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La blanche Caroline

Une vieille maîtresse
La blanche Caroline
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Illustration de Félix Buhot pour Une vieille maîtresse de Barbey d’Aurevilly : la blanche Caroline.

Des matelots racontent la légende de la « blanche Caroline », un fantôme qui hante la région de Carteret, en Normandie, suite à un naufrage. Ce fantôme blanc annonce la scène où Hermangarde, après avoir vu les ébats de son mari et de la Vellini, traverse la région de nuit, tel un spectre.

«  Ah ! la Caroline ! ma gentille dame, —  dit l’ancien matelot de Suffren, mettant magistralement les mains dans les poches de son paletot de molleton bleu usé et se balançant sur ses jambes, arquées en pinces de homard, comme s’il avait senti le roulis de la mer sous ses pieds, — la Caroline ! c’était un brick de guerre, comme celui-ci, qui relâcha, il y a bien longtemps, dans notre havre. […] Ce brick sortait des mers du Nord et était Danois. II y avait à bord une fillette que j’ai vue deux fois avec les officiers à l’auberge du Marsouin qui fume au haut de la rue de Carteret, où ils venaient faire leurs sabbats de rhum et d’eau-de-vie et de cartes à jouer, pendant qu’on réparait les avaries de ce pauvre brick, à la même place que celui-ci. […] Je la vois toujours, figurez-vous, ma belle dame, une enfant de seize ans, délicate comme une perle fine, et blanche comme un albatros ; un chef-d’œuvre du bon Dieu, quoi ! […]
 Ah ! quelle horreur ! — fit madame de Marigny révoltée. — Et à quel endroit de la côte ont-ils, les monstres ! enterré cette malheureuse jeune fille ?
 C’est ce qu'on ignore, dit le père Griffon. Cette nuit-là, les douaniers dirent qu’ils n’avaient rien entendu ni rien vu dans les  grèves, mais si de pauvres gens y avaient caché un ballot de contrebande, les sacrés gabelous seraient bien sortis de leurs maudits trous de blaireau ! Moi et bien d’autres que moi, nous avons longtemps cherché la place où ils l’avaient ensablée. Nous n’avons jamais pu rien découvrir. Voilà pourquoi, dit monsieur le Curé, elle revient, à certaines époques de l’année, demander une tombe en terre sainte. Pour ce qui est du brick qui s’appelait comme elle, il mit à la voile et partit par la marée du lendemain. On n’en a jamais entendu parler. »

Barbey d'Aurevilly, Une vieille maîtresse.

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1874
  • Auteur(es)
    Félix Buhot (1847-1898), graveur
  • Provenance

    BnF, département des Estampes et de la photographie, EF-415 (D, 2)-FOL

  • Lien permanent
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