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Parcours pédagogique

Marco Polo et le Devisement du monde

Par Florian Besson, professeur d'histoire-géographie
15 min de lecture
Les convoitises des Européens
Le Vénitien Marco Polo (1254-1324) est une figure très célèbre de l’histoire médiévale. Il a accompagné son père et son oncle, deux marchands vénitiens, lors d’un long voyage en Asie, et a travaillé pendant deux décennies à la cour du Khan Kubilay, souverain mongol régnant sur l’empire chinois. Après son retour en Occident, vers 1295, il est fait prisonnier par les Génois lors d’une défaite militaire de Venise : c’est en prison qu’il dicte à un compagnon de cellule, Rusticello de Pise, son récit de voyage. Ce texte, souvent intitulé Le Devisement du Monde (mais en réalité sans titre, comme souvent au Moyen Âge, ce qui explique qu’on l’ait également désigné comme Le Livre des Merveilles, Le Livre de Marco Polo, Le Million, etc), devient un immense best-seller à l’époque : plusieurs centaines de manuscrits sont copiés dans toute l’Europe. On sait qu’en 1430, le texte est si célèbre qu’à Venise les autorités urbaines en ont fait installer un exemplaire sur une place publique, enchaîné, pour que tout le monde puisse le lire. Le récit, qui mêle observations de visu et légendes, est notamment lu par Vasco de Gama ou encore par Christophe Colomb : il contribue puissamment à fabriquer un imaginaire médiéval de l’Orient qui, à son tour, nourrit les grandes explorations océaniques du 16e siècle.
Ce dossier pédagogique peut être utilisé dans son intégralité ou par extraits. Il a vocation à être utilisé en classe de 5e, dans le cadre des chapitres consacrés à l’Europe médiévale. Il permet également de réactiver les acquis du dernier chapitre de 6e portant sur les routes de la soie durant l’Antiquité.
Les ressources pour réaliser l'activité

Un point historiographique sur les routes de la Soie

« La route de la soie » : l’expression semble à elle seule une promesse d’exotisme, invitant à aller explorer les mystérieuses terres orientales, en mettant nos pas dans ceux des marchands, des explorateurs, des aventuriers médiévaux – dont Marco Polo, bien sûr, serait le modèle en même temps que le saint patron. Les noms des grandes cités caravanières charrient avec eux tout un imaginaire orientaliste : Samarcande, Boukhara… En réalité, les choses sont un peu plus complexes que cela. L’expression de « la route de la soie » (au singulier) a été inventée par un géographe allemand, le baron Ferdinand von Richtofen, dans une carte publiée en 1877. La définition qu’il en donne est purement tautologique : « la route de la soie est la route qu’empruntaient les marchands de la soie ». Mais l’invention de ce terme s’inscrit dans un contexte géopolitique précis : se multiplient alors les projets d’aménagement de lignes ferroviaires transasiatiques, ce qui participe d’un complexe jeu à la fois politique et économique entre la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, la Russie, l’Empire ottoman, etc. Bref, Richtofen a intérêt à inventer une « route » qui aurait existé dans le passé et pourrait donc légitimer la construction de routes contemporaines1.

L’expression est reprise couramment par les géographes à partir de 1900, puis par les historiens : elle désigne à partir de là l’ensemble des trajectoires commerciales ayant uni l’Orient et l’Occident durant le Moyen Âge, voire depuis l’Antiquité. Elle passe alors petit à petit dans l’imaginaire collectif, et se retrouve dans des titres de romans, de bandes dessinées, de jeux de plateau, etc. L’ouvrage de Luce Boulnois, publié en 1963, fait date : il est traduit en neuf langues, réimprimé en 1986, puis en 1999 et encore en 2008, avec à chaque fois des mises à jour2.

