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La chasse au cerf : le bien-aller

Livre de chasse
La chasse au cerf : le bien-aller
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Cette page enluminée fait partie du chapitre 39 du Livre de la chasse, intitulé « De l’instruction du veneur ». Le texte de ce chapitre décrit dans le détail comment le valet doit manœuvrer son limier pour que celui-ci détecte le cerf puis le débusque de son lit, et comment il doit ensuite sonner du cor pour que la meute des chiens se lance à sa poursuite.

« Comment le bon veneur doit chasser et prendre le cerf avec force

Le veneur doit avoir de gros houseaux de cuir épais pour le préserver des épines et des ronces des bois, et il doit être vêtu de vert en été pour le cerf, et pour le sanglier, en hiver, de gris, porter le cor au col, l’épée au flanc, et le couteau à dépecer de l’autre côté. Il doit être bien monté de trois grands chevaux et tenir de sa main gantée l’estortoire, qui est une baguette de deux pieds et demi de long [...].

Premièrement, quand le veneur partira de l’assemblée, comme j’ai dit plus haut, il doit dire où les lévriers iront, et les défenses, et ceux qui tiendront les relais. [...] Trois lévriers constituent une vraie laisse delévriers ; chacune est gardée par un valet. [...] Toutefois on les peut bien tenir de deux en deux pour former plus de laisses au titre. Et l’on doit mettre deux ou trois chevaucheurs qu’on doit appeler fortitreurs, à l’entrée du titre, au bout des premières laisses, afin que, si un cerf venait et se voulait fortitrer hors du lieu où se tiennent les lévriers, ceux qui sont à cheval le puissent crier et bouter parmi les lévriers. [...]
On peut s’aider des lévriers dans le cas où, comme je l’ai dit, le cerf s’enfuit dans les grossesrivières ; et quand on veut les essayer et les voir courir ou les dresser en leur donnant de lachair ; et aussi pour offrir un beau divertissement à dames ou seigneurs étrangers qui ne voudraient guère chasser à courre. Et ainsi le divertissement sera plus court en mauvais pays où l’on ne peut prendre la bête à force, ni bien chevaucher derrière ses chiens. Aussi le veneur doit-il mettre les défenses là où il ne veut pas que la bête s’enfuie. [...]

Toutefois, en fort ou en clair, suivant le monde dont on dispose, on doit les rapprocher le plus possible, car il arrive souvent que malgré toutes ces précautions les cerfs forcent le passage. Et les hommes des défenses, sans écouter les chiens, doivent se parler haut l’un à l’autre, dès qu’ils seront postés, mais sans se rassembler et en gardant chacun leur place. [...]

Aussi le veneur doit-il confier les relais à des valetsexpérimentés ; car il arrivera qu’un cerf passe devant celui qui tient les relais. [...] Puis quand le veneur aura tout ordonné, il doit aller laisser courre et quand lui-même ou l’un de ses compagnons aura laissé courre le cerf, il ne doit pas trop hâter ses chiens au commencement, ni les échauffer, ni chevaucher trop près d’eux, car ils sont assez chauds et ardents au sortir des couples, mais on doit leur laisser prendre la chasse [...].
Et chaque fois qu’il sera en requête, il doit parler à ses chiens du plus beau et plus gracieux langage qu’il peut, ce qui serait trop long à dire dans le détail. [...] Et s’il arrivait que les chiens abandonnent et refusent de poursuivre, ou ne le puissent à cause de la chaleur ou de la course, ou parce qu’ils sont mauvais, le veneur ne doit pas les laisser en cet état, mais, jetant ses brisées où il en aura vu par le pied ou à l’endroit jusqu’où les chiens auront chassé, il doit les amener à un ruisseau pour boire et se rafraîchir. Et il doit porter à l’arçon de sa selle au moins deux pains dont il donnera à chaque chien un ou deux morceaux, selon lecas ; et c’est un bon moyen pour reprendre et ramener ses chiens à l’hôtel [...]

Et il doit corner requête de temps à autre, comme j’ai dit, pour faire venir les valets de chiens et les relais, veneurs et aides et autres gens du métier. [...] Puis il doit retourner à ses brisées et encourager ses chiens et les mettre à la besogne, car ils devraient dresser le cerf tant à cause de la fraîcheur du soir et de l’humidité de la terre que parce qu’ils sont reposés et que le pain qu’ils auront mangé leur aura fait revenir le coeur et la volonté. Et s’ils le dressent, qu’il le chasse jusqu’à la nuit. Et quand il fera nuit, il doit reprendre ses chiens et demeurer le plus près qu’il pourra et faire sesbrisées ; et le lendemain, dès qu’il fera plein jour, il doit retourner à ses brisées et requérir son cerf, car j’ai vu prendre bien des cerfs le lendemain du jour qu’on les avait manqués. Et si les limiers ou relais sont venus au son du cor, ils le dresseront d’autant mieux, car ils ne sont pas si las que les autres qui ont chassé tout le jour. [...] »

© Bibliothèque nationale de France

  • Date
    15e siècle
  • Lieu
    France, Paris
  • Auteur(es)
    Gaston Phébus, auteur
  • Description technique
    Peinture et or sur parchemin, 35,7 x 25 cm
  • Provenance

    BnF, Département des Manuscrits, Français 616, fol. 77r

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm207200659p