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Parcours pédagogique

Quand les unes des journaux racontent l'histoire

Par Loïc Joffredo, Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI)
Une marchande de journaux
La une, c’est l’accueil et l’entrée du journal. Porteuse de l'identité du journal par le nom et la maquette, c’est aussi une vitrine qui donne envie de connaître le contenu des pages intérieures. Elle résulte du choix et de la hiérarchisation qu’une rédaction propose à partir des informations du jour. Celles des quotidiens d’époques passées témoignent autant des événements qui ont eu lieu que de la manière dont une société se les représentait au moment où ils survenaient. Les objectifs de ce parcours pédagogique : Comprendre l’organisation d’une une ; Distinguer les grandes étapes de l’évolution des unes dans les quotidiens français ; Analyser la manière dont un quotidien rend compte d’un événement marquant de son temps.
Les ressources pour réaliser l'activité

Avec chaque groupe d’élèves, choisir deux quotidiens d’aujourd’hui, de format différent. Malgré la grande diversité des unes, repérer à partir du schéma les éléments communs : bandeau (nom du journal, prix, date…), manchette (titre en gros caractère du sujet principal du jour), oreille (espace encadré situé dans un coin supérieur de la une), accroche (élément de texte mis en valeur afin d’attirer l’attention du lecteur), rivière de titres en colonne, illustrations, sommaire, publicité… Établir des comparaisons entre la composition des unes de tabloïds et celles des grands formats.

Quels éléments fondent l’identité du journal ? Où sont-ils placés ? Identifier les éléments invariables (qui ne relèvent pas de l’actualité) : la typographie (les caractères), la couleur, l’annonce des dossiers, le format, etc. La une doit permettre de repérer, puis de reconnaître facilement un journal. Elle fidélise ainsi le lectorat.

Lister les éléments variables en distinguant ceux qui relèvent de la communication écrite (le nombre d’accroches, leur degré d’importance, la place dans la page des thèmes abordés, un vocabulaire spécifique, des références à certaines valeurs…) et ceux qui relèvent de la communication visuelle (les emplacements des articles, la place des illustrations et leur nature, les proportions entre la surface occupée par le texte et la surface occupée par l'image).

S’attarder sur les mots et les images. Les élèves remarquent-ils que parfois lorsque le titre est gros et gras, l’image est plus petite ? Est-ce que l’image ajoute de l’information au message ou au titre ? Quels effets ou émotions les photos suscitent-elles ?

On a souvent parlé d’un mode de lecture « en Z » de la une, établi à partir du mouvement des yeux sur la page. Proposer aux élèves de colorier les zones d’accroche et de vérifier selon les titres et les formats si c’est toujours le cas. La une d’un journal est organisée selon le parcours naturel de l’œil pour être lisible. Faire tracer sur les unes des journaux leur lecture en suivant le parcours de l’œil. Discerner ce qui a retenu l’œil des élèves lecteurs : des éléments visuels ? des mots ?

Découper tous les titres (gros titres et autres titres) sur la une d’un journal, ainsi que les photos et les légendes, etc. Chaque groupe d’élèves reçoit les morceaux de cette une et doit reconstituer le puzzle en tenant compte des exigences de la mise en page.

Les ressources pour réaliser l'activité

Huit unes de quotidiens sont proposées ici et retracent, de 1783 à 2001, les grandes étapes de l’évolution des unes.

Les élèves sont invités à classer ces unes dans l’ordre chronologique de leur réalisation. Qu’est-ce qui les a conduits à ce choix : les dates de parution inscrites sur les unes ? ou la reconnaissance de certains traits d’une modernité en progrès d’un numéro à l’autre ?

Dégager, pour chaque quotidien, le progrès constaté dans l’affichage de l’information : le colonage (Le Figaro), la gravure (Le Matin), les photographies (Le Petit Journal), l’organisation des gros titres et la place de la photographie (Paris-Soir), les titres-chocs et la publicité (France-Soir), le gigantisme et la centralité des photos, puis la couleur (Libération).