L’ouverture progressive de la Chine, puis, après l’effondrement du bloc soviétique, des différents pays d’Asie Centrale, a dynamisé les recherches, notamment archéologiques, sur ces régions du monde ; au contraire, depuis une vingtaine d’années, l’instabilité croissante de la région, en particulier en Iran, en Afghanistan, et plus récemment dans le Xinjiang chinois, rendent beaucoup plus difficiles l’accès aux sites et l’archéologie marque clairement le pas. Depuis une quinzaine d’années, les recherches ont tendance à laisser tomber l’approche globale et se recentrent donc sur des échelles locales, en s’intéressant aux dynamiques d’échanges dans une région, aux interconnexions entre plusieurs royaumes limitrophes3 aux rôles joués par les traducteurs ou les interprètes4, etc. La réalité même de la « route de la soie » a été très sévèrement critiquée par plusieurs historiens et historiennes. Comme l’a bien montré Valerie Hansen, il n’y a jamais eu de « route » unique, mais une série de pistes, extrêmement mouvantes au fil du temps, jamais aménagées, jamais fixes, jamais cartographiées. L’expression « route de la soie » n’existe dans aucune source antique ou médiévale, qui évoquent au mieux la « route de Chine », mais en fait ne cherchent le plus souvent pas à donner une unité d’ensemble à leurs voyages. Les déplacements sont toujours restés limités, fragmentés, difficiles.

Par exemple, dès qu’on pense à la route de la soie, on convoque la figure de Marco Polo, qui serait l’exemple même de la manière dont les conquêtes mongoles auraient facilité les circulations marchandes (la « pax mongolica »). Mais en réalité, la lecture attentive du texte de Marco montre surtout combien les circulations étaient difficiles. Lorsque son père et son oncle, marchands vénitiens à Acre, décident en 1260 de se rendre près de Berqé, khan de la Horde d’Or, ils restent un an à Saraï, dont ils ne peuvent plus repartir à cause de la guerre entre Berqé et Hulegu. Ils décident alors d’aller « dans la seule direction possible », donc vers l’est, ce qui n’était pas prévu au départ. Après un voyage pénible, ils avancent jusqu’à Boukhara, y sont bloqués trois ans durant, jusqu’à pouvoir partir avec une ambassade destinée à Kubilay Khan. Ils sont les premiers Latins à être accueillis à Shangdu, la résidence d’été du khan, où ils ne rencontrent aucun compatriote. Ils y restent un an, puis repartent et mettent trois ans à regagner Layas et, de là, Acre, puis Venise : Niccolò retrouve un fils de 15 ans, Marco, là où il avait laissé une épouse enceinte… Bref, on voit bien que ce voyage n’est ni fluide, ni facile, ni rentable. On est très loin de l’imaginaire d’une « route » commerciale bien fréquentée, sur laquelle circuleraient des milliers de marchands venus du monde entier. Les voyageurs qui ont emprunté ces routes sont peu nombreux : la preuve, c’est que leurs récits de voyage ont tellement frappé leurs contemporains qu’ils sont devenus célèbres.

1. Félix de Montety, « La route de la soie, imaginaires géographiques », dans Michel Espagne, Svetlana Goršenina et Frantz Grenet (dir.), Asie centrale : transferts culturels le long de la route de la soie, Paris, Vendémiaire, 2016.

2. Luce Boulnois, La route de la soie : dieux, guerriers et marchands, Genève, Editions Olizane, 2001.

3. Michal Biran, « Qarakhanid Eastern Trade: Preliminary Notes on the Silk Roads in the 11th-12th centuries, » in J. Bemmann and M. Schmauder (dir.), The Complexity of Interaction along the Eurasian Steppe Zone in the first Millennium CE, Bonn, BCAA7,  2015, p. 575-95, lire en ligne

4. Christian Hogel, « The Authority of Translators : Vendors, Manufacturers and Materiality in the Transfer of Barlaam and Josaphat along the Silk Road », Postscripts, 2012, vol. 8, p. 221-241.

Documents et pistes d’exploitation pédagogique

Les deux documents choisis permettent d'aborder deux aspects différents de la route de la soie.

