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Parcours pédagogique

La ligne expressive

La sensibilité aux constituants de l’œuvre
Par Murielle Luck, professeure agrégée d'arts plastiques
20 min de lecture
Danseuse
Dessiner commence par tracer une ligne, ligne qui deviendra forme, forme qui deviendra sujet. Dès le choix de l’outil pour tracer, par son épaisseur, sa couleur, sa dureté, le même sujet exprimera des sensations bien diverses. Le geste ensuite, vif ou mesuré, viendra accroître le potentiel expressif de la ligne.
En arts plastiques, il est très porteur d’attirer l’attention des élèves sur cette ligne qui, bien que familière, n’est que rarement exploitée dans toutes ses dimensions plasticiennes. La ligne ne se résume pas au « trait ». Ce n’est pas non plus une simple « droite », empruntée aux sciences : c’est un peu tout cela, et un peu plus, au fil des références artistiques et des propositions pédagogiques qui en découlent.
Les ressources pour réaliser l'activité

« Quand j’aurai cent dix ans, je tracerai une ligne et ce sera la vie. »
Katsushika Hokusai (1760-1849)

Pour comprendre : définir la ligne

La huitième édition du Dictionnaire de l'Académie donne une définition artistique de la ligne : « En termes de Peinture, de Sculpture et d'Architecture, il se dit de l'Effet général produit par la réunion et la combinaison des diverses parties d'une composition. Ce groupe, ce monument, ce paysage offre de belles lignes, des lignes simples, grandes, etc. »

Par nature polysémique, la ligne possède une multitude de définitions. Dans ce parcours, nous la recentrerons sur les arts de la forme. Ainsi, la ligne en tant que tracé sert au dessin des éléments constitutifs de l’œuvre en devenir. Il suffit souvent d’associer le terme « ligne » à un complément pour préciser son orientation plasticienne : ligne géométrique, ligne comme limite, ligne sensible, ligne claire, ligne comme contour, ligne de force, ligne continue, ligne pure, etc…

Pour apprendre

Dessiner

La ligne pour « dessiner » est associée au trait, au tracé. C’est le plus souvent la ligne sensible, la ligne libre, du saisissement furtif et de la retranscription du sujet, elle est associée au geste et à l’outil. Souvent issue d’un premier jet d’intentions de représentation ou d’expression, c’est notamment la ligne utilisée pour croquer.

Dans son Vocabulaire d’Esthétique, Etienne Souriau définit la ligne comme « la figure engendrée par un point qui se déplace ; elle est sans épaisseur. Mais le langage de l'esthétique, comme le langage courant, appelle ligne tout tracé continu en longueur, soit sans épaisseur, comme la limite d'une surface, soit même ayant quelque épaisseur : trait laissé par un crayon, une plume, un pinceau... ou disposition de motifs ou d'objets en file allongée. Une ligne se caractérise par sa forme (droite, brisée, courbe...) qui peut être déterminée sur une surface ou dans l'espace, et par sa direction (horizontale, verticale, oblique...) » (Etienne Sourian, Vocabulaire d'Esthétique, Paris : PUF, 1990, p. 952)

La ligne servant à dessiner une chose dans une simplification de sa représentation est appelée « dessin au trait ». Il diffère sensiblement du croquis par un nombre souvent limité de lignes aux contours indispensables à saisir l’objet en excluant presque toujours le modelé. Le dessin au trait se contente du tracé des contours par une ligne simple et affirmée, sans recherches ni repentir.

Synonyme de « ligne pure », le tracé continu, sans effet de matière et d’épaisseur, recherche une simplification pour définir le sujet dans une expression immédiate. Le dessin par lignes pures peut s’avérer être une étape de recherches ou un choix plastique assumé, lié à la modernité comme chez Giacometti.

Œuvres de référence

  • Dans la Danseuse près du poële de Degas, la ligne se veut plus riche et plus nourrie quand il s’agit de représenter le sujet principal : la danseuse. Le poêle, élément de décor, se limite à quelques tracés. On pourra ici parler du non fini et de son rôle dans le travail préparatoire.   Ligne signifie parfois l'ensemble des lignes, souligne le poète et critique Camille Mauclair en 1923. Degas, par la beauté de la ligne et des harmonies, a ce privilège d'ajouter immanquablement quelque chose de rare [...] à des sujets qui, interprétés par tout autre, encoureraient le reproche de "bassesse". » (Les Maîtres de l'impressionnisme, p. 98).
  • Le carnet de croquis de Henri Rivière montre plusieurs états de la représentation d’un même sujet : des femmes bretonnes. On observera comment la ligne est plus ou moins marquée, grasse selon l’utilisation de l’outil. Parfois, le sujet se limite à quelques tracés, presque abstraits, dont la compréhension est liée à cet ensemble de recherches.
  • Charles André Van Loo présente deux expressions d’un même sujet. Le premier a des intentions mimétiques par l’usage de valeurs de gris, du modelé, des ombres et lumières… La ligne s’efface. Le deuxième dessin, dit « au trait » servira d’autres fins : appréhender la forme simple du sujet par ses seuls contours.