Analyser la manière dont la photographie occupe en une une place croissante au 20e siècle. Pour chaque numéro, qu’est-ce qu’on veut mettre en valeur par la photographie ? Pourquoi peut-on dire qu’avec l’adjonction des photos à la une, le journal « met en scène » l’actualité ? Dans quelle mesure peut-on parler de « film des événements » à propos de l’affaire Nozière présentée par Paris-Soir en 1933 ?

Les unes de Libération

S’arrêter un moment sur les deux unes du quotidien né en 1973. Libération a fait le pari d’« un langage nouveau, entre violence et trouvailles verbales, une maquette moderne et accrocheuse, des prises de position volontiers provocatrices. » (Laurent Martin, La Presse écrite en France au XXe siècle, Le Livre de poche, 2005) Étudier particulièrement, concernant ses unes :

  • Le statut de la photographie, souvent en pleine page et porteuse d’une forte intericonicité (procédé qui consiste à faire reconnaître une image connue dans une image nouvelle). Montrer en quoi ces choix rapprochent considérablement les unes du quotidien des couvertures de magazines. Rapprocher aussi ces unes de l’affiche et de son mode de communication dans l’espace public.
  • Un titre court ou un mot : étudier l’expressivité de ces titres par rapport aux longs titres des unes précédentes. Pourquoi la une du 12 septembre 2001 est-elle dénuée de titre ? Comment le quotidien se situe-t-il par rapport aux autres médias qui ont rapporté l’événement ? A propos d’autres unes de Libération, étudier les jeux de mots, employés fréquemment, et leurs procédés (polysémie, homophonie, paronymie, antithèse, allitération, assonance…).
  • Le décalage entre le visuel et le textuel. Analyser la relation entre les deux, parfois plus sur le mode du contrepoint que de la redondance ou de la complémentarité. En quoi cette « tension » est-elle souvent source d’émotion ?
Les ressources pour réaliser l'activité

Quel événement est ici mis en avant ? Après avoir effectué des recherches sur la tendance politique de chaque quotidien, décrire la manière dont l’événement est affiché en une. Le titre est-il accompagné d’articles, de surtitres, de sous-titres, de photos, d’illustrations ou de renvois aux pages intérieures ? Des journaux du même jour n’abordent donc pas l’information de la même façon. Les journaux peuvent choisir de traiter différemment une même information.

Quels sont les autres sujets les plus importants ce jour-là ? Sont-ils identiques pour l’ensemble des journaux étudiés ? Dans quelles rubriques sont-ils développés : s’agit-il des mêmes rubriques d’un journal à l’autre pour un même sujet ?

Demander de relever les unités de sens contenues dans chaque titre et sous-titre (les réponses aux questions de référence : qui, quoi, où, quand, pourquoi, comment ?). Identifier les procédés utilisés (présupposés, allusions, invitations à la lecture). Noter les effets de style : vocabulaire émotionnel, métaphores, etc.

Faire l’inventaire des titres. Est-ce que les mots sont faciles à comprendre ? Distinguer les titres incitatifs et les titres informatifs. Quels sont les mots qui attirent l’attention ? Souvent, on utilise un vocabulaire chargé de sens : meurtre, assassiné… Observer les verbes choisis : ce sont souvent des verbes d’action employés à l’indicatif présent, comme si le journal vous parlait personnellement.

Les ressources pour réaliser l'activité

Chaque groupe choisit de réaliser la une d’un journal. Il s’organise en comité de rédaction, choisit les dépêches qui lui paraissent importantes, envisage un « crayonné » (ou « monstre » : une maquette à réaliser). Porter son choix définitif sur les titres, les illustrations. Prévoir les emplacements publicitaires. Comparer avec un journal réel.

Dans le cadre d’une séquence pédagogique en histoire, on réalisera la une d’un journal du passé fictif (auquel on attribuera un titre en correspondance avec son temps…) portant sur un événement précis (la mort de Jules César, la bataille d’Austerlitz, le jeudi noir de 1929…). Il s’agira de répartir le travail des élèves organisés en rédaction : les rédacteurs d’articles et d’accroches, les concepteurs de titres, les « iconographes », etc. Sans oublier le rédacteur en chef qui pilotera l’ensemble.

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