  • L'Atlas Catalan a été dessiné en 1375 probablement par Abraham Cresque, cartographe juif et Majorque, pour l'offrir au roi de France. Le détail sélectionné représente une caravane sur la route de la soie, comme l'indique le texte : « cette caravane est partie de l’empire de Sarra pour aller au Cathay » (c’est-à-dire en Chine). On peut aisément faire relever aux élèves la présence de marchands et de chameaux chargés de biens (un animal très utilisé sur cette route car adapté aux climats désertiques, qu’ils auront probablement croisé dans le dernier chapitre d’histoire du programme de 6e, consacré aux échanges entre l’empire romain et la Chine des Han).
    En apprendre davantage sur l'Atlas catalan dans une courte vidéo
  • L'éléphant indien permet de travailler sur un exemple concret de circulations marchandes, en insistant sur le fait que la longueur des trajets pousse logiquement les marchands à se concentrer sur des objets de luxe, seuls à même d’offrir des profits rentables. On peut les interroger sur l’usage de cet objet, ainsi que sur la raison pour laquelle les seigneurs occidentaux le trouvaient désirabls : l'absence d’ivoire en Occident rend cet objet exotique, donc rare et précieux. Enfin, on peut également leur expliquer que ces routes de la soie sont des vecteurs de transferts culturels : le motif de l'éléphant, par exemple, transite par ce genre d'objets pour s'installer dans le bestiaire roman. Longtemps considérée comme une pièce de jeu d'échecs, la statuette a été associée au jeu dit « de Charlemagne », ce qui peut constituer une ouverture. Originaires du monde indien, les échecs arrivent en Occident autour des 10e-11e siècle, via le monde islamique, non sans subir au passage un certain nombre de transformations (« resémantisations ») : le vizir, par exemple, devient la reine en Occident.
Les ressources pour réaliser l'activité

Marco Polo : contexte historique et point historiographique

Quand Marco Polo arrive en Chine, celle-ci est dirigée par Kubilay Khan (1215-1294), petit-fils de Gengis Khan, le fondateur de l’empire mongol. À la fin du 12e et au début du 13e siècle, ce dernier a unifié les tribus mongoles et a conquis d’immenses territoires en quelques années. À sa mort, en 1227, ses fils et successeurs poursuivent ses conquêtes : l’empire s’étend rapidement de la Corée à l’Anatolie (prise de Bagdad en 1258), de l’est de la Pologne actuelle jusqu’au nord du Vietnam actuel. Parallèlement, il s’organise et se fragmente en khanats plus ou moins indépendants, qui reconnaissent, ne serait-ce que de jure, l’autorité d’un « grand khan ». Dès les années 1230, le centre de pouvoir de l’empire se déplace de la Mongolie vers la Chine, plus riche et plus peuplée. Kubilay Khan, qui a remporté une guerre de succession l’opposant à son petit frère, est à l’époque de Marco Polo le Grand Khan ; il s’installe à Zhongdu, l’actuelle Pékin, souvent désignée à l’époque comme Khanbalik, littéralement « la ville du Khan » – Polo en fait « Cambaluc ». Kubilay Khan fonde la dynastie Yuan qui dirige la Chine jusqu’en 1368.

Le texte de Marco Polo a fait couler beaucoup d’encre parmi les historiens. L’une des principales questions est bien sûr celle de l’authenticité du voyage : Polo est-il réellement allé en Chine ? Si les éléments les plus fantastiques du récit ne posent en eux-mêmes guère de difficulté, tant ils sont caractéristiques des récits de voyage médiévaux, ce sont plutôt les silences de Marco Polo qui ont pu rendre sceptiques un certain nombre de chercheurs : il est par exemple étonnant de constater que Polo ne dit rien de la Grande Muraille de Chine. En 1995, Frances Wood relance le débat dans un livre très diffusé mais scientifiquement assez fragile. Depuis, le consensus s’est établi : Marco Polo est bel et bien allé en Chine. Les historiens Hans Vogel et Mark Elvin ont par exemple pu démontrer que Polo décrit avec précision des billets mongols (le fameux « papier monnaie ») qui, jusqu’aux années 1990, n’avaient pas encore été retrouvés par les archéologues. L’attention que Polo porte aux domaines économiques et, en particulier, fiscaux permet de penser qu’il a probablement servi de contrôleur des marchés pour le Khan.

Pistes bibliographiques

  • Pierre Racine, « Marco Polo, marchand ou reporter ? », Le Moyen Age, vol. CXVII, no 2,‎ 2011, p. 315-344.
  • Hans Ulrich Vogel, Marco Polo was in China : new evidence from currencies, salts and revenues, Leyde : Brill, 2012.
  • Pour lire le texte de Marco Polo : on en trouve facilement plusieurs versions en ligne mais elles sont de qualité inégale. On préfèrera donc la belle traduction de Pierre-Yves Badel, Marco Polo, La Description du Monde, Paris : Le livre de Poche, « Lettres gothiques », 1998.