La ligne et la forme

La ligne comme limite ou comme contour produit une forme. Elle sépare le sujet et le fond duquel il se détache. Elle rend compte d’une silouette, figurative ou abstraite. Les lignes de forces sont en composition de l’image, des axes directeurs du regard et de la construction des figures.

La « ligne claire » est une ligne pure qui trouve son utilisation plus précise en bande dessinée. Elle qualifiera notamment le style de l’école belge et du dessinateur Hergé principalement. Son usage se reconnait par une sobriété et une grande clarté.

Œuvre de référence

  • La Galère de Leonor Fini, la ligne semble ininterrompue pour former les deux personnages. Le tracé varie peu mais tournoie parfois pour accentuer la fusion des deux corps. L’intention est double : pureté et mélange à la fois, tel un oxymore graphique. Le geste parfaitement maîtrisé de l’artiste exclut tout repenti et assume les imprécisions.
  • Les dessins de la Grotte Chauvet permettent de sensibiliser les élèves à l’Histoire des Arts en revenant aux origines du dessin. Ici, le dessin d’Ours est particulièrement riche d’observations à faire par les élèves : le trait continu laissant apparaître la forme, le dialogue entre la ligne et le support de la paroi, l’épaisseur variée de la ligne, la simplicité de la représentation…

La ligne et son outil

Avant toute chose, pour tracer une ligne, il convient de choisir l’outil. Ce dernier va avoir une importance capitale dans la représentation du sujet, quel qu’il soit. Un même modèle peut ainsi révéler une grande variété d’expressions selon l’outil utilisé : fin ou large, souple ou dur, couleur ou noir…

Œuvre de référence

  • Le pinceau lui-même, permet de varier la ligne. Dans le Paysage à l'oiseau de Hishikawa, estampe qui reprend les codes du dessin au pinceau, l’épaisseur du trait va permettre de mettre en évidence les rochers acérés, laissant les lignes fines et ondoyantes pour les mouvements de l’eau. L’oiseau quant à lui, n’est suggéré que par de modestes et fines lignes accompagnées de quelques taches. On exercera l’œil de l’élève à discriminer les formes par ces jeux graphiques et on l’amènera à se saisir d’un vocabulaire spécifique pour décrire ce qu’il voit et ce qu’il ressent face à l’œuvre.
  • L'outil pour dessiner évolue aussi ! En témoigne, par exemple, le light painting utilisé par Picasso.

La ligne et le geste

Pas de ligne sans geste directeur. Droite, courbe, verticale, horizontale… les lignes et les tracés partent d’un point pour finir vers un autre. Mais la rapidité et le chemin laissé par la trace ainsi produite révèlent tout le potentiel expressive de cette ligne.

Œuvre de référence

  • Afin de sensibiliser les élèves à l’Histoire des Arts, il sera intéressant de revenir aux origines du dessin. Le dessin du Grand Ours de la grotte de Chauvet, est particulièrement riche d’observations à faire par les élèves : le trait continu laissant apparaître la forme, le dialogue entre la ligne et le support de la paroi, l’épaisseur variée de la ligne, la simplicité de la représentation…
  • Robert Delaunay, dans son estampe Constructivisme. Néoclassicisme semble opposer des gestes. On pourra faire nommer aux élèves les ressemblances et les différences entre les deux parties afin d’enrichir le vocabulaire de la ligne : brisée, arquée, continue, discontinue, interrompue, courbe, droite, ample…

Pour pratiquer

Des questionnements pour problématiser

Quelques premières questions peuvent être soulevées autour de la notion de dessin :

  • En quoi la variation des lignes d’un dessin peut modifier la perception de cette représentation ?
  • Comment choisir outil et geste selon le sujet représenté ?
  • La ligne figurative peut-elle contenir de l’expressivité au-delà du sujet représenté ?

