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Les estampes japonaises à la BnF

Estampes et livres illustrés de l’art ukiyo-e du département des estampes et de la photographie
« L’aubergine »
« L’aubergine »

© Bibliothèque nationale de France

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Les estampes japonaises, si attrayantes, apparues au 17e siècle importées du Japon en quantité, ont été « découvertes » au cours du 19e siècle par un grand nombre de collectionneurs, artistes, critiques d’art, marchands occidentaux, conservateurs des collections publiques.

La folie des impressions japonaises

Edmond de Goncourt note dans son journal, le 1er juillet 1892 : « Dîner des japonisants chez Véfour. Bing cause aujourd’hui de la folie des impressions japonaises chez quelques amateurs américains. Il parle d’un petit paquet de ces impressions qu’il a vendu 30 000 francs à la femme d’un des plus riches Yankees, et qui a dans son petit salon, en face du plus beau Gainsborough qui existe, une image d’Outamaro […]. À ce dîner, il y a un jeune homme intéressant, M. Tronquois qui s’adonne à l’étude sérieuse des langues chinoise et japonaise avec l’idée […] d’aller au Japon. »
Raymond Koechlin, autre habitué de ces dîners d’amateurs d’estampes et d’objets d’art japonais, organisés par le marchand d’art Siegfried Bing (1838-1905) au restaurant le Grand Véfour ou chez Riche, ou chez Marc-Louis Solon, décorateur de porcelaine de la manufacture de Sèvres, est plus précis lorsqu’il évoque ses Souvenirs d’un vieil amateur d’art d’Extrême-Orient : « On n’y parlait qu’estampes et l’habitude était prise que chacun en apportât quelques-unes pour les soumettre à l’admiration de ses collègues […]. Portefeuille après portefeuille nous regardions, nous extasiant, poussant des cris d’enthousiasme et quand après minuit, il fallait partir, l’entretien se prolongeait dans les rues où nous déambulions. »
Le 8 juillet 1853, l’apparition au large d’Uraga, à l’entrée de la baie d’Edo, des bateaux noirs de la flotte américaine, commandée par le commodore Perry, et les traités commerciaux signés peu après avec différents pays eurent des conséquences imprévisibles et considérables pour l’art. Si ces événements marquèrent la fin de l’époque d’Edo et de l’ukiyo-e, cet art fastueux se ramifia insensiblement en Occident, notamment dans deux courants artistiques, le japonisme et l’art nouveau.

Les débuts du fonds du Cabinet des estampes

Documents d’art et d’industrie réunis par S. Bing
Documents d’art et d’industrie réunis par S. Bing |

© Bibliothèque nationale de France

Le Cabinet des estampes manifesta un intérêt croissant pour l’estampe japonaise dans la seconde moitié du 19e siècle et au début du 20e siècle. L’importance du fonds japonais ancien, les notes dans les journaux rédigés par les conservateurs, les registres des accroissements des collections l’attestent. L’élaboration de cet ensemble rationnel et harmonieux, composé de cinq mille sept cents œuvres environ, dont plus de deux mille gravures et défets d’illustrations, trois mille quatre cents livres illustrés, quelques dessins, peintures et bois, nécessita près d’un siècle. Le premier ouvrage entré au Cabinet, en 1843, involontairement d’ailleurs, fut le tome 6 de la Manga, « Dessins au fil du pinceau », de Hokusai, de la collection van Overmeer Fisscher (1800-1848), un hollandais qui avait travaillé à Nagasaki. C’était un transfert du département des Imprimés, provenant d’une acquisition à la vente J. H. Klaproth, japonologue. Quant aux premières estampes, il semble que ce soit quatre œuvres de Isoda Koryûsai, de la série Nouveaux motifs pour les jeunes pousses (milieu des années 1770), dont la provenance est inconnue. Sur ces feuilles, l’estampille de la Bibliothèque royale, utilisée de 1833 à 1848, est apposée (voir ci-contre). La détermination des conservateurs se manifesta réellement en 1863 mais très timidement. Henri Delaborde procéda aux premiers achats, chez Decelle, à L’Empire chinois, treize albums, dont sept de la Manga, et chez le marchand Rapilly, un album de Kunisada II (1823-1880) et « 54 planches colorées ».
Cet embryon de collection eut tout de suite des résonances sur deux grands collectionneurs d’œuvres d’art, Henri Vever (1854-1942), célèbre joaillier, et Philippe Burty (1830-1890), historien d’art sensible aux impressionnistes. En 1881, le premier demanda une carte de lecteur et, en 1885, le second précisa dans une lettre adressée au sous-directeur des Imprimés : « Je serais désireux aussi de feuilleter les livres japonais à gravures que possède la Bibliothèque. »

