Les femmes au 18e siècle




















Au 18e siècle, la femme dépend étroitement de sa famille, puis de son mari. À de rares exceptions près, elle n’a aucune autonomie et ne choisit pas sa vie. Dans Émile, ou de l’Éducation, Rousseau développe les limites qu’il met à l’éducation des femmes afin qu’elles restent à la place qui est la leur : celle d’épouse et de mère. Le seul objet auquel une femme se doit de consacrer son temps et sa réflexion est « non par abstraction l’esprit de l’homme en général, mais l’esprit des hommes qui l’entourent, l’esprit des hommes auxquels elle est assujettie, soit par la loi, soit par l’opinion ».
Au cours du 18e siècle, les femmes restent donc infantilisées et condamnées à restreindre leur ingéniosité aux jeux de séduction : la mode ou le marivaudage. Certaines vont toutefois essayer de défendre leurs droits au moment de la Révolution, pendant que des figures d’exception marquent l’histoire des arts, des sciences ou du pouvoir.
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La Maman
La femme au 18e est cantonnée à la sphère privée. Elle doit se contenter d’une activité domestique : mère ou ménagère, elle est “l’âme" du foyer quand l’homme en la responsabilité juridique. Cette inégalité de droits s’accentue avec la Révolution, quand l’homme devient un citoyen participant à la souveraineté politique. Certaines femmes vivent mal cette situation : “En vérité, je suis bien ennuyée d’être une femme : il me fallait une autre âme, ou un autre sexe, ou un autre siècle. Je devais naître femme spartiate ou romaine, ou du moins homme français. [...] Mon esprit et mon cœur trouvent de toute part les entraves de l’opinion, les fers des préjugés, et toute ma force s’épuise à secouer vainement mes chaînes. Ô liberté, idole des âmes fortes, aliment des vertus, tu n’es pour moi qu’un nom !” (Mémoires de Madame Roland)
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Scène familiale dans un intérieur
Cette planche illustre la joie lors du retour paternel au foyer, l’épouse tenant son enfant comme un présent offert à son mari ; elle s’inscrit dans la lignée de la “révolution sentimentale” du siècle, qui valorise le couple et le bonheur familial. Rousseau définit la femme idéale à travers sa description de Sophie dans l’Émile : “Ce que Sophie sait le mieux, et qu’on lui a fait apprendre avec le plus de soin, ce sont les travaux de son sexe, même ceux dont on ne s’avise point, comme de tailler et coudre ses robes. Il n’y a pas un ouvrage à l’aiguille qu’elle ne sache faire, et qu’elle ne fasse avec plaisir ; mais le travail qu’elle préfère à tout autre est la dentelle, parce qu’il n’y en a pas un qui donne une attitude plus agréable, et où les doigts s’exercent avec plus de grâce et de légèreté. Elle s’est appliquée aussi à tous les détails du ménage. Elle entend la cuisine et l’office ; elle sait le prix des denrées ; elle en connaît les qualités ; elle sait fort bien tenir les comptes ; elle sert de maître d’hôtel à sa mère. Faite pour être un jour mère de famille elle-même, en gouvernant la maison paternelle, elle apprend à gouverner la sienne ; elle peut suppléer aux fonctions des domestiques, et le fait toujours volontiers.”
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La Servante congédiée
Taillables et corvéables à merci, les servantes font le ménage et la cuisine, montent les seaux de charbon, vident les cuvettes et frottent l’argenterie. Elles n’ont point de vie à elles : ce sont des personnages subalternes. Au-delà de l’accomplissement des tâches ménagères, on exige d’elles discrétion et dévouement. Elles peuvent être renvoyées du jour au lendemain et se retrouver sans ressources.
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La Marchande de marrons
La peinture de Jean-Baptiste Greuze est conforme à la sensibilité de l’époque, marquée par Rousseau, Fielding et Richardson. Sentimentale et édifiante, elle a évolué vers un moralisme en accord avec le drame bourgeois de Diderot, son admirateur enthousiaste. Elle témoigne aussi d’un excellent sens de l’observation. On peut trouver sa peinture naïve ou mièvre, mais Greuze a su créer un genre qui lui est propre. Beauvarlet, élu à l’Académie en 1762, grava entre autres d’après Boucher, Fragonard, de Troy, Van Loo. De Greuze, il reproduisit La Marchande de pommes cuites et La Marchande de marrons, deux dessins figurant au Salon de 1761.
