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Sous la vague au large de Kanagawa

Les « Trente-six vues du mont Fuji » (Fuji sanjûrokkei), 1re vue
Sous la vague au large de Kanagawa
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La découverte du Japon représente une véritable révolution pour l’art occidental. Cette estampe, emblématique de l’art japonais, ouvre la série des Trente-six vues du mont Fuji. Hokusai fascine par sa liberté de trait. Ses vues du mont Fuji inspirent certainement les séries de Monet. Parmi celles-ci, La Grande Vague connaît un succès extraordinaire.

Dans cette vue, Hokusai utilise avec habileté les techniques européennes pour rendre l’illusion spatiale ; il introduit les principes de la perspective occidentale. Ainsi, sa fameuse Vague apparaît en gros plan, alors que le volcan figuré minuscule à l’horizon est largement subordonné à la scène, où des pêcheurs risquent de sombrer dans une mer déchaînée. La composition met en valeur le contraste entre la force de la nature et la fragilité de la vie humaine face à la puissance destructrice la nature. Cette idée est exprimée par la vulnérabilité des embarcations et le déferlement de la vague immense. La sombre ligne de partage entre la mer et le ciel souligne l’opposition entre les forces obscures et terrestres d’un côté, célestes et lumineuses de l’autre, symbole du yin et du yang.

Hokusai fixe ici moment éphémère, soit un phénomène naturel très bref. Cette représentation d’un instantané, d’une impression éphémère est caractéristique de l’ukiyo-e, « images d’un monde éphémèreet flottant ». Cette estampe donne même une vision littérale de ce terme et en constitue une métaphore : Hokusai saisit l’instant même où la vague gigantesque, écumante, menace de déferler sur les embarcations et d’engloutir les vulnérables pêcheurs, dont l’existence éphémère est soumise au bon vouloir de la nature.

Les orientations du bouddhisme – axées sur le caractère éphémère des choses – et celles du shintoïsme – dirigées vers la toute-puissance de la nature – sont visibles dans cette estampe et lui confèrent une forte dimension spirituelle.

L’art occidental a manifestement aussi influencé Hokusai. En plaçant la vague au premier plan – et non le mont Fuji – et en se situant lui-même au cœur de l’action, il fait, là, preuve d’innovation.

Le thème de la « grande vague » a parallèlement inspiré les peintres impressionnistes ou un compositeur comme Claude Debussy, qui la fera reproduire sur la couverture de sa célèbre symphonie, La Mer.

Dans la première moitié du 19e siècle, l’estampe japonaise, confrontée à une production de masse et à une grande demande, décline. Un genre nouveau apparaît, qui va lui insuffler un nouvel élan : le thème du paysage. Le paysage qui, jusque-là, n’avait été vu que comme décor ou évoqué par de simples éléments comme des branches d’arbres en fleurs ou une rivière bordée d’iris, devient un genre à part entière, traité pour lui-même, même s’il comporte quelques personnages parfois. Deux artistes de génie vont exploiter ce thème : Hokusai, puis Hiroshige. Une couleur facilitera ces réalisations : le bleu de Prusse, qui arrive d’Occident par l’intermédiaire des Hollandais, détenteurs d’un comptoir commercial à Nagasaki et seuls alors à commercer avec le Japon. Ce bleu de Prusse convient évidemment très bien à la nature de l’archipel concentré essentiellement entre mer, ciel et montagnes. Les paysagistes vont en user et même en abuser, allant jusqu’à imprégner de bleu, les arbres ou les oiseaux.

Hokusai dessine les Trente-six vues du Mont Fuji, le Mont Fuji vu sous tous ses aspects, par tous les temps et selon des points de vue très différents. Il rejoint en cela les images du monde flottant, du monde qui change sans arrêt, du temps qui passe, de ce monde mouvant qui varie selon les intempéries et les angles de vue.
La première planche de cette série de trente-six vues, La Vague au large de Tanagawa, connaît un succès surprenant, non seulement au Japon, mais également en Occident. Cette vague qui déferle sur les barques de pécheurs représente la puissance des éléments sur l’être humain. Le Fuji est figuré à une très petite échelle dans cette estampe, à l’horizon, tandis qu’au premier plan, une crête de vague immense s’impose et reprend la forme du volcan. Au fond, Hokusai crée la profondeur en jouant du premier et du dernier plan de l’estampe et de ce qui représente pour lui l’horizon. C’est une perspective illusionniste, qui est loin d’être celle de la perspective occidentale.

© Bibliothèque nationale de France

  • Date
    Vers 1829 - 1834
  • Auteur(es)
    Hokusai Katsushika (1760-1849), dessinateur du modèle
  • Description technique
    Série de 46 planches, 36 estampes à cerne bleu et 10 planches supplémentaires à contour noir
    248 x 370 mm
    Signatures (variables d’une planche à l’autre) : « Hokusai aratame litsu hitsu » / « zen Hokusai litsu hitsu» / « Hokusai litsu hitsu » / « zen saki no Hokusai litsu hitsu »
    Inscriptions : titre de la série, suivi du titre de l’estampe dans un cartouche rectangulaire, dans la partie supérieure, tantôt à droite, tantôt à gauche
    Éditeur : Eijudô (Nishimuraya Yohachi)
    Cachet de censure : kiwame. Certaines épreuves ne portent ni le sceau de l’éditeur, ni celui du censeur
    Nishiki-e ; format ôban yoko-e (horizontal), soit environ 250 x 380 mm avec les marges
  • Provenance

    BnF, département des Estampes et de la Photographie, RESERVE DE-10

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm131200377z