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Parcours pédagogique

La laïcité, ennemie des religions ?

Par Pascale Hellégouarc'h, maîtresse de conférence, Université Paris 13
10 min de lecture
École laïque contre école confessionnelle (1886)
En France la collusion a longtemps été totale entre pouvoir politique et pouvoir religieux. La loi de 1905 initiant la séparation entre l'Église et l'État distingue clairement le périmètre d'action de chacun. En restant à l'écart du fait religieux, l'état laïc garantit la liberté de penser et la liberté de culte dans le respect des lois : en ne favorisant aucune religion, il permet le respect de chacune. C'est l'un des fondements de la liberté de conscience et d'expression.
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En France, le roi tire son pouvoir de Dieu. Le sacre est le moment qui incarne cette monarchie de droit divin. L'étude de portraits royaux permet de souligner cette collusion entre pouvoirs politique et religieux. Deux exemples sont ici proposés : le sacre de Lothaire, roi des Francs (941-986), tel que vu par l'enlumineur Jean Fouquet. On y voit l'archevêque de Reims, en présence des douze pairs du royaume, qui portent les ornements et les insignes de la royauté.

Le second portrait est celui, quasi iconique, de Louis XIV par Hyacinthe Rigaud. Il permet de repérer les différents symboles de pouvoir (sceptre, couronne, main de justice, épée, manteau à fleurs de lys doublé d'hermine, ordre du Saint-Esprit, éperons). On pourra rappeler l'origine virginale de la fleur de lys et du bleu de France, tout comme le fait que ces regalias étaient conservés à Saint-Denis.

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Un contexte tendu

La loi de 1905 paraît dans un contexte houleux où les idéologies s’affrontent. Le groupe de documents iconographique permet de mettre en évidence les lignes de rupture nettes entre partisans et adversaires de la loi. Une carte postale représente ainsi l'expulsion d'une nonne hors d'une église, référence au régime d'exception qui touche désormais les congrégations religieuses. Une seconde carte postale dénonce l'accaparement des biens du clergé par l'État, ce que met également en scène la troisième carte postale, représentative de la « querelle des inventaires » qui eut lieu dans de nombreuses paroisses.

D’emblée, l’école se trouve au cœur des débats : l'illustration de Grandjouan publiée dans le journal L’Assiette au beurre le 19 mars 1904 montre un enfant démuni aux prises avec deux écoles – libre et laïque – également terrifiantes. La légende, « Choisis… tu es libre », témoigne du désarroi des contemporains dans un contexte bousculé : est-il déjà question de liberté de conscience ?

La relation s’est peu à peu apaisée au fil du siècle et au-delà des tensions, l’État assume sa mission de protection des lieux de culte, comme ce fut le cas après les attentats de janvier 2015 à Paris.

L'exploration des textes fondamentaux

En plaçant la religion en dehors de la sphère politique, la loi de 1905 est en accord avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789). Son premier article en pose le principe fondamental : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public. »

Le préambule de la Constitution de 1946 précise la Déclaration de 1789 : elle garantit à la femme des droits égaux à ceux de l’homme (article 3) et insiste sur la notion de droits et de libertés « sans distinction de race, de religion ni de croyance » ; le contexte historique, à la sortie de la seconde guerre mondiale, alors que les femmes viennent juste d'acquérir de haute lutte le droit de vote, explique largement ces nouvelles mentions.

L’article 13 de la Constitution de 1946 mentionne l’adjectif « laïque » pour évoquer l'enseignement, symbole d'un combat commencé dès avant la IIIe République. Il peut être mis en rapport avec les lois Ferry de 1881-1882 établissant la gratuité absolue de l’enseignement primaire dans les écoles publiques (16 juin 1881), son obligation et le contenu de cet enseignement (1882). La loi du 28 mars 1882 délimite clairement le périmètre de la religion et de l’État : l’article 1 définit le programme, dans lequel l’instruction religieuse est remplacée par « l’instruction morale et civique ». Pour autant, l’article 2 montre qu’il ne s’agit pas de supprimer la présence des cultes.

L’article premier de la Constitution de 1958 propose une définition de la France et de ses principes fondateurs : « une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Si la Constitution seùble claire, les débats perdurent notamment dans l’enseignement quant à la question des signes distinctifs. Le 27 novembre 1989, un avis du Conseil d’État ne pose pas comme incompatible le port de signes religieux et le principe de laïcité mais l’assortit de conditions. Quinze ans plus tard, la loi du 15 mars 2004 interdit « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ». Le terme « ostensible » apparaît déjà dans l’avis du Conseil d’État en 1989, dans le but d'éviter tout prosélytisme. Une distinction est faite entre secondaire et supérieur.

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Réflexion

Les religions ont longtemps été ennemies d’elles-mêmes, il suffit pour s’en convaincre de constater les horreurs commises au nom de Dieu. L’émergence du concept de laïcité apparaît comme l’héritage d’une défense de la liberté de penser contre la toute-puissance religieuse, à laquelle travaillent notamment Rabelais, Montesquieu, Locke, Rousseau... Des auteurs comme Voltaire, d’Alembert ou Condorcet ne mentionnent pas le terme « laïc » mais démontrent que les affaires religieuses renvoient à la conscience et à la raison individuelles et ne doivent pas se traduire par des règles collectives. Hugo l’affirmera clairement dans son discours du 14 janvier 1850 : « Je veux l'Église chez elle et l'État chez lui ».

L’éducation s’est souvent retrouvée au cœur des débats, comme l’annonce le rapport de Condorcet sur l’instruction publique le 20 avril 1792. Les élèves peuvent amorcer leur réflexion en s'intéressant aux manifestation de la laïcité dans leur établissement : règlement intérieur, affiches sur la laïcité, le nom donné au collège ou au lycée, devise éventuellement associée… Par la suite, le débat peut s'amorcer autour de la question : « cette laïcité est-elle une garantie ou une violence faite à la diversité religieuse des élèves ? ».

On mettra en valeur que au-delà des débats, et aussi par leur intermédiaire, la laïcité apparaît comme un facteur d’apaisement et un instrument de paix sociale (Alain Rey, Dictionnaire culturel). Étymologiquement, le terme « laïc » est lié à la religion et distingue l'homme commun de l'homme instruit religieusement. Au fil du temps, la notion est devenue en France une protection efficace contre les extrémismes religieux et les débordements antérieurs.Ce constat est-il le même ailleurs ? En Europe ? Dans le monde ?

Invention

Afin de s'approprier la notion de laïcité et son rapport avec la religion, on peut proposer aux élèves la réalisation d'une affiche sur le thème « La laïcité, amie des religions » pour montrer que la laïcité protège les religions, à partir de diverses sources d'inspirations. Cela peut aussi être l’occasion d’organiser des débats en classe ou au CDI, voire proposer d’organiser un concours d’affiches dans l’établissement.

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