Découvrir, comprendre, créer, partager

Article

Qu’est-ce que le sport ?

Grandes corridas de patins et vélocipèdes
Grandes corridas de patins et vélocipèdes

Bibliothèque nationale de France

Le format de l'image est incompatible
Apparu il y a plus d’un siècle, le sport comprend un certain nombre de caractéristiques qui le distinguent des exercices corporels antérieurs. Pourtant, sa définition paraît de plus en plus difficile tant l’évolution des pratiques est sensible aux mutations que connaissent les sociétés contemporaines.

L’émergence du sport, un processus historique complexe

Le sport est un terme qui regroupe un ensemble de pratiques corporelles dont une grande partie tiennent à la transformation des passe-temps de la société britannique à partir des 18e et surtout 19e siècles. Par exemple, le football et le rugby puisent leur origine dans des jeux folkloriques et populaires appelés folk football où les participants doivent acheminer par tous les moyens un ballon sommairement fabriqué vers un « but », situé parfois à plusieurs kilomètres du point de départ du jeu.

La première attestation du mot « sport » en français

Le Journal des Haras
Les sports sont un des objets sur lesquels les Anglais parient de prédilection. Par le mot...
Lire l'extrait

Le sport dans le dictionnaire encyclopédique de Pierre Larousse

Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle
Par le mot sport, dont l'équivalent n'existe pas dans notre langue et dont la signification en anglais...
Lire l'extrait

Ces pratiques populaires avaient pour fonction de faire oublier un instant l’âpreté de l’existence quotidienne, souder la communauté locale, tout en rappelant la place que chacun de ses membres occupait. Affrontement collectif, ces pratiques étaient caractérisées par une grande violence, tout comme le prize-fighting, combats à mains nues organisés par l’aristocratie ou la gentry, au cours desquels tous les coups envers l’adversaire étaient permis.

La réglementation de ces pratiques s’effectue principalement au 19e siècle dans les établissements scolaires privés de l’élite britannique, les Public Schools. En effet, soucieux de mieux encadrer et de moraliser les passe-temps violents de leurs élèves, certains directeurs d’établissement, à l’image de Thomas Arnold, headmaster à l’école de Rugby à partir de la fin des années 1820, encouragent ces jeux en favorisant la responsabilisation des élèves et l’érection d'un cadre réglementaire. Celui-ci permettant de diminuer les débordements auxquels ils donnaient souvent lieu, à l’image de Thomas Arnold, headmaster à Rugby à partir de la fin des années 1820.

Règlement de la Football Association
Règlement de la Football Association |

Avec l'aimable autorisation de la Football Association et du Musée national du Football (National Football Museum), Manchester, Angleterre.

Alors que les Publics Schools conservent leurs règlements spécifiques, le regroupement à l’Université de ces élèves, l’entrée dans la vie active de leurs étudiants et le développement du chemin de fer exigent l’établissement de règles communes. C’est ainsi qu’en 1863, une série de réunions à la Freeman’s Tavern de Londres des représentants de clubs londoniens conduit à la création d’une institution, la Football Association. Cette exigence d’une réglementation touche aussi les pratiques comme le prize-fighting, progressivement remplacé par la boxe à la fin du 19e siècle. Cette dernière introduit des règles spécifiant les zones de frappe et les gestes autorisés par les combattants, ainsi que des catégories de poids pour égaliser les chances de victoire des boxeurs ; elle, fixe aussi une durée et un nombre de rounds pour limiter la durée des combats et impose l’usage de gants rembourrés.

La régulation des pratiques violentes n’est pas la seule voie expliquant l’apparition des sports. Certains sports sont en effet des inventions de toutes pièces comme le basket-ball, mis en place par James Naismith en 1891 à Springfield dans le Massachusetts, à la suite de la demande du directeur du collège de mettre au point un jeu ludique et attractif, qui puisse être pratiqué par les jeunes gens en intérieur durant l’hiver. Les règles se stabilisent alors au fil des années avec, dans les années 1890, le passage de 9 à 5 joueurs, la création du poste de pivot ou l’autorisation du dribble. La pratique se diffuse dans de nombreux établissements nord-américains.

Des caractéristiques spécifiques à tous les sports

Ces nouvelles pratiques contrastent avec les autres formes d’activités physiques que sont les concours athlétiques de l'Antiquité, les jeux populaires des époques médiévale et moderne ou encore la gymnastique qui se développe au cours du 19e siècle.

L’une des caractéristiques essentielles des sports est l’existence de règles écrites qui ont pour fonction de protéger les pratiquants et de stabiliser les conditions de jeu. Alors que les pratiques et jeux traditionnels étaient régis par des règles orales variant selon les coutumes locales, l’édification de règlements standardisés permet le développement de la pratique à l’échelle nationale puis internationale. L’apparition de règles va de pair avec celle d’institutions qui les rédigent, les font appliquer et peuvent les faire évoluer. Chaque sport possède désormais son organisation internationale, qui regroupe les fédérations nationales, à l’image de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) pour le football.