Série « Nouveaux motifs pour les jeunes pousses »
Série « Nouveaux motifs pour les jeunes pousses » |

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Les acteurs Ichimura Uzae mon IX dans le rôle de Sôma no Masanori et Ôtani Hiroji II dans celui d’Ukishima Daihachi
Les acteurs Ichimura Uzae mon IX dans le rôle de Sôma no Masanori et Ôtani Hiroji II dans celui d’Ukishima Daihachi |

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Ce fut vers la dernière décennie du 19e siècle que des achats plus importants furent réalisés, par Georges Duplessis et Henri Bouchot, conservateurs, chez le marchand Siegfried Bing, parmi lesquels, en 1888, les Trente-six vues du Fuji et cinquante albums, puis, en 1892, cent neuf estampes, de Utamaro, Toyokuni, Kuniyoshi, Eishi…
Il était plus aisé de se procurer des œuvres japonaises à cette époque. Deux marchands, qui exercèrent une influence sur le goût, la culture, l’art et la constitution des collections publiques et privées, s’étaient installés à Paris. Siegfried Bing, industriel et céramiste allemand, avait ouvert une boutique d’objets d’Extrême-Orient, rue Chauchat, en 1875. Il y vendait des œuvres ramenées de ses voyages en Chine et au Japon. Il stimula l’intérêt des amateurs en publiant un périodique illustré, Le Japon artistique, de 1888 à 1891 et en organisant des expositions chez lui et à l’École des beaux-arts afin de former les néophytes.

Jeune femme appuyée sur un balai
Jeune femme appuyée sur un balai |

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Jeune femme tenant une coupe de saké
Jeune femme tenant une coupe de saké |

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Il réunissait aussi des collectionneurs lors de dîners chez lui. Philippe Burty, Louis Gonse, critique d’art et directeur de la Gazette des beaux-arts, Edmond de Goncourt, Théodore Duret, Robert Lebaudy figurent parmi les premiers invités, puis ce furent Alexis Rouart, Henri Vever, Charles Gillot, imprimeur renommé, Pierre Barboutau, Alphonse-Prosper Isaac, graveur à la manière japonaise, Raymond Koechlin et plus tard Atherton Curtis. Autant de noms qui apparaissent dans les provenances de nos estampes.
Le second marchand, Tadamasa Hayashi (1853 ? -1906), figure essentielle de ce milieu, arrivé à Paris comme interprète pour l’exposition universelle en 1878, se lança dans le commerce d’art et, en 1889, fonda sa propre société. Du 31 août 1890 à 1901, il fit venir 218 chargements par bateau, comprenant 156 487 estampes, 10 rouleaux de peintures, 97 dessins, 9 708 livres illustrés, des paravents, des kakemono... De plus, son érudition et ses connaissances sur l’art et sur son pays permirent à Gonse et Goncourt de mener à bien leurs travaux. Le Journal de Goncourt et sa correspondance témoignent de l’apport indispensable d’Hayashi à ses recherches, notamment pour la première biographie d’Utamaro, publiée en 1891.

