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Les différents systèmes d’écriture

Textes rituels du bouddhisme tantrique
Textes rituels du bouddhisme tantrique

© Bibliothèque nationale de France

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Toute écriture est transmission d’un message. Elle peut le noter en utilisant des signes figuratifs ou symboliques qui désignent des objets ou des idées : les pictogrammes et idéogrammes. Mais elle peut aussi affecter aux signes une valeur phonétique, celle du mot, de la syllabe, de la consonne ou de la voyelle.

Deux grandes familles de systèmes

Les systèmes d’écriture existants ou ayant existé pourraient ainsi être répartis en deux grandes familles :

  • l’une, idéophonographique, rassemblerait les systèmes fondés sur des ensembles de signes extrêmement nombreux, issus de pictogrammes, notamment les écritures mésopotamienne, égyptienne, chinoise, méso-américaines et certaines écritures africaines.
  • l’autre, phonographique, rassemblerait les écritures alphabétiques, au nombre réduit de signes, qu’elles soient consonantiques (phénicienne, araméenne, hébraïque, arabe), vocaliques (grecque, étrusque, latine, cyrillique), syllabiques (éthiopienne, inuit ou indiennes notamment) ou mixtes.
Autographes de la collection impériale
Autographes de la collection impériale |

© Bibliothèque nationale de France

Sorabé, papier malgache
Sorabé, papier malgache |

© Bibliothèque nationale de France

Mais, qu’il reste idéophonographique ou essentiellement phonétique, tout système d’écriture représente une alliance singulière entre image et parole, car la plupart des systèmes combinent les différentes manières d’attraper le sens et le son de la langue.

Coran
Coran |

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Les systèmes idéophonographiques

Pictogramme

Inscriptions oraculaires
Inscriptions oraculaires |

Bibliothèque nationale de France

Dans les systèmes idéophonographiques, chaque signe ou « idéogramme » représente un objet ou une idée ; l’allure graphique de ce signe dérive d’un pictogramme, petit dessin schématique et symbolique dans lequel on peut reconnaître la figure d’un objet ou la deviner, comme un poisson ou une étoile.

Idéogramme

À l’origine, l’idéogramme ou « signe-idée » note un concept. Les idéogrammes peuvent donc éventuellement être signifiants dans plusieurs langues et théoriquement compris par des gens ne parlant pas la même langue. Pour autant, ils ne constituent pas une écriture universelle car chaque culture a un code de représentation propre : ainsi, l’eau est représentée chez les Égyptiens par des vagues, chez les Chinois par une évocation du courant, chez les Aztèques par la couleur bleue à l’intérieur d’un récipient. Quand le concept s’exprime par un mot, l’idéogramme devient logogramme.

Idéogramme
Idéogramme

Ces systèmes ne permettent pas d’exprimer facilement les formes grammaticales ni les noms propres : tout le monde ne peut pas s’appeler monsieur Ours Blanc ou madame Gazelle ! Pour pouvoir évoluer, ils doivent intégrer de plus en plus de signes-mots pour leur valeur phonétique, comme dans les rébus.

Rébus sur les misères de la France
Rébus sur les misères de la France |

© Bibliothèque nationale de France

La part du son

Les exemples cunéiforme, égyptien ou chinois démontrent bien qu’il n’existe pas de système purement idéographique. Ces systèmes, qu’on appelle plutôt idéophonographiques, constituent très tôt des synthèses originales où se combinent et se modulent, avec une grande liberté, notation du sens et notation du son.

Chacun de ces systèmes conserve une relative autonomie par rapport à la langue, utilisant par exemple pour transcrire les idées abstraites le rapprochement de deux ou trois signes pictographiques ou, pour faciliter la lecture, des déterminatifs de classification ne se prononçant pas. Chacun parvient toutefois, en jouant avec les homophones, à transcrire tous les éléments de la langue dont il a besoin.

On retrouve dans les écritures mésoaméricaines, maya et nahuatl, comme dans certaines écritures du continent africain, cette même complexité poussée parfois, selon le génie propre des cultures, jusqu’à la densité de l’énigme.