Bains de la piscine Montmartre
Bains de la piscine Montmartre |

Bibliothèque nationale de France

Ces pratiques sportives proposent une nouvelle conception de l’espace et du temps. En effet, des espaces spécifiques, les stades, les vélodromes et les piscines marquent un nouveau territoire qui rompt avec les lieux publics du quotidien. Le sport invente également un nouveau rapport au temps et impose un calendrier qui lui est propre : les Jeux olympiques et paralympiques d’été comme d’hiver durent actuellement chacun deux semaines et reviennent tous les quatre ans.

Jeux olympiques, Stockholm 1912
Jeux olympiques, Stockholm 1912 |

© ADAGP, 2023

Le stade olympique de Los Angeles pour les Jeux de 1932
Le stade olympique de Los Angeles pour les Jeux de 1932 |

Bibliothèque nationale de France

Par ailleurs, le sport se manifeste par la volonté d’assurer l’égalité entre les adversaires ou une égalisation des conditions de compétition. L’institution de catégories de poids ou de catégories d’âge traduit cette volonté de neutraliser les trop grandes différences entre les participants pour assurer l’incertitude du résultat. Ce souci d’égalité ou d’égalisation des chances de victoire a pourtant pu servir à organiser ou justifier la mise à l’écart de certaines populations. Ainsi, le principe de l’amateurisme n’avait pas à la fin du 19e siècle pour ambition de mettre tous les sportifs sur un pied d’égalité mais de maintenir les classes populaires en dehors de certains sports dans la mesure ils ne pouvaient assumer les frais induits par la pratique (coûts de l’équipement, de la licence, du transport, de l’hébergement et du temps pris sur celui du travail).

De même, partant du postulat de l’inégalité physique entre hommes et femmes, les institutions sportives ont dans un premier temps tourné le dos à la participation des femmes aux pratiques sportives. Et lorsque les institutions sportives leur ont assuré une place, elles l’ont fait dans la plupart des disciplines et compétitions sur la base de la séparation des sexes.

Deux équipes de rugby féminin
Deux équipes de rugby féminin |

Bibliothèque nationale de France

Match de basket-ball féminin
Match de basket-ball féminin |

Bibliothèque nationale de France

Appareil à lancer les balles testé au tennis-club d'Asnières par René Lacoste
Appareil à lancer les balles testé au tennis-club d'Asnières par René Lacoste |

Bibliothèque nationale de France

Enfin, le sport se caractérise par un processus de rationalisation qui se traduit par la spécialisation des rôles et des postes sur le terrain et dans les institutions sportives, ou par la mise en place d’innovations techniques afin d’atteindre une efficacité maximale comme la perche en fibre de verre pour le saut à partir des années 1960. Cette rationalisation s’exprime également par l’importance des statistiques qui permettent de contrôler tous les aspects d’une performance. Aux États-Unis, le développement du basket-ball s’est accompagné de la production de données chiffrées en valeur absolue et en moyenne par match, par saison, par carrière. Pour chaque joueur, on collecte le nombre de parties gagnées, de points marqués, de rebonds, de passes décisives, d’interceptions de tirs réussis, etc.

Définir le sport, une mission devenue impossible ?

Si le sport s’est longtemps affirmé comme un domaine d’activité caractérisé par des institutions qui encadraient la pratique, par l’organisation de compétitions et par un cadre spatial et temporel bien délimité, les années 1970 représentent le début d’une nouvelle ère qui remet en question sa définition. Les pratiques sportives se développent désormais en dehors des fédérations. « Être sportif » renvoie ainsi à une pluralité de manières de faire du sport et à de nombreuses pratiques.

D’une part, de nouvelles pratiques émergent tels que les sports dits de « glisse » comme la planche à voile, le skateboard. Par ailleurs, de nouvelles modalités de pratique de sports existants se développent : la course à pied sur route concurrence la course sur piste, le VTT apparaît aux côtés des courses cyclistes sur piste et sur route. S’impose ainsi une culture « fun » fondée sur la recherche de sensations plus ou moins fortes. Ces transformations modifient en retour les conditions d’exercice du sport : on s’engage désormais de manière informelle, seul ou en famille, sans forcément prendre de licence, dans des équipements dédiés mais aussi dans la rue, sur la plage, en montagne, à des heures qui ne sont pas contraintes et sans nourrir d’ambitions compétitives.

D’autre part, les pratiques de forme ou d’entretien se développent comme la culture physique ou le yoga dans une société où s’affirme le corps et l’importance des apparences. La sensation de plaisir, le culte individualisé du corps et le dépassement de soi ou l’exploit s’imposent désormais comme des éléments constitutifs de la culture sportive qui ne peut se réduire à une vision institutionnelle et compétitive du sport…, et qui, en retour, en complexifient la définition.

Provenance

Cet article a été rédigé en 2024.

Lien permanent

ark:/12148/mms1rfkt29m3c