instrumentation, p. 75.)
« Malgré la fierté et la distinction réelles de son timbre, il y a peu d'instruments qu'on ait plus avilis que la trompette. Jusqu'à Beethoven et à Weber, tous les compositeurs, sans en excepter Mozart, se sont obstinés, soit à le renfermer dans les ignobles limites du remplissage, soit à lui faire sonner deux ou trois formules rythmiques, toujours les mêmes, et plates et ridicules autant qu'antipathiques, fort souvent au caractère des morceaux où elles figuraient. Ce détestable lieu commun est enfin abandonné aujourd'hui ; tous les compositeurs qui ont du style accordent aux dessins mélodiques, aux formes d'accompagnement et aux sonneries des trompettes la latitude, la variété et l'indépendance que la nature de l'instrument permet de leur donner. Il a fallu près d'un siècle pour en venir là. » (De l’instrumentation, p. 77.)

Trompette naturelle
 
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La trompette naturelle dans Iphigénie en Tauride de C. W. Gluck

Le trombone à coulisse ténor

Cet instrument, de facture soignée, est un bon exemple du travail de cette maison qui acquit au cours du 19e siècle une grande notoriété à la fois pour la qualité de sa facture et pour son ingéniosité. Outre l'invention de l'ophicléide, on doit à la maison Halary de notables améliorations des systèmes de pistons. Elle aurait également été la première à fabriquer des cornets à pistons en France. La maison Halary sera cédée en 1873 à la société Coste et Cie, alors dirigée par François Sudre, auteur, quelques années plus tard, du sudrophone.

Trombone à coulisse ténor
Trombone à coulisse ténor |

© Philarmonie de Paris, musée de la Musique

"Le trombone est à mon sens le véritable chef de cette race d'instruments à vent que j'ai qualifiés d'épiques. Il possède en effet au suprême degré la noblesse et la grandeur ; il a tous les accents graves ou forts de la haute poésie musicale, depuis l'accent religieux, imposant et calme, jusqu'aux clameurs forcenées de l'orgie.
Le trombone ténor est le meilleur de tous sans contredit. Il a une sonorité forte et pleine ; il peut exécuter des passages que leur rapidité rend impossibles sur le trombone basse, et son étendue est plus grande encore que celle des autres trombones. Il possède encore, à l'extrême grave, quatre notes énormes et magnifiques, dites pédales, sans doute à cause de la ressemblance de leur sonorité avec celle des sons très bas de l'orgue. « Après avoir donné les détails techniques nécessaires et citant l'emploi de ces notes pédales dans le Requiem, Berlioz explique : « Cet effet de trombones est placé au-dessous d'une harmonie de flûtes à trois parties, en l'absence des voix et de tous les autres instruments. Le son des flûtes, séparé de celui des trombones par un intervalle immense, semble être ainsi la résonance harmonique suraiguë de ces pédales, dont le mouvement lent et la voix profonde ont pour but de redoubler la solennité des silences dont le chœur est entrecoupé, au verset : “Hostias et preces tibi laudis offerimus. » La précision et l'importance du développement consacré au trombone se termine par une diatribe enflammée contre les compositeurs qui en font un usage déplacé ("mêler sa voix olympienne à la mesquine mélodie d'un duo de vaudeville") : « C'est appauvrir, c'est dégrader une individualité magnifique ; c'est faire d'un héros un esclave et un bouffon ; c'est décolorer l'orchestre ; c'est ruiner le passé, le présent et l'avenir de l'art. » (Fauquet, p. 81, 83, 84, 90.)

Trombone à coulisse ténor
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Le trombone à coulisse ténor dans Iphigénie en Tauride de C. W. Gluck

Le Serpent-Forveille 

Serpent-Forveille
 
Serpent-Forveille
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© Philarmonie de Paris, musée de la Musique

Instrument comportant six trous de jeu et trois clefs pourvues de plaques rondes et plates.
Le serpent droit a été inventé par le facteur de serpents Forveille en 1823 et représente une évolution des serpents d'église et de cavalerie. Il sera détrôné par l'ophicléide et la famille des saxhorns.

« Le serpent, instrument de bois recouvert en cuir, et à embouchure, a la même étendue que l'ophicléide basse, avec un peu moins d'agilité, de justesse et de sonorité. Son timbre essentiellement barbare eût convenu beaucoup mieux aux cérémonies du culte sanglant des druides qu'à celles de la religion catholique où il figure toujours. Il faut excepter seulement le cas où l'on emploie le serpent, dans les messes des morts, à doubler le terrible plain-chant du Dies irae. Son froid et abominable hurlement convient sans doute alors. » (Fauquet, p. 94-95.)

Provenance

Cet article a été publié à l’occasion de l’exposition « Berlioz, la voix du romantisme » présentée du 17 octobre 2003 au 18 janvier 2004 à la Bibliothèque nationale de France, en partenariat avec Arte, France Musiques et l'Orchestre de Paris-Mogador.

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