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La Grammaire égyptienne, l’œuvre de Champollion pour la postérité

Grammaire égyptienne
Grammaire égyptienne

© Bibliothèque nationale de France

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La Grammaire égyptienne de Jean-François Champollion correspond, selon les mots de son frère aîné Jacques-Joseph, à « son dernier ouvrage ».  Ces deux volumes constituent l’ultime synthèse exposant la compréhension de l’écriture égyptienne et du fonctionnement de la langue des pharaons que le déchiffreur des hiéroglyphes élabora pendant plus de vingt années.
 

Genèse d’un ouvrage posthume

Dans la Notice sur les manuscrits autographes de Champollion le jeune, perdus en l'année 1832 et retrouvés en 1840 et dans la préface à l’édition posthume de la Grammaire égyptienne, Jacques-Joseph raconte que son cadet, à la suite de premières alertes sur sa santé, mit en ordre ses notes sur la grammaire égyptienne dans le mois de décembre 1831. Tout au long de sa vie, Jean-François avait en effet entrepris la rédaction de plusieurs grammaires de la « langue égyptienne », depuis le copte jusqu’aux hiéroglyphes, qu’il appelle aussi « écriture sacrée ».

Grammaire égyptienne, ou Principes généraux de l'écriture sacrée égyptienne appliquée à la représentation de la langue parlée, par Champollion le jeune
Grammaire égyptienne, ou Principes généraux de l'écriture sacrée égyptienne appliquée à la représentation de la langue parlée, par Champollion le jeune |

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Après le voyage en Égypte (1828-1829), il rédigea une nouvelle version de sa grammaire ou « principes généraux de l'écriture sacrée égyptienne appliquée à la représentation de la langue parlée » en ajoutant des exemples issus des monuments vus sur place.

C’est durant l’automne 1831, dans le Quercy, qu’il recopie et met au propre 332 feuillets, soit la plus grande partie de ce manuscrit, et intercale des feuillets plus anciens :

Il compléta cette seconde copie avec les feuillets de la première, et remit le manuscrit entre mes mains. Je le déposai dans un lieu inabordable aux hommes et aux événements ordinaires de la vie 

Notice sur les Manuscrits autographes de JF Champollion par J-J Champollion-Figeac

Jean-François Champollion meurt en mars 1832. Il revient alors à son aîné de publier cette somme à partir du manuscrit soigneusement conservé, selon les vœux du savant : « Serrez-la soigneusement, [dit-il à son frère], j’espère qu’elle sera ma carte de visite à la postérité ». Pour l’anecdote, au moment du décès de Champollion, une partie de la première copie du manuscrit, « resta dans le cabinet de mon frère, et en disparut. » raconte encore Jacques Joseph.  « Il a été retrouvé chez Salvolini », disciple controversé de son frère, en 1840.

Grammaire égyptienne
Grammaire égyptienne |

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Le 24 avril 1833 est promulguée une loi spéciale pour permettre l’acquisition par l’État des écrits de Champollion, classés et inventoriés par son frère. Le manuscrit en porte encore la trace : le premier feuillet folioté « A » intitulé « Grammaire » est de la main de Jacques-Joseph.

Du manuscrit à l’édition

Les deux volumes du manuscrit témoignent du travail de Jean-François en vue de la publication de la Grammaire. L’assemblage de deux versions est nettement visible, car les deux copies sont sur des papiers de teinte et de format différents : « Les feuillets numérotés 1 à 20 sont en papier in-4°, et proviennent de la première copie ; les feuillets numérotés de 21 à 352 composent la seconde copie, de format petit in-folio […] Enfin, les feuillets 353 à 471 (et celui-ci est le dernier) proviennent aussi de la première copie », indique son frère dans la préface de la première édition.  Le manuscrit fut relié après la publication posthume de la Grammaire, puisqu’à la fin du second volume a été jointe la table des matières imprimée.

Grammaire égyptienne
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Grammaire égyptienne, ou Principes généraux de l'écriture sacrée égyptienne appliquée à la représentation de la langue parlée, par Champollion le Jeune
Grammaire égyptienne, ou Principes généraux de l'écriture sacrée égyptienne appliquée à la représentation de la langue parlée, par Champollion le Jeune |

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Après de longs ajustements techniques pour trouver comment reproduire au sein des textes explicatifs les hiéroglyphes, pour lesquels il n’existe pas encore de caractères d’imprimerie, l’impression débute en 1836. Plusieurs années sont nécessaires pour la publication des trois fascicules, qui dure jusqu’en 1841.

Un ouvrage savant et didactique

Dans la préface, Jacques-Joseph affirme avoir suivi scrupuleusement le manuscrit de son frère. La Grammaire se compose ainsi d’une explication des principes de l’écriture égyptienne dans les neuf premiers chapitres : Jean-François Champollion y classe les types hiéroglyphiques (quadrupèdes, oiseaux, poissons…) et détaille les relations entre les caractères dessinés et ceux de l’écriture cursive dans de grands tableaux. Il explique ensuite ce qui fait l’originalité de l’écriture égyptienne, la clé de son déchiffrement : les types de signes, qu’il classe en trois groupes, « mimiques », « figuratifs » et « phonétiques ». Enfin, il s’attache à identifier des mots, noms communs comme noms propres. Sur le manuscrit, des vides ou des mentions au crayon de papier témoignent d’un travail encore inachevé.

Grammaire égyptienne
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Les quatre chapitres suivants, numérotés de dix à treize, traitent des pronoms, des adjectifs, du verbe et sa conjugaison et enfin des particules, incluant les prépositions, les adverbes, les conjonctions et les interjections. Il s’agit donc de tous les éléments qui permettent de construire un discours, de la phrase jusqu’au texte.

Fruit d’un considérable travail de collation, de comparaison et de dépouillement de textes, la grammaire de Champollion reste l’une des rares à envisager la langue égyptienne de manière globale, à travers ses évolutions et ses écritures. Elle est destinée à l’apprentissage, nourrie d’exemples tirés des textes que Champollion a lui-même déchiffrés et accompagnée d’un dictionnaire qui paraît lui aussi à titre posthume en 1841. La volonté pédagogique est perceptible dans l’usage de la couleur dans la version manuscrite où les termes sur lesquels porte le chapitre sont souvent notés en rouge au sein des hiéroglyphes tracés à l’encre noire.

De nos jours, de nouvelles connaissances et méthodes ont désormais remplacé l’ouvrage de Champollion pour l’initiation aux hiéroglyphes. Ce dernier reste cependant fondateur et continue d’influencer les approches de la langue égyptienne. Sa réception s’étend au-delà du monde académique comme l’illustrent les multiples réimpressions de la fin du 20e siècle.

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La première grammaire égyptienne | La #BnFDansMonSalon

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