C’est grâce à tous ces collectionneurs et marchands notamment, et aux conservateurs qui entretenaient des liens précieux avec eux, que se constitua le fonds du Cabinet, parfois d’une manière indirecte mais le plus souvent par des dons prodigieux, une cinquantaine sont répertoriés, et par des achats. Dès 1889, l’exposition des nouvelles acquisitions de la Bibliothèque nationale, présentait quatre compositions japonaises.
C’est grâce à tous ces collectionneurs et marchands notamment, et aux conservateurs qui entretenaient des liens précieux avec eux, que se constitua le fonds du Cabinet, parfois d’une manière indirecte mais le plus souvent par des dons prodigieux, une cinquantaine sont répertoriés, et par des achats. Dès 1889, l’exposition des nouvelles acquisitions de la Bibliothèque nationale, présentait quatre compositions japonaises.
Mais, c’est en 1899 que se profila, avec une ampleur imprévue, la fortune du fonds japonais. La collection du critique d’art et collectionneur Théodore Duret (1838-1927), ami de Philippe Burty et des frères Goncourt, mille trois cent quatre-vingt douze volumes (581 titres) s’étalant du début du 17e siècle à 1891, quatorze albums et recueils, fut acquise à un prix relativement bas, 12 000 F, par la Bibliothèque. La dépréciation momentanée de l’estampe japonaise et, surtout, la bonne volonté du collectionneur en sont la cause. Cet ensemble était en effet évalué 60 000 F. Parmi les membres de la commission chargée de se prononcer sur cette acquisition se trouvaient Georges Migeon, représentant le musée du Louvre, et Émile Deshayes, conservateur adjoint au musée Guimet.
Henri Bouchot, conservateur en chef, se réjouit de cette entrée, dans le « Journal du Département », le 20 mars 1899 : « […] dès ce jour le Cabinet des estampes possède la plus belle collection de livres illustrés japonais qui soit dans les bibliothèques publiques d’Europe. » Une grande variété de dessinateurs y est représentée : Moronobu et son école, avec une cinquantaine de livres illustrés, parmi les premiers de l’art ukiyo-e, Harunobu, Utamaro, Shunshô, Toyokuni, Hiroshige, Hokusai… On peut en effet y feuilleter des ouvrages rares à caractères mobiles en bois, des livrets de théâtre de poupées, parfois uniques et de très belles éditions. Trois recueils de surimono, trésor du département, enrichirent encore cet ensemble toujours considéré comme exceptionnel, encore très étudié par les chercheurs. Duret était revenu en 1872 d’un voyage au Japon avec des livres, « une sorte de pêle-mêle », disait-il. Il avait poursuivi ses acquisitions en Europe.

Album de surimono - Volume II - L’homme (jin)
Album de surimono - Volume II - L’homme (jin) |

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En 1907, Robert Lebaudy, industriel qui avait acquis les mille cinq cent douze volumes de la collection d’Emmanuel Tronquois (1855-1918), secrétaire et interprète de l’ambassade de France à Tokyo, en fit don au Cabinet. En 1916, François Courboin, conservateur, relate une rencontre avec M. Tronquois et envisage un catalogue de cette collection : « M. Tronquois a sur ses livres des fiches extrêmement intéressantes […] et je crois qu’il serait utile d’avoir […] les références que M. Tronquois a recueillies… »

Un ensemble considérable d’estampes en feuilles

Kanzan et Jittoku
Kanzan et Jittoku |

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Les recherches préoccupaient les conservateurs autant que la constitution du fonds. Elles n’ont pas cessé, d’autant plus que les Japonais, depuis les années 1980, s’intéressent de plus en plus à l’ukiyo-e et aux collections occidentales d’œuvres japonaises. Leur collaboration est très précieuse.
Le Cabinet possédait peu d’estampes en feuilles. Alexis Rouart (1839-1911) fut le premier donateur dans ce domaine. Collaborateur de son frère Henri Rouart, célèbre amateur d’art et directeur d’une usine de métallurgie, Alexis Rouart collectionnait les œuvres d’art d’Extrême-Orient, principalement du Japon. Il possédait une remarquable collection d’estampes. Membre de l’Association des amis de l’art japonais (1893), qui prit le nom de « Dîners japonais », il passait régulièrement chez Hayashi et chez Bing, choisir des gravures dès leur arrivée du japon. En 1902 et en 1903, il se sépara de vingt-trois d’entre elles pour les offrir au Cabinet. Ce furent les premières feuilles isolées de Shunshô, Utamaro, Eishi, Toyokuni, Hiroshige..., dont la provenance est connue, qui entrèrent à la Bibliothèque.
Les ventes des premières grandes collections, qui avaient commencé à la fin du siècle (Burty, en 1891 ; Goncourt, en 1897 ; Hayashi, en 1902 et 1903 ; Gillot, en 1904 ; Bing, en 1906 ; Rouart, en 1908), avaient alimenté le fonds des marchands. Cependant, comme le notait le conservateur en chef, P.-A. Lemoisne, en 1914, dans son ouvrage L’Estampe japonaise : « Le Cabinet des Estampes […] est très pauvre en estampes proprement dites. » Son intérêt pour cet art motiva les collectionneurs et les donations se succédèrent enfin. En 1916, à son décès, Georges Marteau (1858-1916), ingénieur de l’École centrale, directeur de la fabrique de cartes à jouer Grimaud, grand collectionneur d’art d’Extrême-Orient, laissait en don cent vingt-trois estampes de grands maîtres tels Harunobu, Utamaro, Sharaku, Hokusai et Hiroshige…, des dessins, des livres illustrés et sa bibliothèque sur l’art japonais. Cet ensemble provenait en grande partie des ventes Hayashi, Gillot, Happer, Waida, Barboutau et Portier. Des livres et des estampes érotiques, celles-ci pour la première fois, rejoignaient le fonds japonais.