Incitation et proposition pédagogique : Les lignes de la main

Dans les programmes (cycle 3) :

« L’autonomie du geste graphique (…) ses incidences sur la représentation, sur l’unicité de l’œuvre, son lien aux notions d’original, de copie, de multiple et de série »

Dispositif :

Matériel :

  • Deux feuilles de papier dessin
  • Le contour photocopié d’une large main
  • De multiples outils graphiques noirs (crayon, feutres, marqueurs, craies, stylos etc…)
  • Le dessin de Benard « Cette ligne m'annonce qu'il vous est infidèle »

Organisation du travail :

  1. Après avoir reproduit sur deux feuilles les contours de la main, proposer aux élèves de dessiner à l’intérieur ce que voit la diseuse de bonne aventure représentée dans le dessin publié dans le journal du Charivari. Dans une main, elle ne voit que du négatif, dans l’autre main, elle ne voit que du positif ! Comment, par des lignes, des graphismes, des outils et des gestes, exprimer cette opposition au-delà des sujets représentés ?
    NB : une simple araignée, selon si elle est faite de lignes courbes ou droites, avec des formes rondes ou anguleuse, peut paraître positive ou négative.
  2. Travail préparatoire de recherches sur la ligne expressive : proposer plusieurs sentiments ou sensations proposées et demander de trouver un outil et un geste adaptés pour transcrire ce sentiment par des lignes.
  3. Les élèves sont ensuite mis au travail, avec leurs recherches précédemment effectuées afin qu’elles servent de vocabulaire plastique et expressif. On soulignera, lors d’une verbalisation orale, qu’un même élément représenté par deux élèves différents peut exprimer des sensations opposées selon les choix plastiques effectués.
Les ressources pour réaliser l'activité

« Manier des couleurs et des lignes, n'est-ce pas une vraie diplomatie, car la vraie difficulté c'est justement d'accorder tout cela. »
Raoul Dufy (1877-1953)

Pour apprendre

La ligne géométrique est principalement associée aux sciences, à l’espace, à l’architecture et aux mathématiques ; pourtant pléthore d’exemples montrent qu'elle peut être utilisée dans les arts, dans de multiples champs d’investigation. Qu'elles soient courbes, droites ou brisées, les lignes géométriques sont décoratives et surtout expressives en art.

Avec la modernité, la naissance de l’art abstrait et les questionnements sur la représentation qu’il induit, la ligne géométrique a trouvé une place prépondérente dans les arts plastiques. Ainsi, pour Wassily Kandinsky, « la ligne géométrique est un être invisible. Elle est la trace du point en mouvement, donc son produit. Elle est née du mouvement – et cela par l'anéantissement de l'immobilité suprême du point. Ici se produit le bond du statique vers le dynamique. [...] Les forces extérieures qui transforment le point en ligne peuvent être de nature très différente. La diversité des lignes dépend du nombre de ces forces et de leurs combinaisons ». (Vassily Kandinsky, « Point-ligne-plan », dans Écrits complets, 2. La Forme, Paris : Denoël-Gonthier, 1975, p. 93)

À des fins décoratives, les lignes géométriques sont autant de symphonies visuelles où la répétition et la variation s’entremêlent dans une esthétique rigoureuse.

Œuvres de référence

  • Les deux papiers peints offrent une référence empruntée aux arts décoratifs, qui peut servir des intentions plasticiennes où la ligne serait travaillée comme motif expressif. Ainsi, le remplissage d’une forme n’est pas nécessairement réalisé par des à plats de couleurs ou des dégradés : une succession de lignes ou de motifs peut ouvrir de nouvelles pistes. Le papier peint de la manufacture Hartmann, tout en étant répétitif à des fins décoratives, ouvre également la voie vers une idée de parcours, de chemin visuel. Il prend alors des allures de cartographie avec ses reliefs et limites.
  • Entre géométrie, cartographie et recherches abstraites, le plan comme vue aérienne peut devenir un support de recherches. Il crée des formes et des codes propices à une réflexion plasticienne sur le parcours. Ainsi, le plan du jardin de l'Hermitage à Baudour, en Belgique actuelle, est composé de chemins en lignes droites et de petits sentiers sinueux. Celui du métro, si l’on se détache de son aspect fonctionnel, peut être lu comme un véritable tableau abstrait fait de lignes entremêlées, parfois brisées, parfois sinueuses.
  • Les plans peuvent être mis en lien avec les icônes que constituent New York City ou Broadway Boogie Woogie, de Piet Mondrian. A mi-chemin entre cartographie et abstraction, elles ne doivent leur interprétation figurative qu’à leurs titres. On comprend alors que les lignes sont autant de routes, les formes géométriques des bâtiments, dans le tumulte grandissant de la circulation automobile. Père de l’abstraction géométrique, Mondrian cherchera la simplification des figures jusqu’à leur expression minimale. Avec ceux deux peintures, le parcours entrepris vers l’abstraction est presque arrivé à destination.
  • Dans l'idée de parcours, Richard Long est une référence incontournable, qui ouvre la voie au Land Art. Dans son action intitulée A line made by walking, on pourra faire nommer par les élèves les notions fondamentales des arts plastiques ici revisitées : l’outil, le geste, le support… sont autant de constituants plastiques trouvant une nouvelle dimension dans cette oeuvre. Elle ouvre par ailleurs la question de l’espace réel.
  • L’Hommage à Arago de Jan Dibbets est une oeuvre des plus singulières mêlant espace, cartographie et hommage, impossible à appréhender dans son intégralité. On soulignera le caractère pérenne de l’oeuvre et sa dimension historique et géographique dans un questionnement transdisciplinaire. Ainsi, les élèves pourront aussi percevoir l’idée de parcours artistique qu’ils auront eux-mêmes expérimenté.

