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Le bouc

Gaston Phébus, Livre de chasse
Le bouc
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Du bouc et de toute sa nature

« Le bouc n’est pas commune bête que chacun connaisse, c’est pourquoi je veux décrire sa nature, façon de vie. Des boucs il y a deux manières : les uns s’appellent boucs sauvages et les autres boucs isards.

Les boucs sauvages sont bien aussi grands de corps qu’un cerf, mais ils ne sont pas si longs ni si hauts en jambes, bien qu’ils aient autant de chair. [...] Ils ne jettent ni ne muent leurs têtes et n’ont point de meules comme les cerfs ou autres bêtes. Et plus on compte de raies en ses cornes et plus elles sont longues et grosses, plus le bouc est vieux.

Ils ont de grandes barbes et sont bruns, de poil de loup, et bien velus, et ils ont une raie noire tout le long de l’échine, et les fesses et le ventre fauves. Les jambes de devant sont noires et celles de derrière fauves. Leurs pieds sont comme ceux des autres boucs privés ou chèvres, et leurs traces plus grosses, grandes et rondes que celles d’un cerf. Les os sont à l’avenant d’un bouc privé ou d’une chèvre, mais ils sont plus gros.

Ils naissent en mai et la chèvre sauvage faonne ainsi qu’une biche ou la femelle d’un chevreuil ou d’un daim, mais elle n’a jamais qu’un petit bouc, qu’elle nourrit et allaite de la même manière qu’une chèvre privée. Ils vivent d’herbes, de bois et de fruits, comme j’ai dit des autres bêtes douces. [...]

Ils vont au rut vers la Toussaint et demeurent un mois en leurchaleur ; et quand leur rut est passé, ils se mettent en harde et compagnie ensemble, et descendent des hautes montagnes et roches où ils auront demeuré tout l’été, tant à cause de la neige que parce qu’ils n’y trouvent plus de quoi viander, et ils s’en vont quérir leur vie non pas tout à fait en plaine, mais au pied des montagnes. Ils demeurent ainsi jusque vers Pâques, et alors les boucs remontent vers les plus hautes montagnes qu’ils trouvent et chacun prend son buisson comme font lescerfs ; ils demeurent parfois deux boucs ensemble, comme font les cerfs, et parfois tout seuls. Les chèvres s’en séparent alors et demeurent plus bas, près des ruisseaux, pour faonner. [...] Ils font bien longues fuites, quand on les chasse, et courent très vite et se vont mettre à l’abri sur les hautes roches, comme font les cerfs dans l’eau. [...]

Les autres boucs isards ont leurs corps et leurs têtes de la forme qui est ici figurée, et sont beaucoup plus petits, car ils ne sont guère plus grands qu’un bouc privé. Leurs natures et vies sont comme celles d’un grand bouc sauvage [...]. »

© Bibliothèque nationale de France

  • Date
    15e siècle
  • Lieu
    France, Paris
  • Auteur(es)
    Gaston Phébus, auteur
  • Description technique
    Peinture et or sur parchemin
  • Provenance

    BnF, département des Manuscrits, Français 616, fol. 21r

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm2072006589