Découvrir, comprendre, créer, partager

Article

Le taoïsme

À la recherche d’une harmonie entre l’homme et la nature
Rituel taoïque avec talismans
Rituel taoïque avec talismans

Bibliothèque nationale de France

Le format de l'image est incompatible
Alors que le confucianisme constitue avant tout une spiritualité de lettré, le taoïsme est davantage un système de croyance populaires, qui s'appuie sur des traditions ancestrales.

Doctrine philosophique et religieuse, le taoïsme est l’un des deux grands systèmes de pensée qui se sont développés en Chine. Le terme est issu du mot chinois Dao qui signifie la « voie ». On peut dire que le taoïsme est la religion de la « Chine profonde », car il fait appel à des croyances d’une tradition fort ancienne touchant les couches les plus populaires de la société. Face au confucianisme, philosophie humaniste officielle insérant l’homme dans un univers avant tout moral et social, le taoïsme, quant à lui, se montre davantage préoccupé de l’individu, de sa conscience et de sa vie spirituelle, voire spéculative, dans sa recherche d’une harmonie avec la nature et l’univers. Au début du 3e siècle de notre ère, la « Voie du Maître Céleste » devient une véritable religion encadrée par un clergé instruit, à la différence du confucianisme qui reste un simple système de pensée et de valeurs. On édifie des monastères, un rituel est codifié, un corpus textuel défini. Le taoïsme est alors reconnu et pratiqué par une grande partie de la population.

Le Livre de la voie et de la vertu de Laozi, et Les Dix Défenses à observer
Le Livre de la voie et de la vertu de Laozi, et Les Dix Défenses à observer |

Bibliothèque nationale de France

Deux grands textes sont au fondement de la philosophie taoïste : le Laozi et le Zhuangzi, les ouvrages adoptant le nom de leurs auteurs respectifs. Alors que le Laozi est un petit bréviaire de 81 paragraphes, rédigé dans un mélange de prose rythmée et de vers libres, le Zhuangzi est un grand corpus, au vocabulaire d’une richesse inouïe, qui présente toute une métaphysique du Dao, « absolu suprasensible » : la vérité est dans le retour à la nature mais sublimée par la culture.

Le Zhuangzi ou Classique véritable de la floraison méridionale
Le Zhuangzi ou Classique véritable de la floraison méridionale |

Bibliothèque nationale de France

Une religion

Pour parler de religion authentiquement chinoise, il faut se tourner vers le taoïsme. Le confucianisme possède bien un réseau de temples et transmet depuis l’Antiquité des recueils d’actes cérémoniels mais n’a pas pour autant de contenu religieux ; le bouddhisme, quant à lui, n’a pas pris son origine en Chine bien qu’il s’y soit beaucoup développé. Au début du 3e siècle de notre ère, la Voie du Maître céleste devient une véritable religion encadrée par un clergé instruit et hiérarchisé ; on édifie des monastères, un rituel est codifié, un corpus textuel fondamental est défini, et un panthéon de divinités est célébré : le taoïsme est alors reconnu et pratiqué par une grande partie de la population ainsi qu’au sommet de l’État.

Une philosophie

Cette appellation recouvre également une philosophie, aussi convient-il de séparer les aspects religieux et philosophiques, tous deux fondés sur les textes du Laozi et du Zhuangzi. Hsiung Ping-ming souligne la différence d’approche entre ces deux conceptions par un exemple pertinent : « L’école taoïste […] préconise le retour dans les montagnes et les forêts ; c’est une nature sans divinité, chantée par les poèmes bucoliques et les peintures paysagistes […]. Les adeptes de la religion taoïste pratiquent l’alchimie ; pour eux il faut revenir dans les montagnes et les forêts, mais ici c’est une nature remplie de divinités et de démons particulièrement effrayante […] [d’où la nécessité de] talismans qui protègent tous ceux qui veulent pénétrer dans les montagnes […]. »

Vues remarquables du mont Wu
Vues remarquables du mont Wu |

Bibliothèque nationale de France

Le taoïsme reconnaît que les écritures divines ont été dévoilées à certains adeptes et transcrites en chinois profane. Dès le 5e siècle, le volumineux corpus textuel commence à être organisé. Sous l’impulsion de Tang Xuanzong (685-762), il se fixe véritablement de manière officielle au 8e siècle. Le Canon comprend notamment les écrits révélés ainsi que des prescriptions du rituel, des enseignements de maîtres, des règles d’hygiène physique et mentale à mettre en pratique par la méditation. Il consigne aussi un nombre considérable de caractères talismaniques, ainsi que des représentations topographiques sacrées.

