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Les sangliers

Gaston Phébus, Livre de chasse
Les sangliers
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Du sanglier et de toute sa nature

« Le sanglier est assez commune bête, aussi n’y a-t-il pas lieu de le décrire, car il y a peu de gens qui n’en aient vu. C’est la bête du monde qui a les plus fortes armes et qui tuerait le plus tôt un homme ou une bête [...].

Ils vont en leur amour aux truies environ la Saint-André et leur grande chaleur dure trois semaines et, bien que les truies soient refroidies, le sanglier ne se retrait pas d’elles, comme fait l’ours, mais il demeure en leur compagnie et se joint à elles, et ils vivent ensemble jusqu’après l’épiphanie. Et alors ils se séparent des truies et vont prendre leurs buissons et quérir leur vie tout seuls et tout seuls demeurent jusqu’à la fin de l’année où ils vont aux truies, et alors on les appelle hôtes [...]. Parfois un grand sanglier a bien un autre sanglier avec lui, mais c’est rare. Ils naissent en mars et une fois l’an vont en amour. Et peu de truies portent deux fois l’an, surtout les sauvages, mais j’en ai bien vu.

Ils vont parfois bien loin à leurs mangeures et se relèvent pour aller à leur mangeure entre nuit etjour ; et ils s’en reviennent à leur gîte, avant qu’il soit jour [...]. Ils mangent tous fruits et tous blés, et quand tout cela leur fait défaut, ils fouillent du bout du museau, qu’ils ont très fort, bien profondément dans la terre, pour quérir les racines de la fougère et de l’asperge et d’autres encore dont ils ont le vent sous laterre ; c’est pourquoi j’ai dit qu’ils ont très grand vent. Ils vermillent et mangent toutes vermines et toutes charognes et ordures. [...]

Quand on les chasse, ils se font volontiers aboyer au partir du lit, pour l’orgueil qu’ils ont, et courent sus aux chiens et certains même aux hommes. Mais, quand il est échauffé ou courroucé ou blessé, le sanglier court sus à tout ce qu’il voit devant lui. Il demeure au plus fort bois et au plus épais qu’il peut trouver, et fuit par le couvert et le fort, car il ne voudrait pas qu’on le vît, parce qu’il ne se fie point à sa fuite, mais à sa défense et à ses armes, et il s’arrête souvent et se fait souvent aboyer. [...]
Ils ont quatre dents : deux en la barre de dessus et deux en la barre dedessous ; je ne parle pas des petites qui sont comme celles d’un autre porc. Les dents de dessus ne lui servent à rien qu’à aiguiser celles de dessous et à les rendretranchantes ; et celles de dessous s’appellent les armes ou limes du sanglier, avec quoi il fait le mal. Celles de dessus s’appellent grès, car elles ne servent qu’à ce que j’ai dit. [...]
C’est tout au plus si un sanglier vit vingt ans. Il ne change jamais ses dents ni ne les perd, si ce n’est par suite d’un coup. [...] »

© Bibliothèque nationale de France

  • Date
    15e siècle
  • Lieu
    France, Paris
  • Auteur(es)
    Gaston Phébus, auteur
  • Description technique
    Peinture et or sur parchemin
  • Provenance

    BnF, Département des Manuscrits, Français 616, fol. 29v

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm207200666w