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Extrait

Lettre de Titien aux Doges

Titien, Lettre adressée au très illustre conseil des Dix, 31 mai 1513
Il arrive que les artistes offrent leurs services. Ainsi, c’est avec une extrême déférence que Titien s’adresse aux Doges de Venise. Dans cette lettre, il annonce être prêt à renoncer à un salaire pour pouvoir peindre une toile dans la salle du Grand Conseil du Palais des Doges, en échange de certains avantages.

Prince sérénissime et Très Excellents Seigneurs, m’étant employé depuis mon enfance, moi, Tician de Cadore, à apprendre l’art de la peinture non tant par désir de gain que pour voir d’acquérir quelque réputation, et être compté au nombre de ceux qui dans le temps présent font profession de cet art. Et bien que j’aie été auparavant et même présentement recherché par Sa Sainteté le Pape et autres seigneurs d’aller les servir, désirant cependant, en très fidèle sujet que je suis de Votre Sublimité, laisser quelques souvenirs dans cette ville illustre, j’ai décidé de me charger de venir peindre dans le Grand Conseil et d’employer tout mon génie et mon esprit tant que je serai en vie, en commençant, s’il plait à Votre Sublimité, par la toile où se trouve cette bataille de la troupe vers la place qui est la plus difficile, si bien que personne, jusqu’à ce jour, n’a voulu soutenir une telle entreprise.

Excellents Seigneurs, je serai content de recevoir pour récompense de l’œuvre que je ferai la somme qui sera jugée convenable et même beaucoup moins. Mais comme, ainsi que je l’ai dit plus haut, je ne tiens qu’à mon honneur et à avoir les moyens de vivre, qu’il plaise à Votre Sublimité de daigner m’accorder à vie la première charge de courtier qui sera vacante dans le Fondaco dei Tedeschi, ainsi que d’autres commodités telles que les moyens, les avantages, les privilèges et les exemptions qu’a Messire Giovanni Bellini et que deux jeunes gens que je veux prendre avec moi pour m’aider soient payés par l’Office du sel, de même que les couleurs et toutes les autres choses nécessaires, comme cela fut accordé les mois précédents par l’illustre Conseil de Messire Bellini. Et je vous promets, Excellents Seigneurs, de faire cette œuvre et si rapidement et si excellemment que vous en serez contents. Sur quoi, je me recommande humblement à vous.

Titien, Lettre adressée au très illustre conseil des Dix, citée dans « Venise à la Renaissance », Textes et documents pour la classe, n° 584, 15 novembre 2009.
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