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L’Atelier de gravure en taille-douce

L’Atelier de gravure en taille-douce
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La plupart des habitations des graveurs parisiens, par exemple rue Saint-Jacques, où ils étaient très nombreux au 17e siècle, se composaient de trois ou quatre pièces superposées : l’atelier de gravure au rez-de-chaussée (permettant un accès rapide à l’eau du puits), ainsi que la boutique ouvrant sur la rue, au-dessus les logements, et au dernier étage l’imprimerie, les presses étant alors en bois et ne pesant pas aussi lourd qu’aujourd’hui.
À gauche est assis le graveur à l’eau-forte : la plaque sur laquelle il travaille, posée sur un pupitre, est sombre car elle est recouverte de vernis ; l’artiste porte des manchettes, afin d’éviter à la fois de salir son habit mais surtout d’érafler le vernis avec les boutons de sa manche ; à sa gauche sont posés des outils : une pierre pour affûter la pointe, une règle, une petite brosse douce pour ôter les copeaux de vernis ; à sa droite est dressée une image dont il est sans doute en train de reporter le motif sur sa planche ; cette image, où semblent être représentés un philosophe antique et une jeune femme se promenant dans des ruines, ne se trouve pas dans l’œuvre de Bosse ; au fond de la pièce, à gauche, sur une armoire, sont posés des livres, des flacons (sur l’un desquels est écrit : eau for) et un entonnoir ; enfin, appuyé sur le mur du fond et posé sur un grès émaillé, un plan incliné destiné à supporter la plaque pendant la morsure de l’eau-forte.
À droite, le buriniste grave une plaque avec son outil ; Bosse est allé, dans son souci d’exactitude, jusqu’à placer quelques coups de burin à côté de la pointe de l’instrument ; à sa droite, sur la table, trois autres burins et des pierres à polir.
Sur le mur du fond de l’atelier sont accrochées des toiles et des estampes : seule une de ces dernières appartient à l’œuvre de Bosse, La Fortune de la France, qu’on distingue sur le côté gauche, à la hauteur de l’épaule du gentilhomme qui, en même temps que deux capucins, semble faire son choix. Sur la corniche du plafond sont disposées des sculptures en ronde-bosse, ce qui laisse entendre que le propriétaire de l’atelier ne vend pas que de l’estampe.
Bosse a gravé ou fait graver sous son estampe une légende faite de détails très précis, allant au-delà de la description de l’image elle-même. En voici une version modernisée, plus compréhensible que la transcription rigoureuse donnée plus bas :

Graveurs en taille-douce au burin et à l’eau-forte
Celui au burin [à droite] étend uniment un peu de cire blanche sur le côté poli de sa planche chaude, frotte le derrière de son dessin, communément, de céruse, en sorte qu’il ne blanchisse que peu, l’attache fixe sur sa planche, presse d’une pointe, assez fort, les contours de ses figures, et ils [les contours] se trouvent, ôtant le dessin, marqués de [en] blanc sur la cire, et, repassant sa pointe sur lesdits contours, les empreint dans le cuivre ; puis il en ôte la cire sur le feu ; cela fait, il grave avec le burin.
Celui à l’eau-forte [à gauche] a sa planche bien polie et, un peu chaude, il y met un vernis dont celui qu’on tient le meilleur est composé de résine [et de] poix grecque cuites avec [de l’]huile de noix ; il l’applique avec le doigt, l’étend de la paume de la main, le noircit à la fumée de la chandelle, puis met la planche sur un feu de charbons ardents jusqu’à ce qu’elle ne fume que peu ; lors, il jette de l’eau derrière la planche [pour la refroidir]. Après cela, son dessin étant frotté de sanguine au derrière, il en marque les contours sur le vernis comme le graveur au burin, et y trace après tout son ouvrage avec des pointes d’acier dur, appuyant fort ou légèrement selon la grosseur et profondeur qu’il veut donner à ses traits, puis, ayant frotté le derrière de sa planche avec du suif, il la met en un lieu penchant [comme un chevalet, par exemple], jette l’eau-forte dessus à plusieurs reprises, à cause des douceurs et éloignements qu’il couvre de temps en temps d’huile d’olive et de suif fondus ensemble. Cela fait, il essuie la planche, en ôte le vernis avec du charbon doux mouillé d’eau commune, et retouche au burin où il est nécessaire. Cette eau-forte est composée de vinaigre, vert-de-gris, sel ammoniaque et commun, broyés et [un] peu bouillis ensemble en un pot plombé.

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1643
  • Lieu
    À Paris, en l’isle du Palais
  • Auteur(es)
    Abraham Bosse (1604-1676), dessinateur et graveur
  • Description technique
    Eau-forte, avec quelques rehauts de burin, 260 x 327 mm
  • Provenance

    BnF, département des Estampes et de la photographie, ED-30 (A, 4)-FOL

  • Lien permanent
    ark:/12148/mmjr208pzd9wb