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Extrait

Éloges et rivalités

Albrecht Dürer, Lettre à son ami Willibald Pirckheimer, 1506
Les lettres de Dürer montrent l’attractivité de Venise en la présentant comme une véritable plaque tournante de la production artistique où de nombreux étrangers se croisent. Elles mettent aussi en avant les rivalités qui existent alors entre les artistes, les méfiances et la compétition qui s’installe.

Venise, 7 février 1506
À l’honorable et sage seigneur Willibald Pirckheimer de Nuremberg, mon bon maître et ami. J’ai beaucoup de bons amis parmi les Italiens, qui me conseillent de ne pas manger ni boire avec leurs peintres. Beaucoup d’entre eux me sont hostiles et copient mes œuvres dans les églises et partout où ils peuvent en trouver. Après, ils les décrient et disent que ce n’est pas dans la manière antique, et, donc, que c’est mauvais. Mais Giovanni Bellini, lui, a fait grand éloge de moi, devant une nombreuse assistance de nobles. Il aurait bien aimé avoir quelque chose de moi, et il est venu lui-même chez moi, et m’a prié de lui faire quelque chose, il était prêt à le payer. Et tout le monde me dit que c’est un juste, de sorte qu’aussitôt j’ai de la sympathie pour lui. Il est très vieux et toujours le meilleur en peinture.

Venise, 8 septembre 1506
[Mon tableau] m’a valu bien des éloges, mais peu de profit. J’aimerais bien 200 ducats pour le temps passé, et j’y ai consacré un grand travail, pour pouvoir rentrer chez moi, et j’ai aussi convaincu tous les peintres, qui disaient qu’en gravure j’étais bon, mais qu’en peinture je ne savais pas m’en sortir avec les couleurs. Maintenant, tout le monde dit n’avoir jamais vu de plus belles couleurs.

Albrecht Dürer, Lettre à son ami Willibald Pirckheimer, traduction de Philippe Braunstein, dans Venise 1500, la puissance, la novation et la concorde : le triomphe du mythe, Autrement, 1993, coll. Mémoires.
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