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L’essentiel de la fabrication de l’encre

« Un ouvrier prend le bâton d’encre avec une pince de fer, le place sur une enclume et le bat avec un marteau ; après deux cents coups environ, la couleur mate de la pâte devient brillante ; après quatre cents coups le brillant est parfait et la pâte devient dure ; enfin, après six cents coups, le bâton devient malléable comme la pâte de farine de blé. » (Jametel 1882, p. 55)
 
L’essentiel de la fabrication de l’encre
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Cet important traité sur l’encre fut composé en 1398 par Shen Jisun. Son ouvrage, un manuel technique du fabricant d’encre, est le fruit de sa pratique, de ses observations et de son expérience. Il y expose le détail de toutes les opérations successives. On y apprend que, depuis le 14e siècle, le bois de pin qui servait à produire le noir de fumée avait été remplacé par des huiles de Dryanda cordata ou de graines de chanvre. Grâce à un appareillage compliqué, on récoltait la suie qui devait être fine et légère pour produire une encre de bonne qualité. Elle était ensuite mélangée à un liant, une colle préparée avec de la corne de cerf, de daim, de rhinocéros ou encore avec des peaux de bœuf, d’âne ou de poisson. À cela se rajoutaient des additifs qui vont du blanc d’ouf au cinabre, à l’infusion d’écorce ou au musc dont le parfum masquait l’odeur de la colle et de la suie. Après avoir été pétrie, la pâte était battue puis placée dans des moules et mise à sécher lentement pour que le bâton d’encre ne se fende pas. Ensuite, les pains étaient brossés et polis, avant d’être, à nouveau, mis à sécher pendant une longue période. L’encre était conservée et commercialisée sous différentes formes, le plus souvent des bâtons rectangulaires, les encres plus précieuses ou décoratives se présentaient en pains ou en gâteaux divers. Pour la liquéfier, on verse quelques gouttes d’eau sur une pierre lisse puis on frotte le bâton jusqu’à obtention d’une consistance épaisse ; l’opération nécessite une propreté absolue des instruments, et les quantités préparées ne doivent pas excéder les besoins quotidiens sinon la qualité en est altérée. « Les meilleures encres donnent une couleur brillante violette, celles de seconde qualité donnent une teinte brillante noire, et enfin, celles de qualités inférieures sont jaunes », rapporte Shen Jisun.
L’encre de carbone est d’une remarquable stabilité.

Utilisé très tôt, le bois de pin a été considéré comme fournissant le meilleur ingrédient de base. Cela explique l’installation des ateliers d’encre à proximité de forêts et la lente déforestation de certaines régions de Chine. La première opération consistait à débarrasser le bois de sa résine, puis on le débitait et on le faisait brûler ; la suie, déposée sur les parois d’un auvent couvrant le foyer où les bûches se consumaient lentement, était recueillie à intervalles réguliers puis tamisée et stockée dans un endroit sec. Shen Jisun donne une autre recette également très employée à base d’huiles végétales : le résidu de la combustion d’huile de Dryandra cordata ou de pawlonia est obtenu dans de petites lampes-bouteilles recouvertes d’un cône ; on récolte à heure fixe le mélange pulvérulent qui est conservé ; on verse de la colle chaude sur le résidu et le tout est vigoureusement manié pour produire un matériau homogène qui est roulé en boules ; celles-ci, enveloppées de toile, sont étuvées pendant quelques minutes, placées ensuite dans un mortier à température constante, elles sont maniées à l’aide de longs pilons pendant plusieurs heures ; avant utilisation, la pâte tiède obtenue est encore vivement battue un grand nombre de fois à l’aide d’un marteau ; la dernière opération est faite à la main afin d’obtenir la consistance requise ; la préparation, roulée en boudins, est débitée en morceaux qui serviront à former les pains d’encre individuels, ceux-ci seront placés dans des moules qui peuvent avoir des tailles et des formes variées. Les pains ou bâtons sont ensuite mis à sécher sur une litière de cendres puis conservés dans du papier ; l’opération de séchage peut durer plusieurs années, pour extraire toute l’humidité par étapes. L’encre devient alors un objet dur et léger et qui, même placé dans un verre d’eau, ne se dissoudra pas.

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    Dynastie des Qing, postérieur à 1773
  • Lieu
    Chine
  • Auteur(es)
    Shen Jisun, auteur 
  • Description technique
    Édition xylographique illustrée, 24,3 x 13,4 cm, bois des illustrations : 19 x 12,5 cm 
  • Provenance

    BnF, département des Manuscrits, PELLIOT B 1421 (30)

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm1xv5rd4xtt7