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Extrait

Souviens-toi de ta mère, une lettre de Mme Roland à sa fille

Lettre de Madame Roland à sa fille, 8 octobre 1793
Dans cette lettre écrite de Sainte-Pélagie, où elle est enfermée depuis cinq mois, Madame Roland fait à sa fille d'ultimes recommandations. Finalement jugée un mois plus tard par le tribunal révolutionnaire, elle est exécutée le jour même, le 8 novembre 1793.

Je ne sais, ma petite amie, s'il me sera donné de te voir ou de t'écrire encore. Souviens-toi de ta mère. Ce peu de mots renferment tout ce que je puis te dire de meilleur. Tu m'as vue heureuse par le soin de remplir mes devoirs et d'être utile à ceux qui souffrent. Il n'y a que cette manière de l'être.

Tu m'a vue paisible dans l'infortune et la captivité, parce que je n'avais pas de remords, et que j'avais le souvenir et la joie que laissent après elles de bonnes actions. Il n'y a que ces moyens non plus de supporter les maux de la vie et les vicissitudes du sort.

Peut-être, et je l'espère, tu n'es pas réservée à des épreuves semblables aux miennes ; mais il en est d'autres dont tu n'auras pas moins à te défendre. Une vie sévère et occupée est le premier préservatif de tous les périls, et la nécessité, autant que la sagesse, t'impose la loi de travailler sérieusement.

Sois digne de tes parents : ils te laissent de grands exemples ; et si tu sais en profiter, tu n'auras pas une inutile existence.

Adieu, enfant chérie, toi que j'ai nourrie de mon lait et que je voudrais pénétrer de tous mes sentiments. Un temps viendra où tu pourras juger de tout l'effort que je me fais en cet instant pour ne pas m'attendrir à ta douce image. Je te presse sur mon sein.

Adieu, mon Eudora.

Jeanne-Marie Roland de la Platière, Lettre XXIII, Mémoires de madame Roland, Paris : PlonPlon, 1905, p. 384-385.
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