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Planche anatomique d’obstétrique chirurgicale
Le 18e siècle voit une progressive dépossession des sages-femmes au profit des chirurgiens accoucheurs. Les hommes vont peu à peu conquérir le droit exclusif d’exercer un métier traditionnellement féminin, d’abord dans les villes et les milieux aisés. Dans les campagnes, la résistance est plus forte : l’univers des femmes et celui des hommes sont plus cloisonnés. C’est dans les hôpitaux, et en particulier à l’Hôtel-Dieu de Paris, que les chirurgiens acquièrent leur expérience. Les femmes sont autorisées à commencer le travail mais elles ne doivent user d’aucun instrument. En 1755, un arrêt du parlement de Paris leur interdit l’exercice de la chirurgie.
Au 18e siècle, la connaissance fait des progrès décisifs. La fréquence des accidents à la naissance reste toutefois plus importante qu’aujourd’hui, avec des risques de mortalité ou de stérilité car on ne connaît ni antisepsie, ni anesthésie. Les cas difficiles représentent 2 % (contre 1 pour 1 000 aujourd’hui) ; soit environ 500 accouchements à risque sur les 25 000 annuels à Paris vers 1780.
La mère peut encore mourir d’hémorragie, de fièvre. La mortalité féminine est nettement supérieure à la mortalité masculine, dans la tranche d’âge 20-35 ans. Ainsi, la fièvre puerpérale, contagieuse, est due au manque d’hygiène : personne ne se lave les mains, les pansements ne sont pas stérilisés. En moyenne, on compte une femme qui meurt en couches pour 80 baptêmes. Parmi les femmes ayant environ entre sept et dix enfants, une sur dix meurt donc en couches.
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Femmes s’apprêtant devant un miroir
Au 18e siècle, la femme porte de nombreux jupons sur des paniers. Le jupon de dessus, toujours visible, fait office de jupe. Les jupons de dessous prennent des noms symbolisant la progression dans l’intimité : la “modeste”, le “fripon” et enfin la “secrète”. Le panier qui apparaît en France en 1718, accentue le volume de la jupe, ce qui met en valeur la taille. D’abord réservé aux femmes riches, il se répand en 1730 dans toute la population. Il est composé de trois cerceaux de bois ou d’osier suspendus depuis la taille par des tiges verticales ou des rubans avant de prendre l’aspect d’un jupon en toile armé de cinq à huit cercles de jonc, d’acier natté ou de baleines qui lui donnent la forme d’un dôme. La mode impose aux élégantes le corps à baleine lacé dans le dos et/ou devant, qui leur donne un port altier. Les femmes de condition modeste portent une simple jupe, sans jupons, et une chemise avec un corselet lacé qui marque la taille et soutient les seins.
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Robe de mousseline garnie de bordure d’indienne et nouvelle coiffure anglaise
Sans réel pouvoir, la femme s’exprime dans la mode. Cette fameuse coiffure à “la Belle Poule” était portée en l’honneur de la frégate qui s’était illustrée lors d’un combat naval en 1778.
Dans Les Lettres persanes, Montesquieu se moque des modes parisiennes : « Quelquefois les coiffures montent insensiblement ; et une révolution les fait descendre tout à coup. Il a été un temps que leur hauteur immense mettait le visage d’une femme au milieu d’elle-même : dans un autre, c’était les pieds qui occupaient cette place ; les talons faisaient un piédestal, qui les tenait en l’air. Qui pourrait le croire ? Les architectes ont été souvent obligés de hausser, de baisser et d’élargir leurs portes, selon que les parures des femmes exigeaient d’eux ce changement ; et les règles de leur art ont été asservies à ces fantaisies. On voit quelquefois sur un visage une quantité prodigieuse de mouches, et elles disparaissent toutes le lendemain. Autrefois les femmes avaient de la taille, et des dents ; aujourd’hui il n’en est pas question. Dans cette changeante nation, quoi qu’en dise le critique, les filles se trouvent autrement faites que leurs mères. »
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L’Ange anatomique
En 1746, Gautier d’Agoty grave sa Myologie consacrée à l’étude des muscles du corps humain. Vingt planches anatomiques à la “beauté convulsive” selon l’expression d’André Breton, parmi lesquelles le célèbre écorché féminin de dos appelé L’Ange anatomique : “Une jolie femme aux épaules nues ou plutôt dénudées avec la peau rabattue de chaque côté… Horreur et splendeur viscérale.” (Jacques Prévert)
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La Croisée
Debucourt (1755-1822) fut célèbre par sa grande virtuosité. D’abord peintre, ce Parisien est reçu à l’Académie en 1781, débute cette même année dans la gravure et se lance dans la couleur en 1785. Il gravera près de cinq cent soixante planches. La Croisée est le pendant de La Rose mal défendue. Sous le couvert d’une aimable scène de genre se profilent les thèmes de la recherche du bonheur, de l’égalité des conditions (les deux jeunes amants), de l’éducation des femmes (la lecture), de la sensualité latente… La jeune femme se partage entre son vieux et riche mari trop confiant, qui lui fait lire L’Art de rendre les femmes fidèles, et son jeune amant, à qui elle glisse un billet doux et qui lui dérobe un baiser au passage.