Chanteurs et musiciens
Chanteurs et musiciens |

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« Cortège de courtisanes se rendant à un concours de tir à l’arc »
« Cortège de courtisanes se rendant à un concours de tir à l’arc » |

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Lors de l’exposition d’art oriental, en 1925, Lemoisne fit l’éloge du donateur dans le journal du Cabinet, le 19 mai : « La très belle série d’estampes japonaises, que nous devons à la générosité de M. G. Marteau, qui fut un grand ami du Cabinet des estampes, a beaucoup de succès auprès des visiteurs. Des spécialistes très avertis comme Raymond Koechlin, Henri Rivière et Charles Vignier, dont le jugement fait autorité, s’accordent à les trouver très belles de tirages et dans un fort bon état de conservation. »

Peu de temps après, Raymond Koechlin (1860-1931), personnalité du monde de l’art, vice-président de l’Union centrale des arts décoratifs et président du Conseil des musées nationaux (1922-1931), organisateur de six expositions sur l’estampe japonaise au musée des Arts décoratifs, chercheur et collectionneur d’art médiéval et asiatique, s’inscrivait parmi les donateurs avec quelques œuvres rares, et trente-deux livres, dont certains provenant de la collection Goncourt, portent des annotations manuscrites de l’écrivain. Là encore, les liens que Lemoisne entretenait avec les collectionneurs se révélèrent essentiels. Évoquant Koechlin, il écrit : « J’avais appris à connaître les gravures japonaises en feuilletant quai de Béthune le très beau carton qu’il avait réuni. […] Lorsque j’ai commencé à constituer la série des estampes japonaises au Cabinet […], il ne cessa de m’encourager et souvent nous apporta des pièces que je n’avais pu acquérir. » (Journal du département, 9 novembre 1931).

Yamauba et Kintarô
Yamauba et Kintarô |

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« La préparation de tôfu » (Gion-dôfu)
« La préparation de tôfu » (Gion-dôfu) |

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Charles Vignier (1863-1934), expert, historien et marchand d’art d’Extrême-Orient, était coauteur avec Hogitaro Inada, des catalogues d’expositions consacrées aux maîtres japonais à partir des collections d’amateurs, au musée des Arts décoratifs, de 1909 à 1914. Il rédigeait les catalogues de ventes des collections et fit don, à ces occasions, d’estampes comblant certaines lacunes de notre fonds, notamment en 1922 et en 1926, lors des ventes Charles Haviland (1839-1921).
Ce dernier, fils de David Haviland, américain, fondateur de la manufacture de Limoges, était directeur de la fabrique et fondateur de l’atelier d’Auteuil à Paris, dirigé par Félix Bracquemond. Il avait rassemblé durant plus de quarante années, six mille estampes japonaises environ. Amateur solitaire, gendre de Philippe Burty, il était client de Bing et d’Hayashi, et recherchait avant tout la rareté et la qualité. Il n’hésita pas à écrire à Hayashi le 18 octobre 1891 : « Je vous envoie mon carton d’images japonaises […]. Je vous prie de remplacer mes épreuves par des meilleures chaque fois que cela vous sera possible. » Plusieurs ventes furent nécessaires, de 1922 à 1925, pour disperser sa superbe collection consacrée surtout aux estampes de beautés féminines. Quatre-vingts gravures environ furent acquises par le Département, parmi lesquelles de nombreux Harunobu, Kiyonaga, Shunchô, Utamaro. Quelques-unes cependant furent offertes.
Lemoisne nous informe régulièrement de l’évolution du fonds japonais : « M. Émile Javal nous donne très aimablement 11 estampes japonaises qui, jointes aux 16 achetées à sa vente, augmentent notre collection d’un petit lot de Shunshô, Toyokuni, Hokusai, Hiroshige » (Journal, 1er mai 1926). Ce collectionneur, considéré comme le spécialiste d’Hiroshige, avait constitué sa collection lorsque les prix étaient encore abordables et avait acquis celle de Jacques Doucet.