Pour pratiquer

Des questionnements pour problématiser

  • Comment introduire des questionnements en lien avec l’art abstrait ?
  • En quoi la géométrie peut devenir source d’inspiration artistique ?
  • Dans quelle mesure l’idée de parcours peut conduire l’élève à une réflexion ouverte sur les arts non figuratifs ?

Incitation et proposition pédagogique : Parcours à sensations

Dans les programmes (cycle 4) :

L’autonomie de l’œuvre d’art, les modalités de son autoréférenciation : l’autonomie de l’œuvre vis-à-vis du monde visible ; inclusion ou mise en abyme de ses propres constituants ; art abstrait, informel, concret…

Dispositif

Matériel :

  • Un support rigide environ format A3 (carton, ancien calendrier)
  • Matériaux divers de récupération.

Organisation :

  1. Lors du chemin de l’élève, vers le collège ou celui du retour à son domicile, les élèves auront à tenir un petit journal de bord pour noter leur parcours et des sensations éprouvées. Qu’il soit long ou court, ce chemin est fait de virages, de lignes droites… et d’idées qui traversent leur esprit.
  2. Une fois en classe, les élèves doivent d’abord tracer ce parcours à base de lignes et de courbes, comme pour reproduire un plan d’un point à un autre, sur un support suffisamment grand. On usera de codes : couleurs, lignes, symboles pour comprendre les reliefs et la nature des voies empruntées.
  3. Ce tracé effectué, les élèves doivent ensuite nourrir ce parcours des sensations éprouvées en utilisant des matériaux, des formes, des couleurs qui exprimeront ce qui leur passe par la tête tout au long de ce cheminement : du coton quand ils quittent leur domicile ; des cailloux quand ils arrivent au collège ; des tissus doucereux et colorés quand ils retrouvent leurs amis etc… à eux d’exprimer des sensations tout au long de ce parcours.
Les ressources pour réaliser l'activité

« De la main du peintre ne doit sortir aucune ligne qui n'ait été formée auparavant dans son esprit. »
Nicolas Poussin (1594-1665)

Pour apprendre

Quelques lignes suffisent à exprimer la profondeur. Ligne d’horizon, ligne de terre, lignes de fuite… suggérer l’espace trouve ses fondements dans la perspective pour laquelle quelques notions montrant la ligne d’horizon et des éléments fuyant vers le lointain, permettent d’ouvrir la compréhension des élèves sur l’espace suggéré.

La suggestion de l’espace peut donc se trouver perturbée par le traitement des lignes qui le composent. En perspective, les lignes se doivent d’être précises et droites pour donner au dessin l’assurance d’une construction vraisemblante. Si ces mêmes lignes sont ondulantes, c’est l’espace tout entier qui devient mouvant à l’instar de la Planche pour Farouche par Viera Da Silva.

La perspective n’est donc qu’une manière de proposer une représentation de l’espace, dans une certaine logique, et celle-ci peut aisément être perturbée par d’autres jeux de construction, par des lignes dirigeant le regard et troublant ce dernier.