Étudier un manuscrit médiéval du Livre des Merveilles

Le manuscrit Français 2810 de la BnF est un recueil de récits de voyages datant de 1410-1412. On y trouve bien sûr le texte de Marco Polo, ainsi que d’autres célèbres récits de voyage médiévaux (Odoric de Pordenone, Jean de Mandeville, Riccoldo da Monte di Croce, etc.), qui ont été traduits par Jean le Long, abbé de Saint-Bertin de Saint-Omer.

Copié à la main sur parchemin, il est somptueusement enluminé : sept grandes miniatures introduisent les sept textes du volume, accompagnées, à l’intérieur des textes, de 258 vignettes plus petites. Le Livre des Merveilles à lui seul compte 84 peintures, qui sont pour la plupart attribuées à un artiste surnommé le Maître de la Mazarine.

L'objet-manuscrit : observation du folio 1v

On peut tout d'abord partir de la matérialité du livre, en présentant un folio au élèves et en guidant leur observation. Poser la question des matériaux – support, manière d'écrire – permet d'introduire la notion de parchemin (et de le distinguer du papier : on peut montrer le grain qui correspond aux irrégularités de la peau) et de manuscrit (on n'écrit pas à la machine ! Les lignes rouges permettant de guider la main du copiste sont encore visibles). On s'intéresse ensuite au contenu du texte : en quelle langue est-il rédigé ? Peut-on lire quelques mots ? Le texte originel de Marco Polo a été rédigé dans un mélange de français et d'italien. Si le corps du texte risque de poser des difficultés, car l’écriture gothique n’est pas facilement lisible, on peut probablement faire lire un titre ou une rubrique (partie écrite en rouge). C’est l’occasion de parler rapidement de la copie de livres : au 15e siècle, elle a essentellement lieu dans des ateliers laïcs et urbains, organisés pour produire en masse, souvent situés près des universités. Sur le folio 1v, on discerne bien « C’est le livre de Marc Paul », comprendre bien sûr « Marco Polo » écrit en haut de la page à l'encre bleue. Enfin, on peut faire réfléchir les élèves sur l’utilité de ce manuscrit : pour qui a-t-il été copié ? Comment peut-on le savoir ? Ils réussiront probablement à dire qu’il s’agit d’un objet luxueux, réalisé donc pour un personnage d'importance, roi ou noble : de fait, ce livre a d’abord été la possession du duc de Bourgogne Jean Sans Peur, avant d'être offert au duc Jean de Berry.

Trois extraits textuels

Les trois extraits proposés permettent de mettre en valeur différents aspects du texte. Le premier se prête bien au travail habituel de présentation de document (auteur, date, nature du document, etc), puisque l'auteur évoque lui-même son texte. On peut insister sur l’aspect témoignage : Marco Polo prétend clairement présenter la « vérité » de ce qu’il a vu de ses yeux ou entendu d’hommes « fiables ». Cela pose la question de la  véracité d’un tel texte : suffit-il que Marco Polo dise dire le vrai pour que ce soit le cas ? Comment peut-on savoir ce qui est vrai ou ce qui ne l’est pas dans son texte ? Il est possible d'évoquer ici la mise par écrit du texte par l'auteur Rusticien de Pise, qui reçoit le témoignage oral de Marco Polo  en 1299. Qui est l'auteur dans ce cas là ?

On peut par la suite, toujours à l'aide de ce premier extrait, demander aux élèves de situer les régions traversées par Marco Polo, voire de dessiner son trajet sur une carte.

Le second extrait permet de s'apesentir davantage sur le rôle de Marco Polo auprès de Kubilay Khan.On peut demander aux élèves de relever ce qu’apprend Marco Polo pour pouvoir servir le grand Khan, ainsi que ce qu’il note durant ses différentes missions.