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Les Femmes savantes
Les femmes accèdent timidement à la vie publique. Leur émancipation au sein des professions artistiques ou intellectuelles provoque encore les quolibets ; leur droit à l’éducation, défendu par des auteurs comme Laclos ou Condorcet, ne va pas de soi.
Molière posait au 17e siècle la question de la place et du rôle de la femme dans le couple et la société. Sa pièce Les Femmes savantes garde toute son actualité au cours des siècles suivants. Virulente et acerbe, elle fustige le mensonge et la pédanterie, mais traite aussi du désir absolu de savoir. Là où les hommes savants peuvent ennuyer, les femmes savantes prêtent à rire. Au moment où s’amorce l’émancipation de la femme : astronome, philosophe, chimiste, elles sont incomprises et excitent la moquerie. Et cette situation perdure jusqu’au… 21e siècle où les femmes peinent encore à accéder à certaines sphères intellectuelles et/ou professionnelles.
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La Bonne Éducation
La jeune paysanne fait la lecture à ses parents, admiratifs ; la lumière qui les inonde tous ne vient pas seulement de la fenêtre. Aux pieds de la jeune fille, les pelotes de laine indiquent qu’elle devra maîtriser aussi les travaux domestiques. Cette planche a pour pendant, des mêmes artistes, La Paix du ménage, qui montre un jeune couple radieux devant son enfant. Les dessins de Greuze et les gravures furent annoncés dans L’Avant-Coureur du 18 mai 1767.
L’éducation des filles est loin de faire l’unanimité. Dans Émile, ou de l’Éducation, Rousseau consacre les quatre premiers livres à décrire l’éducation idéale du jeune garçon éponyme. Il aborde, par étape, les questions d’éducation qui émergent à mesure qu’il grandit. Le dernier livre traite de l’éducation des filles à partir du cas de Sophie, éduquée pour devenir l’épouse idéale d’Émile. Rousseau s’oppose clairement à l’éducation des jeunes filles afin de les conformer au rôle qu’il assigne aux femmes dans la société : celui d’épouse et de mère. « En tout ce qui ne tient pas au sexe, la femme est homme : elle a les mêmes organes, les mêmes besoins, les mêmes facultés ; la machine est construite de la même manière, les pièces en sont les mêmes, le jeu de l’une est celui de l’autre, la figure est semblable ; et, sous quelque rapport qu’on les considère, ils ne diffèrent entre eux que du plus au moins. […] La recherche des vérités abstraites et spéculatives, des principes, des axiomes dans les sciences, tout ce qui tend à généraliser les idées n’est point du ressort des femmes, leurs études doivent se rapporter toutes à la pratique ; c’est à elles à faire l’application des principes que l’homme a trouvés, et c’est à elles de faire les observations qui mènent l’homme à l’établissement des principes. Toutes les réflexions des femmes en ce qui ne tient pas immédiatement à leurs devoirs, doivent tendre à l’étude des hommes ou aux connaissances agréables qui n’ont que le goût pour objet ; car, quant aux ouvrages de génie, ils passent leur portée ; elles n’ont pas non plus assez de justesse et d’attention pour réussir aux sciences exactes, et, quant aux connaissances physiques, c’est à celui des deux qui est le plus agissant, le plus allant, qui voit le plus d’objets ; c’est à celui qui a le plus de force et qui l’exerce davantage, à juger des rapports des êtres sensibles et des lois de la nature. »
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La Maîtresse d’école
La composition dépouillée met l’accent sur les liens unissant les deux enfants : attention boudeuse du garçonnet, mélange d’affection et de supériorité de la jeune maîtresse, qui pointe de son épingle les lettres de l’alphabet. Le tableau de Chardin, peint vers 1736, est conservé à la National Gallery de Londres. Père du peintre François-Bernard Lépicié, auteur du célèbre Lever de Fanchon, N.-B. Lépicié était l’ami de Chardin dont il grava de nombreuses œuvres.