Oeuvres de référence

  • Dans son illusration de Nausikaa, d'après l'Odyssée d'Homère, Gaston de Latenay exprime un espace particulièrement frontal. En effet, l’étendue d’eau est composée d’une multitude de lignes convergeant vers un des cygnes, bien éloigné d’un hypothétique point de fuite. La ligne d’horizon est absente. La profondeur n’est finalement lisible que dans la forêt de lignes composée de bambous qui rétrécissent au fur et à mesure de l’éloignement. On peut mettre cette représentation en opposition avec un dessin d'André Masson pour le décor de l'opéra Wozzeck, qui lui ne trace pas de lignes de construction pour exprimer la profondeur, mais suggère l'espace par la différence de nuances, distinguant un sol d’un ciel, puis en dessinant des lignes de part et d’autre de ce qui ressemble à une route fuyant vers l’infini.
  • Dans sa planche destinée à Farouche à quatre feuilles, Maria Helena Vieira da Silva exprime la profondeur par un système de lignes semblant converger au centre de la composition. Les différents plans de l’espace suggéré sont recouverts par ces lignes. Mais une grande partie de celles-ci étant tracées à main levée, l’espace ainsi créé est instable et semble tourbillonner. On fera observer par les élèves, les différentes lignes et les effets produits sur la perception de l’espace. On pourra mettre en parallèle le travail de Peter Kogler, qui crée des perturbations visuelles de l’espace par une profusion des lignes. Murs, sol et plafond sont droits et bien réels : seules les lignes reproduites dessus donnent l’illusion d’un espace mouvant et instable, perturbant le regard, imitant des creux ou des reliefs là où ils n’existent pas. La présence d’un visiteur de l’exposition nous aide à percevoir cet espace et ses subtilités.
  • Dans la photographie du métro de Chicago par Nathan Lerner, le cadrage rapproché sur des éléments métalliques donnent à voir une composition aux limites de l’abstraction. Il sera intéressant d’amener les élèves à reconstruire l’espace par les indices laissés par l’artiste afin de réfléchir aux modalités de cadrage de leur propre photographie. Ainsi, la cage d’un escalier pourrait-elle devenir une symphonie de lignes rythmant l’espace de représentation. Les lignes qui composent l’espace réel des bâtiments deviennent des lignes géométriques pour entrer dans l’abstraction.
  • Robert Delaunay collectionne des photographies de la ville de nuit qui ne conservent que la trace géométrique et abstraite de quelques enseignes lumineuses. Les élèves pourraient avoir des démarches similaires à partir de la consigne formulée, en recouvrant certaines parties de leurs photographies pour ne garder que des éléments graphiques et géométriques.
  • Georges Rousse est un maître de la peinture d’illusion dans un espace réel. Son travail in situ transforme les espaces en une production visible uniquement d’un point de vue. Les élèves pourront, par suites d’observations, de réflexions et de tracés, chercher les indices pour comprendre la fabrication de l’œuvre.
  • Les vitraux de l’Abbatiale de Conques, réalisés par Pierre Soulages, permettent d’ouvrir d’autres questionnements sur la ligne et la perception de l’espace. Cette œuvre convie un nouveau matériaux : la lumière. Lumière, ligne, espace sont ici intimement liés pour rendre compte d’une spiritualité que l’on peut mettre en lien avec la citation de Michel Henri : « C’est parce que la ligne droite procède de la mise en jeu d’une force unique à laquelle rien ne s’oppose que son domaine est lyrique. Quand deux forces au contraire sont en présence et entrent en conflit, comme c’est le cas avec la courbe ou avec la ligne brisée, nous sommes dans le drame » (Voir l’invisible, sur Kandinsky, François Bourin, 1988, p. 92).

Pour pratiquer

Des questionnements pour problématiser

  • Comment le cadrage peut donner une dimension artistique à l’ordinaire et comment introduire des notions d’abstraction dans cette sélection ?

Incitation et proposition pédagogique : Mon point de vue sur le collège !

Dans les programmes (cycle 4) :

Production, utilisation et analyse des images de divers natures et statuts, fixes et mobiles (opérations plastiques, composition, cadrage, montage, point de vue…).

Dispositif :

Matériel :

  • Appareils photos numériques ou téléphones portables (autorisation préalable à demander).
  • Papiers calques colorés et/ou papier vitrail et/ou films plastiques colorés (récupération possible d’emballages alimentaires) et/ou crayons, pastels et feutres...

Organisation :

  1. Effectuer la visite de l’établissement (ou de la salle de classe) tout en « cadrant » quelques éléments avec les élèves en leur montrant comment isoler aisément un élément. Recherche d’un cadrage et point de vue singuliers.
  2. Réalisation de croquis de mémoire sur les éléments isolés. Verbalisation orale sur les productions et leurs observations. Mise en évidence d’un vocabulaire spécifique sur le cadrage et le point de vue. Retour sur le cadrage avec des prises de vue photographiques cette fois.
  3. Une fois les photographies imprimées, photocopiées en format A4, proposer aux élèves de : « concevoir un espace géométrique à partir des photographies tout en cherchant à déstabiliser le regard ». Ajout de lignes, graphismes, couleurs, filtres...