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Focus

Les types d’images dans les manuscrits médiévaux

Histoire de Samson
Histoire de Samson

© Bibliothèque nationale de France

Le format de l'image est incompatible
Dans les manuscrits médiévaux, les images jouent des rôles et tiennent des places bien différenciées. Savez-vous lesquels ?

Le codex de parchemin a offert à l’illustration l’espace bien délimité de la page simple ou double, et des conditions de conservation bien supérieures à celles du rouleau où, de déroulements en enroulements, la peinture finissait par s’écailler.

L’image remplit trois fonctions essentielles : ornementation, illustration et information, selon ses rapports avec le texte. L’ornementation (initiales ornées, décoration dans les marges) n’a souvent rien à voir avec le contenu du texte : elle est là pour mettre en valeur le livre et servir de repères de lecture ; elle reflète les tendances artistiques du moment. L’illustration met simplement le texte en images ; informative, elle va plus loin, complétant le texte ou montrant ce qu’il ne dit pas.

Déjà, dans les rouleaux grecs, des dessins insérés directement dans les colonnes d’écriture venaient éclairer les textes scientifiques. On retrouve ce procédé exactement transplanté dans les codex anciens, où l’image, totalement dépendante de l’écrit, interrompt la colonne précisément au contact du passage concerné. Ce type d’illustration a perduré avec quelques variantes allant dans le sens d’une séparation plus nette de l’image et du texte : encadrement qui isole l’image dont le fond s’enrichit de motifs architecturaux ou de paysages, élargissement du cadre jusqu’aux marges, en bandeau au-dessus des colonnes de texte.

Panneau historié

Renaut de Montauban ou les Quatre Fils Aymon
Renaut de Montauban ou les Quatre Fils Aymon |

© Bibliothèque nationale de France

Parfois, les images encadrées sont disposées les unes en dessous des autres et se partagent la surface de la page dans le sens de la hauteur : une colonne illustrée face à une colonne écrite ; c’est la mise en pages des bibles moralisées, où la part du texte peut être très réduite. Il arrive aussi, surtout à partir du 14e siècle, que les images se transforment en un panneau historié surmontant une initiale ornée : c’est alors une petite scène qui ouvre une section du texte (un livre de la Bible, un chapitre de roman...) et illustre toute une partie du récit ; elle sert en même temps de repère.

Scène de dédicace

Évangiles, dits de l’église du Mans
Évangiles, dits de l’église du Mans |

© Bibliothèque nationale de France

Lorsqu’elle se déploie en registres superposés ou juxtaposés, la peinture occupe la page entière. L’illustration pleine page, habituelle dans les anciens manuscrits, consistait le plus souvent en un portrait de l’auteur ou du commanditaire, lequel était généralement représenté recevant l’ouvrage des mains de son auteur. Ce type de scène s’enrichit de personnages secondaires (scribes écrivant sous la dictée, disciples ou adversaires en discussion avec l’auteur...) et se charge d’éléments de décor, informant plus sur les circonstances de la réalisation du livre que sur le texte lui-même.

Dans les manuscrits de luxe des 14e et 15e siècles, offerts aux souverains ou aux riches seigneurs, la scène de dédicace, qui occupe quelquefois une double page, est très élaborée et se présente comme un véritable tableau avec de nombreux personnages ; elle renseigne alors sur la vie de l’époque.

Enluminure

Le Christ comparaissant devant Ponce Pilate
Le Christ comparaissant devant Ponce Pilate |

Bibliothèque nationale de France

Le regroupement des copistes, miniaturistes, enlumineurs en ateliers laïques favorise la production de manuscrits enluminés. Une concurrence s’établit entre eux, stimulée par les mécènes, et les entraîne dans une course à l’innovation qui se nourrit des progrès de la technique picturale. Les livres d’heures, livres de prières et de liturgie au décor personnalisé, que se font fabriquer seigneurs et bourgeois à la fin du Moyen Âge, constituent un champ d’expérimentation privilégié pour l’iconographie. En même temps qu’ils reproduisent les modèles traditionnels, les artistes introduisent des images nouvelles venant surtout de la Renaissance italienne. L’espace du décor s’approfondit dans des effets de perspective amenant de nouvelles compositions dans la figuration de paysages, d’architectures ou de scènes d’intérieur. L’art du portrait, la recherche de vérité dans la reproduction de l’environnement comme dans les vêtements des personnages, la tendance des illustrateurs à insérer des images exprimant les préoccupations du moment, apportent à l’illustration une grande richesse esthétique et documentaire. Lorsque arrive l’imprimerie, l’image a conquis son autonomie jusqu’à parfois raconter une autre histoire que celle du texte.

Lettre ornée

Sacramentaire de Limoges
Sacramentaire de Limoges |

© Bibliothèque nationale de France

Les premiers exemples de lettres ornées remontent au 6e siècle, mais c’est à partir du 10e que l’ornementation des manuscrits devient une pratique courante chez les copistes. L’initiale ornée est une lettre qui a reçu un format, une coloration et un décor destinés à la distinguer des autres lettres ; elle a une double fonction : ornementale et signalétique.

Orner la page est tout d’abord une manière de rendre hommage ou de satisfaire le propriétaire du livre devenu aussi son lecteur. Les manuscrits à usage privé font en effet peu à peu leur apparition et, à partir du 13e siècle, de nouveaux publics apparaissent : châtelains, juges, notaires ou artisans se font confectionner des livres. Auparavant, la pratique antique qui voulait que les textes, écrits sans séparer les mots, fussent lus à haute voix par des esclaves entraînés à cet exercice, ne s’embarrassait pas d’ornements.

La lettre ornée est aussi destinée à être un repère et un guide pour le lecteur ; elle signale les articulations du texte : le décor, le format et la couleur doivent la faire ressortir afin qu’elle soit immédiatement perceptible à l’œil du lecteur. La taille et la richesse du décor varient en fonction de la place de la lettre dans le texte (tête de chapitre ou de paragraphe secondaire) et du contenu du texte même. En général, la lettre ornée coïncide avec l’initiale de chaque section significative.

Il serait difficile de répertorier les différents types de lettres ornées car les modes changent selon les lieux et les époques. À l’extraordinaire liberté de l’époque romane, où chaque scriptorium, voire chaque enlumineur, propose ses propres créations, succède, à partir du 13e siècle, une certaine standardisation imposée par la demande croissante de fabrication de manuscrits. Les formes et les couleurs sont plus sobres et les motifs fantaisistes pouvant gêner la lisibilité (animaux, végétaux) se raréfient.

Initiale historiée

Initiale de Beatus
Initiale de Beatus |

Bibliothèque nationale de France

Plus tardive que la lettre ornée, la lettre historiée est l’aspect le plus original de la mise en page de l’illustration au Moyen Âge. Elle opère une association intime de l’écrit et de l’image en intégrant celle-ci dans l’écriture même du texte : mise en scène d’une histoire à l’intérieur d’une lettre, qui sert elle-même de décor à une autre mise en scène du texte qui est la page. La lettre sert de cadre de présentation à l’histoire, en écho au texte situé sur la même page, ou au texte qu’elle introduit et qui se déroulera dans les pages suivantes.
Ainsi, l’initiale historiée n’est pas une redondance imagée des premières phrases mais un résumé illustré du début ou de l’ensemble de l’histoire. Elle peut aussi délivrer un message comme dans le S de Sanctus où l’on voit apparaître des hommes au travail : c’est la sanctification par le travail !