Le legs d’Atherton Curtis

Portrait du collectionneur Atherton Curtis
Portrait du collectionneur Atherton Curtis |

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Un ensemble considérable d’estampes en feuilles, valorisa le fonds du Cabinet en 1939. Atherton Curtis (1863-1943) légua huit cents estampes japonaises, qui entrèrent effectivement à la Bibliothèque en 1949. Américain, Curtis avait commencé sa collection à New York en 1896 par l’achat d’épreuves de Hokusai et de Hiroshige. Puis, s’installant à Paris, il y avait transporté ses caisses d’estampes. En 1906, la collection était à peu près constituée, offrant un vaste panorama de l’ukiyo-e : trente-cinq maîtres y apparaissaient, des « primitifs », tel Moronobu, à Hiroshige. Le 18e siècle, pendant lequel l’ukiyo-e connut son âge d’or, est très représenté avec notamment quarante estampes de Harunobu. Le 19e siècle privilégie Hokusai, avec des œuvres de la fin de sa vie, les plus recherchées par les collectionneurs de l’époque, quelques essais uniques, un album de croquis de son atelier acquis chez Bing et un bois gravé de Hokusai. Toute l’évolution de la technique figure dans cette collection (sumizuri-e, tan-e, beni-e, urushi-e, benizuri-e, nishiki-e), toutes les singularités de cet art (fonds marbrés, micacés, gaufrage, saupoudrage d’or ou d’argent) et tous les formats.
C’est en 1900 que Curtis s’était procuré un maximum d’estampes chez Bing, cent quatre-vingt-quatorze, parmi lesquelles des chefs-d’œuvre. Après un séjour de quatre années aux États-Unis, il note dans son Journal, le 31 janvier 1905 : « Bing came over to see the japanese things bought in New York. » L’enthousiasme des collectionneurs et marchands est perceptible dans cette simple phrase. Une découverte était toujours espérée.
Pour arriver à équilibrer sa collection, Curtis avait puisé à différentes sources et les noms d’un grand nombre de collectionneurs français et étrangers se retrouvent dans les provenances des gravures : Hayashi, Vignier, Tillot, Vickery, Barboutau, Leroux, Yamanaka (marchand de Tokyo et Londres), Exteens, Felinge, Culty, Smith, Brown, Manzi, Colman, Rousseil, Hierseman, Vever.

Quelques livres et estampes érotiques, entrés avec les collections Tronquois et Marteau ont déjà été évoqués. Un lot significatif, une cinquantaine de livres illustrés et cent soixante-six estampes, don de Georges Barbier (1882-1932), accrut cet ensemble en 1933. Ce peintre et illustrateur d’ouvrages libertins, qui avait débuté comme dessinateur au Rire, un hebdomadaire satirique, avait réuni des œuvres souvent très rares. Certaines proviennent de la vente de la collection du poète Pierre Louÿs (1870-1925), en 1926. Quelques livres portent l’ex-libris de Léon Gambetta (1838-1882), homme politique français.
De nombreuses autres entrées, comprenant notamment des estampes japonaises, pourraient encore être évoquées, tel le don de la collection Smith-Lesouëf, en 1913, le don Paul Cosson et l’acquisition, en 1943, de la collection Jules Lieure (1866-1943), ou encore les achats lors des ventes Moreau, en 1934, Vever, en 1948, et à la galerie Berès, plus récemment.
Mais il semble que cette longue série ne saurait se poursuivre discrètement. Un ensemble exceptionnel et inattendu de plusieurs centaines d’estampes et d’albums, la collection du graveur japonisant Henri Rivière, a rejoint par dation en 2005 le fonds du département des Estampes et reste à inventorier.

Les acteurs Iwai Hanshirô IV, à droite, dans le rôle d’Hisamatsu et Nakamura Noshio II, à gauche, dans celui d’Osome
Les acteurs Iwai Hanshirô IV, à droite, dans le rôle d’Hisamatsu et Nakamura Noshio II, à gauche, dans celui d’Osome |

© Bibliothèque nationale de France

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