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Focus

Représentation médiévale des paysans

La viticulture
La viticulture

© Bibliothèque nationale de France

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De l’environnement rural, l’iconographie rend mal compte. Dans un univers essentiellement religieux, le paysan n’apparaît en effet que comme symbole : il s’intègre au monde biblique, à la création de Dieu. Ses travaux rythment un temps éternel. Femmes et enfants ont peu de place dans cette représentation symbolique.

Les bibles

Tout d’abord, de nombreux épisodes bibliques en relation avec la vie des champs ou l’élevage sont sans cesse repris, aussi bien dans l’art monumental que dans les miniatures. Adam n’a-t-il pas été condamné à cultiver la terre après le péché originel ? Les vies de Noé, d’Abraham, de Lot ou de David, par exemple, font allusion à diverses activités rurales, tout comme nombre de paraboles du Nouveau Testament.

Comment Moïse gardait les brebis et vit le buisson ardent
Comment Moïse gardait les brebis et vit le buisson ardent |

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Les calendriers

Le thème iconographique du calendrier permet aussi la représentation de différents travaux qui incombent aux paysans au cours de l’année agricole. Connus dès l’Athènes hellénistique où les mois sont représentés par des fêtes religieuses, les cycles des mois gagnèrent l’Empire romain et y bénéficièrent d’une faveur certaine. Or, à l’époque carolingienne, le thème du calendrier est repris et, dans plusieurs manuscrits enluminés au 9e siècle, des personnages isolés effectuent des tâches agraires ou présentent des outils. Aux 12e et 13e siècles, les mois figurent des paysans en pleine action et s’intègrent à la décoration des églises, tandis que quelques calendriers ornent, dès le 12e siècle, plusieurs livres liturgiques. Si, aux 14e et 15e siècles, les travaux des mois ne s’inscrivent plus que sur quelques bâtiments profanes, ils ornent de très nombreux livres de prières. En s’emparant d’un thème païen déjà fixé par l’Antiquité gréco-romaine, l’Église et les théologiens ont conféré à ces images un sens nouveau : l’homme, à la suite d’Adam et Ève, subit le travail comme un châtiment et un moyen de se racheter.

Mois de juillet : les moissons
Mois de juillet : les moissons |

Bibliothèque nationale de France

Les moissons
Les moissons |

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Les traités d’agronomie

Par ailleurs, durant tout le Moyen Âge, des ouvrages scientifiques sont maintes fois copiés et souvent enluminés. Ainsi, les traités des agronomes antiques tels Caton, Varron, Pline l’Ancien ou Palladius, abondamment repris, sont illustrés de miniatures ayant trait au monde rural. À partir du 13e siècle, les textes sur l’agronomie se multiplient, mais ce n’est qu’au début du 14e siècle qu’ils sont décorés. On recense par exemple vingt-six copies enluminées de l’Opus ruralium commodorum rédigé vers 1305 par le juriste bolonais Pierre de Crescens. Ce traité se situe à mi-chemin entre les compilations à partir de la tradition latine et l’observation originale. Il décrit en douze chapitres la conduite d’un domaine modèle et les divers secteurs de l’agriculture. De nombreuses traductions de ce texte sont réalisées durant le Moyen Âge et le roi Charles V fait établir, en 1373, une version française connue sous le nom de Rustican ou Le livre des profits champêtres.

L’élevage
L’élevage |

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Les livres de chasse

Au 14e siècle, le Livre de chasse de Gaston Phébus et le Livre du roi Modus et de la reine Ratio, ouvrage moralisé composé par Henri de Ferrière, ne manquent pas de figurer la vie paysanne, avec villages, fermes et granges, champs et meules de foin, charrettes et chemins, clos de vigne… Les paysans y jouent soit un rôle technique (traque des lapins et protection des cultures), soit un rôle symbolique (ils sont les acteurs des psychomachies, c’est-à-dire le combat des vices et des vertus).

La chasse au lièvre
La chasse au lièvre |

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Les herbiers et livres de médecine

Dès le IXe siècle, sous l’influence de la civilisation arabe, des herbiers sont diffusés en Occident ; à partir du 12e, certains d’entre eux s’intéressent à la récolte des plantes ou aux soins que leur culture exige. De même, quelques écrits sur l’hygiène figurent avec précision les différents produits recommandés à qui se soucie de sa santé. Ainsi, les exemplaires des 14e et 15e siècles du Tacuinum sanitatis, composé au 11e par un médecin de Bagdad, Albucasis, décrivent en deux cent quatre-vingts articles les animaux et les végétaux qui concourent à une alimentation saine.

Également, des textes sur la médecine, comme le Circa instans du Salernitain Platearius, écrit au 12e siècle, constituent en fait un dictionnaire de la pharmacopée contemporaine qui indique les différentes espèces cultivées au Moyen Âge. Enfin, à partir du 13e siècle, les encyclopédies abondent, ainsi que leurs traductions et les copies enluminées. Par exemple le De natura rerum de Thomas de Cantimpré, le De proprietatibus rerum de Barthélemy l’Anglais ou plus tard le Das Buch der Natur de Conrad de Megenberg fournissent un état des connaissances de l’époque, notamment sur les espèces animales et végétales.

La récolte du froment
La récolte du froment |

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Les ouvrages juridiques

Plusieurs œuvres juridiques contiennent, dans leurs enluminures, des références à la vie rurale. Par exemple certains terriers ou rentiers, comme le Vieil Rentier d’Audenarde, peignent le paysan dans ses tâches quotidiennes. Enfin, à partir du 13e mais surtout aux 14e et 15e siècles, les ouvrages profanes commencent à foisonner ; si leur sujet n’est pas directement l’agriculture, les références à cette activité sont multiples. Par exemple dans L’Épître d’Othéa de Christine de Pisan, Bacchus préside aux vendanges, tandis que Cérès laboure un champ dans le Livre des cleres et nobles femmes de Boccace. De leur côté, les recueils de proverbes qui, dès le 12e siècle, connaissent une grande faveur, mettent en scène le "vilain" dans sa vie laborieuse et domestique.