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Extrait

La Sorbonne, ennemie des langues

Clément Marot, Epître au Roi, du temps de son exil, 1535 (extrait, orthographe modernisée)
Suspecté d'avoir affiché des placards anticléricaux, Clément Marot s'exile à la cour de Renée de France, à Ferrare en 1534. Là, il compose une épître à destination de François Ier, dont il vante l'Académie, bien éloignée des frilosités de la Sorbonne.

Autant comme eux, sans cause qui soit bonne,
Me veut du mal l'ignorante Sorbonne :
Bien ignorante elle est d'être ennemie
De la trilingue et noble académie
Qu'as érigée. Il est tout manifeste
Que là dedans, conte ton veuil céleste,
Est défendu qu'on voise [aille] allégant
Hébreu ni grec, ni latin élégant,
Disant que c'est langage d'hérétique.
Ô pauvres gens, de savoir tout étiques !
Bien faites vrai ce proverbe courant :
Science n'a haineux que l'ignorant
Certes, ô Roi, si le profond des cœurs
On veut sonder de ces Sorbonniqueurs,
Trouvé sera que de toi ils se deulent [souffrent].
Comment, douloir ! mais que grand mal te veulent
Dont tu as fait les lettres et les Arts
Plus reluisants que du temps des Césars ;
Car leurs abus voit on en façon telle :
C'est toi qui as allumé la chandelle
Par qui maint œil voit mainte vérité
Qui sous épaisse et noire obscurité
A fait tant d'ans ici bas demeurance,
Et qu'il n'est rien plus obscur qu'ignorance ?

Clément Marot, Œuvres complètes, t. 1, Pierre Jannet (éd.), Paris : A. Lemerre, 1873-76, p. 214.
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