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Bravoure des femmes parisiennes à la journée du 5 octobre 1789
Le 5 octobre 1789, alors que la disette sévit à Paris, quelques milliers de femmes se rendent à Versailles pour crier leur détresse au roi. Elles arrivent sous les grilles du château après quatre heures de marche sous la pluie. Tandis qu’un petit groupe se rend à l’Assemblée constituante afin d’y faire une déclaration, un premier affrontement se déroule à coup de pierres entre les femmes et les gardes de Versailles. Prévenu alors qu’il chassait, Louis XVI rentre à Versailles en toute hâte. Le commandant des gardes du corps décide de laisser passer une délégation, composée de six femmes désarmées.
Alors que les députés de la Constituante s’entretiennent avec Louis XVI, l’exhortant à accepter les décrets votés depuis l’été, le roi leur demande d’attendre, afin de pouvoir recevoir les femmes. Touché par la détresse des Parisiennes, Louis XVI accepte de distribuer de la farine dans la capitale. Les femmes se retirent soulagées, criant vive le roi !
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Avant-garde des femmes allant à Versailles les 5 et 6 octobre 1789
La faim déclenche les manifestations en 1789 : le peuple veut du pain et les femmes en charge de la nourriture sont aux premières lignes. Toutefois les partisans de l’égalité politique ne sont pas nombreux pendant la Révolution. Certains, dès le 17e siècle, comme François Poulain de la Barre, s’insurgent contre les préjugés. Il écrit dans De l’égalité des deux sexes : “Nous sommes remplis de préjugés. […] De tous les préjugés, on n’en a point remarqué de plus propre que celui qu’on a communément sur l’inégalité des deux sexes.” Avec Antoine Caritat, marquis de Condorcet, la cause des femmes trouve son avocat le plus convaincant : “Je crois que la loi ne devrait exclure les femmes d’aucune place. […] Songez qu’il s’agit des droits de la moitié du genre humain. Ce n’est pas la nature, c’est l’éducation, c’est l’existence sociale qui cause cette différence [...] il est donc injuste d’alléguer, pour continuer de refuser aux femmes la jouissance de leurs droits naturels, des motifs qui n’ont une sorte de réalité que parce qu’elles ne jouissent pas de ces droits.” Le combat pour l’instruction des femmes va de pair avec celui sur le respect de leurs droits politiques. C’est celui de toutes les féministes de la période révolutionnaire.
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Olympe de Gouges, femme et citoyenne
Féministe avant la lettre, Olympe de Gouges (1748-1793) est l’auteur de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791), et de nombreux écrits politiques et pièces de théâtre. Humaniste, elle lutte contre l’esclavage et reste longtemps en faveur d’une monarchie constitutionnelle. Elle fait partie des féministes libérales qui demandent l’égalité des droits entre les hommes et est devenue, tardivement, l’un des emblèmes des mouvements de libération des femmes.
La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, présentée pour être débattue à l’Assemblée nationale, est précédée d’un préambule qui précise sa pensée : « Homme, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ? Observe le créateur dans sa sagesse ; parcours la nature dans toute sa grandeur, dont tu sembles vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu l’oses, l’exemple de cet empire tyrannique. Remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux, jette enfin un coup d’œil sur toutes les modifications de la matière organisée ; et rends-toi à l’évidence quand je t’en offre les moyens ; cherche, fouille et distingue, si tu peux, les sexes dans l’administration de la nature. Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble harmonieux à ce chef-d’œuvre immortel. L’homme seul s’est fagoté un principe de cette exception. Bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré, dans ce siècle de lumières et de sagacité, dans l’ignorance la plus crasse, il veut recommander en despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles ; il prétend jouir de la Révolution, et réclamer ses droits à égalité, pour ne rien dire de plus. »
Elle poursuit : « Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent d’être constituées en assemblée nationale. Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesses leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous. En conséquence, le sexe supérieur en beauté et en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être Suprême, les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne. »
Ce texte est paru d’abord seulement en cinq exemplaires. Quelques extraits sont redécouverts et publiés en 1840, mais son intégralité ne l’est qu’en 1986 par Benoîte Groult.