Stèle magique d’Horus sur les crocodiles
Stèle magique d’Horus sur les crocodiles |

Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Poncet

Histoire du pêcheur Urashima Tarô
Histoire du pêcheur Urashima Tarô |

© Bibliothèque nationale de France

Les systèmes phonographiques

Dans les systèmes alphabétiques, fondés sur une analyse rigoureuse des plus petites unités phoniques du langage - consonnes et voyelles -, on représente chaque phonème par un signe : on peut ainsi noter facilement les sons, indépendamment de leur sens.

Dans les systèmes syllabiques, indiens ou éthiopien notamment, un signe représente une syllabe, c’est-à-dire qu’une seule unité graphique sert à transcrire un ensemble consonne-voyelle (/ba/), voyelle-consonne (/ab/), consonne-voyelle-consonne (/bab/). Il peut exister un signe pour une voyelle isolée, mais elle est alors considérée comme syllabe monolitère et non comme voyelle. Les systèmes mixtes combinent signes alphabétiques et syllabiques.

L’invention de l’alphabet

L’invention de l’alphabet, système d’écriture apte à noter avec un ensemble réduit de signes n’importe quelle suite de sons articulés de notre appareil phonatoire, a représenté une véritable révolution.

Diplôme militaire latin
Diplôme militaire latin |

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Les écritures antérieures, qui utilisaient aussi des signes pour leur valeur phonétique, comme les syllabaires cunéiformes, étaient complexes et employaient par ailleurs un certain nombre de signes non phonétiques : déterminatifs, classificateurs, indicateurs grammaticaux. Le système alphabétique relève d’une convention : il faut accepter qu’il n’y ait pas de lien entre le sens du texte écrit et le dessin des caractères utilisés.

Toutefois, les écritures alphabétiques n’en continuent pas moins de s’appuyer sur la force visuelle de l’image. Bien souvent, la lecture alphabétique identifie le sens des mots en fonction de leur silhouette idéographique. Par ailleurs, l’orthographe, en français par exemple, établit par des signes souvent muets des différences de sens imperceptibles à l’oreille.

L’arbre à alphabet
L’arbre à alphabet |

Bibliothèque nationale de France

Le système alphabétique est un système simple, puisqu’il n’utilise en moyenne qu’une trentaine de signes ; il est donc potentiellement très démocratique et son apprentissage à la portée de tous.

Les familles alphabétiques et syllabiques

D’autres écritures phonographiques, alphabétiques ou syllabiques, se sont répandues depuis l’Antiquité sur la surface du globe. On peut les classer en trois familles :

  • les alphabets consonantiques, comme l’araméen dont dérive l’hébreu carré, le nabatéen, le palmyréen, le syriaque et l’arabe ; on classera aussi dans cette catégorie les alphabets libyco-berbères ;
  • les alphabets vocaliques, comme l’alphabet grec duquel naît l’alphabet latin, via l’étrusque, et ses dérivés ;
  • les syllabaires utilisés en Asie centrale, en Inde et jusqu’en Asie du Sud-Est, en Éthiopie ou plus récemment chez les Inuits.
Pormuniyan, recueil médico-magique
Pormuniyan, recueil médico-magique |

© Bibliothèque nationale de France

Recueil de textes et d’images
Recueil de textes et d’images |

© Bibliothèque nationale de France

On pourrait penser que, dans sa volonté de retranscrire le plus fidèlement la plus petite unité sonore de la langue, l’invention de l’alphabet marque une rupture définitive avec les systèmes idéographiques. Il n’en est rien. Tout lecteur sait reconnaître de nombreux mots par une lecture globale de l’ensemble des signes qui le composent et les lit aussi comme des pictogrammes.

Tout système d’écriture reste une combinatoire, chaque langue cherchant à épouser un système répondant au mieux à sa structure linguistique.

Logbook de Christian Dotremont
Logbook de Christian Dotremont |

© ADAGP, 2023

Provenance

Cet article provient du site L’aventure des écritures (2002).

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