Canon taoïque de l’ère Zhengtong
Canon taoïque de l’ère Zhengtong |

Bibliothèque nationale de France

Un culte d'État

Le patronyme des empereurs de la dynastie des Tang (618-907) étant Li, comme celui qu’aurait porté Laozi auquel est attribuée la paternité du texte fondateur du taoïsme, la famille régnante adopta le Sage comme ancêtre divinisé et se bâtit une généalogie qui la faisait remonter jusqu’à lui. Ce culte familial s’imposa comme un culte d’État. En 666, Laozi fut canonisé et un titre impérial lui fut décerné. Tous les souverains et leurs épouses furent initiés au cours de rites d’ordination, et de nombreux temples impériaux dédiés à cette religion d’État virent le jour.

Laozi (ou Lao Tseu), 05..?-04..? av. J.-C.
Laozi (ou Lao Tseu), 05..?-04..? av. J.-C. |

Bibliothèque nationale de France

Versions abrégées du Liezi et du Zhuangzi
Versions abrégées du Liezi et du Zhuangzi |

Bibliothèque nationale de France

Sous cette dynastie, le taoïsme connut une période de gloire sans précédent et la diffusion de ses textes fut imposée à tout l’Empire. Cette religion dépassa les frontières de la Chine centrale et s’étendit même jusqu’à Karakhoja, en Asie centrale, où avait été fondé un temple taoïste. Dunhuang, pourtant réputé comme centre bouddhiste, possédait aussi le sien. Parmi environ 500 manuscrits taoïstes retrouvés dans la grotte n° 17, près de 400 rouleaux portent des textes autres que ceux du Laozi, du Zhuangzi et du Liezi qui donnent à ce fonds un intérêt exceptionnel. Certains présentent des exemples inédits de calligraphie taoïste et d’écriture talismanique. Un grand nombre avait été copié à la capitale et se retrouvèrent à Dunhuang où un organisme officiel avait été établi, probablement dans le monastère taoïste ou dans une école patronnée par le gouvernement. Ces documents furent dispersés, sans doute à la suite de l’occupation tibétaine.

L'alliance taoïsme confucianisme contre le bouddhisme

Canon taoïque de l’ère Zhengtong
Canon taoïque de l’ère Zhengtong |

Bibliothèque nationale de France

L’impératrice Wu Zetian (r. 690-705) avait favorisé le bouddhisme. Par contrecoup, Xuanzong, qui régna de 712 à 756, promut vigoureusement le taoïsme qui connut l’une de ses périodes de gloire. La grande rébellion d’An Lushan, à la fin de l’année 755, mit un terme à cette domination absolue. Toutefois, les rivalités entre les trois courants de pensée furent incessantes. Les confucéens et les taoïstes pactisèrent et prirent pour cible commune les bouddhistes dont l’influence politique et la prospérité n’avaient cessé de croître. L’antagonisme entre ces courants doctrinaires atteint son paroxysme dans les années 842 à 846, aboutissant à une véritable persécution qui s’avéra redoutablement destructrice au point que le bouddhisme ne s’en releva jamais totalement.

L’époque glorieuse de la religion taoïque d’État

Jamais il n’y eut autant de mesures en faveur du taoïsme que sous le règne de l’empereur Xuanzong, le plus long de la dynastie des Tang, considéré comme une période de paix et de prospérité. L’empereur affirma avec force son lien de consanguinité avec l’ancêtre Laozi divinisé et prit, surtout à partir de 732, des décisions très radicales concernant le culte familial du Sage qui furent appliquées dans les temples impériaux édifiés dans tout l’Empire. La possession par chaque famille d’un exemplaire du Daodejing, Livre de la voie et de la vertu, devint obligatoire. Le souverain diffusa un commentaire orthodoxe et en écrivit lui-même un autre. Des académies taoïstes d’État furent établies en 741. Les textes de cette religion s’intégrèrent au cursus obligatoire pour les candidats aux examens d’entrée dans la fonction publique. Par ordre impérial, ils devaient être récités quotidiennement dans les monastères ou lors de certaines circonstances, l’empereur considérant qu’il en allait de la paix et de la prospérité du pays. On rapporta plusieurs apparitions de Laozi sous son règne. À la suite de l’une d’elle, en 742, l’empereur changea le nom de son ère en Tianbao, « Trésor céleste ».

Tableau des êtres d’heureux présages
Tableau des êtres d’heureux présages |

Bibliothèque nationale de France

Provenance

Cet article a été conçu dans le cadre de l’exposition  « Chine, l’Empire du trait » présentée à la Bibliothèque nationale de France en 2004.

Lien permanent

ark:/12148/mmrs5k04dm1wv