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Faust dans son cabinet

Illustrations du Faust de Goethe par Eugène Delacroix
Faust dans son cabinet
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Désespérant d'atteindre la vérité malgré son savoir, Faust songe au suicide dans un long monologue. Delacroix n'en retient qu'un vers : « Pauvre crâne vide, que me veux-tu dire avec ton grincement hideux ? » Le crâne est posé en pleine lumière, sur les livres, éclairé par la lueur d'une chandelle. Faust le contemple, la jambe négligemment appuyée sur le tabouret. Face à lui, le savant est frère d'Hamlet, l'autre grande figure du romantisme.
Les « remarques » esquissées dans la marge sont des essais purement graphiques. Ils seront effacés dans la version définitive de l'estampe.

Texte de Goethe traduit par Gérard de Nerval

Faust (seul) : Comme toute espérance n'abandonne jamais une pauvre tête ! Celui-ci ne s'attache qu'à des bagatelles, sa main avide creuse la terre pour chercher des trésors ; mais qu'il trouve un vermisseau, et le voilà content.
Comment la voix d'un tel homme a-t-elle osé retentir en ces lieux, où le souffle de l'esprit vient de m'environner ! Cependant, hélas ! je te remercie pour cette fois, ô le plus misérable des enfants de la terre ! Tu m'arraches au désespoir qui allait dévorer ma raison. Ah ! l'apparition était si gigantesque, que dus vraiment me sentir comme un nain vis-à-vis d'elle [...] Je n'égale pas Dieu ! Je le sens trop profondément ; je ne ressemble qu'au ver, habitant de la poussière, au ver, que le pied du voyageur écrase et ensevelit pendant qu'il y cherche une nourriture.
N'est-ce donc point la poussière même, tout ce que cette haute muraille me conserve sur cent tablettes ? toute cette friperie dont les bagatelles m'enchaînent à ce monde de vers ? ... Dois-je trouver ici ce qui me manque ? Il me faudra peut-être lire dans ces milliers de volumes, pour y voir que les hommes se sont tourmentés sur tout, et que çà et là un heureux s'est montré sur la terre ! – ô toi, pauvre crâne vide, pourquoi sembles-tu m'adresser ton ricanement ? Est-ce pour me dire qu'il a été un temps où ton cerveau fut, comme le mien rempli d'idées confuses ? qu'il chercha le grand jour, et qu'au milieu d'un triste crépuscule il erra misérablement dans la recherche de vérité ? Est-ce pour me dire qu'il a été un temps où ton cerveau fut, comme le mien, rempli d'idées confuses ? qu'il chercha le grand jour, et qu'au milieu d'un triste crépuscule il erra misérablement dans la recherche de la vérité ? Instruments que je vois ici, vous semblez me narguer avec toutes vos roues, vos dents, vos anses et vos cylindres ! J'étais à la porte, et vous deviez me servir de clef. Vous êtes, il est vrai, plus hérissés qu'une clef ; mais vous ne levez pas les verrous. Mystérieuse au grand jour, la nature ne se laisse point dévoiler, et il n'est ni levier ni machine qui puisse la contraindre à faire voir à mon esprit ce qu'elle a résolu de lui cacher. Si tout ce vieil attirail, qui jamais ne me fut utile se trouve ici, c'est que mon père l'y rassembla. Poulie antique, la sombre lampe de mon pupitre t'a longtemps noircie ! Ah ! j'aurais mieux fait de dissiper le peu qui m'est resté, que d'en embarrasser mes veilles ! – Ce que tu as hérité de ton père, acquiers-le pour le posséder . Ce qui ne sert point est un pesant fardeau, mais ce que l'esprit peut créer en un instant, voilà ce qui est utile ! [...] Pourquoi donc mon regard s'élève-t-il toujours vers ce lieu ? Ce petit flacon a-t-il pour les yeux un attrait magnétique ? [...] Je te salue, fiole solitaire que je saisis avec un pieux respect ! en toi, j'honore l'esprit de l'homme et son industrie. Remplie d'un extrait des sucs les plus doux, favorables au sommeil, tu contiens aussi toutes les forces qui donnent la mort ; accorde tes faveurs à celui qui te possède ! Je te vois, et ma douleur s'apaise ; je te saisis, et mon agitation diminue, et la tempête de ton esprit se calme peu à peu ! Je me sens entraîné dans le vaste Océan, le miroir des eaux marines se déroule silencieusement à mes pieds, un nouveau jour se lève au loin sur les plages inconnues [...]
Voici une liqueur que je dois boire pieusement, elle te remplit de ses flots noirâtres ; je l'ai préparée, je l'ai choisie, elle sera ma boisson dernière, et je la consacre avec toute mon âme, comme libation solennelle, à l'aurore d'un jour plus beau. (Il porte la coupe à sa bouche. Son des cloches et chants des chœurs.)

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1827
  • Lieu
    Paris
  • Auteur(es)
    Eugène Delacroix (1798-1863), lithographe
  • Description technique
    Lithographie, 43,2 x 31,1 cm (feuillet)
  • Provenance

    BnF, département des Estampes et de la Photographie, RESERVE DC-183 (N, 3)-FOL

  • Lien permanent
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