Enfin, le troisième extrait aborde un peuple que Marco Polo rapporte vivre sur l'archipel d'Andaman, au coeur de l'océan Indien. On peut demander aux élèves si Marco Polo raconte ici quelque chose qu’il a vu de ses yeux ou s’il rapporte une rumeur, voire une légende, et mettre cela en rapport avec le premier extrait. En croisant ce texte avec l’image qui l’illustre, on peut aussi montrer comment un élément fictif l’emporte sur la réalité : alors que Marco Polo se contente de dire que les habitants de ces îles ressemblent à des chiens, l’illustrateur leur donne une véritable tête de chien, reprenant le mythe grec des Cynocéphales.

Images commentées

La première image (fol. 3r), rubriquée « comment le Grand Khan leur donna la tablette de commandement », illustre le retour des frères Polo (père et oncle de Marco) après leur premier voyage. Assis sur un trône, le Khan, qui porte une robe ornée d’or, arbore une barbe, symbole d’autorité au Moyen Âge, domine les frères Polo, vêtus simplement et agenouillés. Un serviteur du khan remet aux Polo un sauf-conduit leur permettant notamment d’avoir accès à la poste impériale (donc à des chevaux frais) : il s’agit d’une pratique bien attestée dans l’empire mongol. On peut noter que l’enlumineur donne à ce document la forme classiquement utilisée pour représenter les Tables de la Loi données à Moïse, probablement par association d’idées avec la « tablette de commandement » mentionnée par le texte.

La seconde image, rubriquée « De la bataille de Cingis Kaan et du Prêtre Jehan », renvoie à la partie du texte de Marco Polo dans laquelle il fait l’historique, plus ou moins imaginaire, des conquêtes mongoles. En particulier, il explique ici comment Gengis Khan a battu le « Prêtre Jean », une figure importante de l’imaginaire occidental. À la fin du 12e siècle commence en effet à circuler en Occident une « lettre du Prêtre Jean », prétenduement écrite par un mystérieux souverain chrétien régnant sur un immense royaume à l’est de Bagdad, qui offre une alliance aux catholiques. Le mythe du Prêtre Jean, qui connaît alors une grande popularité en Europe, nourrit notamment la politique des rois français qui multiplient les ambassades vers les souverains mongols, espérant les convertir au christianisme et pouvoir, avec leur aide, reprendre Jérusalem.

Le texte de Marco Polo mélange des éléments « réels » et « imaginaires », bien que cette distinction n’ait pas réellement de sens au Moyen Âge. Il décrit notamment un certain nombre de créatures fantastiques qui appartiennent à la mythologie médiévale – souvent reprises de textes antiques à caractère mythologique ou savant – et qui, selon les géographes médiévaux, habitent les « marges » du monde, autrement dit les parties les plus éloignées d’Occident (on pourra en profiter pour rappeler qu’au Moyen Âge, le fait que la terre est ronde est universellement accepté). On reconnaît ici, de droite à gauche, des cynocéphales, hommes à tête de chien, des dragons, et enfin un Cyclope, un Sciapode (monstre n’ayant qu’un seul pied) et un Blemmye (monstre ayant le visage sur le ventre).

Enfin, la dernière image représente le Grand Khan qui se déplace, accompagné, selon Marco Polo, par des milliers de soldats. On pourra travailler avec les élèves sur le rapport entre le texte et l'image : alors que Marco Polo décir une réalité qu'il semble avoir vue lui-même, l’enlumineur essaye de toute évidence d’illustrer de son mieux le texte de Polo, sans avoir la moindre idée de ce qu’est un palanquin (il dessine une pièce portée sur des éléphants), et en ayant qu’une idée très floue de ce à quoi ressemble un éléphant ! On pourra rapprocher ces images d'éléphants du Suaire de saint-Josse, textile centrasiatique ayant voyagé jusqu'en Europe au 12e siècle, de pièces d'échecs ou de bestiaires médiévaux.

Ces différentes images peuvent donner lieu en premier lieu à des questionnements liés à la lecture des images : identifier les personnages, les symboles, les postures, afin de deviner le sens des scènes représentées. Après ce travail d'identification, l'analyse peut porter tout d'abord sur les sources du texte, entre témoignage direct et réutilisation de textes antiques (le Cyclope a souvent été vu en sixième). La mise en image est également un axe intéressant : confronté à un texte décrivant des réalités spécifiques, l'enlumineur puise dans un répertoire générique qui lui est familier (noter les couronnes, les vêtements, les paysages verdoyants) tout en cherchant parfois à donner un effet exotique.

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