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Les quatre systèmes d’écriture précolombiens

Codex de Veinte Mazorcas
Codex de Veinte Mazorcas

© Bibliothèque nationale de France

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Dans l’Amérique précolombienne, où coexistent civilisations de l’écrit et civilisations de tradition orale, seule l’Amérique centrale a vu se développer de réelles traditions d'écriture.

Olmèques et Zapotèques

L’écriture en Méso-Amérique commence vers 2000-1500 avant J.-C. avec les Olmèques, dont le calendrier comprend des signes gravés (glyphes) associés aux différents éléments chronologiques (jour, année, cycle...).

À partir de 600 avant J.-C., les Zapotèques développent un système où voisinent signes chronologiques et non chronologiques ; il sert à commémorer les conquêtes, à noter le nom des souverains vainqueurs, des villes soumises, et à fixer les dates des événements relatés.

C'est un livre naturel car il n'a été fabriqué par personne. Le livre tourne seul ses pages. Chaque jour s'ouvre une page et si quelqu'un veut la tourner intentionnellement, il saigne parce qu'il est vivant. Mythe de l'origine du livre glyphique.

Mayas

Écriture maya
Écriture maya |

© Bibliothèque nationale de France

Disque du Chinkultic
Disque du Chinkultic |

© photo François Guénet

L’écriture maya est apparue à partir de 300 av. J.-C. À en juger par les documents que nous possédons, chaque mot a d’abord été représenté par un dessin, puis le système a été complété par des signes phonétiques notant les syllabes. Cette évolution a été facilitée par le fait que la majorité des mots mayas sont monosyllabiques.

Ce qui caractérise le système maya, c’est sa polyvalence : chaque signe peut avoir plusieurs sons, et chaque son, plusieurs sens. Au milieu de l’époque classique (aux alentours du 7e siècle), l’invention du complément phonétique a permis d’indiquer la bonne lecture parmi plusieurs possibles. Cette détermination n’exclut pas la pluralité de sens pour un même son. Par exemple, il existe quatre manières d’écrire « Yax Pak », Première Aube, nom d’un chef de Copan.

Yax Pak, Première Aube, nom d’un chef de Copan
Yax Pak, Première Aube, nom d’un chef de Copan

L’écriture maya propose ainsi une lecture combinatoire qui complexifie le jeu de sons et de sens. Ce caractère ludique de l’écriture permet au sens de rester ambigu et énigmatique, comme le montrent les textes de l’époque coloniale.

En même temps que l’écriture s’est précisée pour noter l’histoire des rois, elle est aussi devenue plus flexible pour autoriser les manipulations d’ordre mythique et politique. Cette polyvalence est d’autant plus complexe qu’il est vraisemblable que l’écriture maya se lisait en plusieurs langues.

Codex de Paris
Codex de Paris |

© Bibliothèque nationale de France

Codex de Dresde
Codex de Dresde |

© Sächsische Landesbibliothek (Tous droits réservés)


Nahuatls

Écriture nahuatl
Écriture nahuatl |

© Bibliothèque nationale de France

À partir du 11e siècle, la civilisation nahuatl investit le plateau mexicain et développe jusqu’à l’arrivée des Espagnols (1519-1521) une écriture pictographique dont le livre peint est le support privilégié. Les liens graphiques (lignes, pointillés, chemins, traces de pas) qui structurent les textes aztèques qui nous sont parvenus réunissent personnages et pictogrammes gravés (glyphes) ; ils indiquent en même temps les ordres de lecture préférentiels d’une écriture dont les éléments se déploient avec une grande liberté.

Codex Xolotl
Codex Xolotl |

© Bibliothèque nationale de France

Le système d’écriture nahuatl des Aztèques est aujourd’hui encore largement indéchiffré. À mi-chemin entre la simple figuration pictographique, l’idéogramme et le symbole phonétique, l’écriture nahuatl est composée de trois éléments :

  • des personnages, facilement identifiables ;
  • des compositions symboliques (les glyphes) ;
  • des signes arbitraires, liens graphiques ou plastiques, qui relient glyphes et personnages entre eux.

Les glyphes se caractérisent par leur souplesse. Ainsi, l’élément chalchihuitl, « jade », peut prendre des aspects sensiblement différents selon le contexte dans lequel il est employé.

Chalchihuitl, « jade »
Chalchihuitl, « jade »

Pour transcrire les noms propres, notamment ceux des villes, les Aztèques ont eu recours au rébus à transfert ; par exemple, le nom Coatitlan, signifiant « près des serpents », se transcrit à l’aide du pictogramme désignant le serpent (coatl) auquel on ajoute le pictogramme « dent » (tlan), homonyme de « près de ». Au lecteur de comprendre, d’après le contexte, qu’il ne s’agit pas de la « dent du serpent » mais de la ville « près des serpents ».

L’écriture aztèque joue sur les deux tableaux du son et du sens. Les deux possibilités d’interprétation, idéographique ou phonétique, sont offertes au lecteur.

Provenance

Cet article provient du site L’aventure des écritures (2002).

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