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Extrait

Intention de l’auteur

Crébillon fils, Les Égarements du cœur et de l’esprit, Préface, 1736

[…] ce livre n’étant que l’histoire de la vie privée, des travers et des retours d’un homme de condition, on sera peut-être d’autant plus tenté d’attribuer à des personnes aujourd’hui vivantes les portraits qui y sont répandus et les aventures qu’il contient, qu’on le pourra avec plus de facilité ; que nos mœurs y sont dépeintes, que Paris étant le lieu où se passe la scène, on ne sera point forcé de voyager dans des régions imaginaires, et que rien n’y est déguisé sous des noms et des usages barbares. À l’égard des peintures avantageuses qu’on y pourra trouver, je n’ai rien à dire : une femme vertueuse, un homme sensé, il semble que ce soient des êtres de raison qui ne ressemblent jamais à personne.
On verra dans ces mémoires un homme tel qu’ils sont presque tous dans une extrême jeunesse, simple d’abord et sans art, et ne connaissant pas encore le monde où il est obligé de vivre. La première et la seconde parties roulent sur cette ignorance et sur ses premières amours. C’est, dans les suivantes, un homme plein de fausses idées, et pétri de ridicules, et qui y est moins entraîné encore par lui-même, que par des personnes intéressées à lui corrompre le cœur, et l’esprit. On le verra enfin dans les dernières, rendu à lui-même, devoir toutes ses vertus à une femme estimable ; voilà quel est l’objet des Égarements de l’esprit et du cœur. Il s’en faut beaucoup qu’on ait prétendu montrer l’homme dans tous les désordres où le plongent les passions, l’amour seul préside ici ; ou si, de temps en temps, quelque autre motif s’y joint, c’est presque toujours lui qui le détermine.

Crébillon fils, Les Égarements du cœur et de l’esprit, Préface, Partie 1, Paris : Prault, 1736.
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