Ce n’est en effet qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale qu’Olympe de Gouges devient une des figures humanistes de la fin du 18e siècle.
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Terrible massacre de femmes dont l’histoire n’a jamais donné l’exemple
« Le 3 septembre 1792, des hommes ivres du sang versé dans toutes les prisons de Paris allèrent à l’hôpital de la Salpêtrière, se firent présenter les prisonnières au nombre de quarante-cinq et d’après la lecture des écrous les assommèrent sur place. La femme Desrues fut l’une des premières. Ces malheureuses ne trempaient aucunement dans la conspiration des prisons. »
Les révolutionnaires craignent en septembre 1792 une menace étrangère sur la capitale. Les contre-révolutionnaires détenus sont soupçonnés de vouloir s’évader pour libérer Louis XVI et livrer la capitale aux Prussiens. Du 2 au 6 septembre 1792, les prisons parisiennes sont investies par les sans-culottes qui vont massacrer près de 1300 détenus.
À l’hôpital-prison de la Salpêtrière sont détenues des femmes, qui sont pour l’essentiel des prostituées et des femmes adultères. Sur l’ordre de deux commissaires de la section du Finistère, les prisonnières sont extraites de leurs cellules. Au centre de l’image, le commissaire lit le registre d’écrou entouré de sans-culottes qui massacrent les femmes à l’aide de masses et de gourdins. Deux hommes, au premier plan, fouillent les cadavres des femmes pour s’emparer de leurs biens éventuels.
Dans un pamphlet intitulé « La Fierté de l’Innocence », Olympe de Gouges manifestera son indignation.
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Madame Helvétius
Anne-Catherine de Ligniville Helvétius, dite « Minette », était la fille du chambellan du duc de Lorraine. Sa famille était apparentée à celle de la reine Marie-Antoinette. Belle et spirituelle, elle épousa Claude Adrien Helvétius, fermier général, philosophe et poète avec qui elle recevait dans leur maison de la rue Sainte-Anne tous les auteurs de l’Encyclopédie.
Après la mort d’Helvétius, en 1771, « Minette », entourée de ses chats angoras, continuera à tenir salon au 59 rue d’Auteuil, à Paris, recevant tous les esprits du temps, artistes, scientifiques ou hommes politiques, de Cuvier à Turgot, de Malesherbes à Chénier ou au jeune Chateaubriand, de Bonaparte à Benjamin Franklin. Quand ce dernier la demande en mariage, elle refuse, ne s’imaginant pas à soixante ans refaire sa vie aux États-Unis.
Un jour que Bonaparte s’étonnait de l’exiguïté de son jardin, elle lui répondit : « Général, si l’on savait tout ce qui peut tenir de bonheur dans trois arpents de terre, on songerait moins à conquérir le monde. »
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Autoportrait d’Élisabeth Vigée-Lebrun
Fille d’un pastelliste, Élisabeth Vigée-Lebrun (1755-1842) est née avec la passion de peindre. Elle suit à treize ans des cours de peinture et s’établit à quinze, en 1770, comme peintre professionnel. Très vite, les commandes affluent. Ce succès immédiat ne se démentira jamais puisqu’elle réalisera quelque sept cents portraits. Peintre favori de Marie-Antoinette, elle doit émigrer lors de la Révolution : à Rome, en novembre 1789, elle continue de peindre des portraits. La Galerie des Offices, à Florence, lui commande alors un autoportrait. Ce tableau, exposé à Rome, obtient un vif succès. Il est gravé l’année suivante par Vivant Denon et publié dans un livre en 1792.
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Anonyme, vers 1791
Catherine de Russie (1729-1796), fille du prince d’Anhalt-Zerbst, épouse le duc de Holstein-Gottorp qui règnera sous le nom de Pierre III. À la mort de son mari, elle se fait sacrer impératrice à Moscou le 22 septembre 1762. On connaît l’admiration que lui vouait Voltaire : "Je suis son chevalier envers et contre tous. Je sais bien qu’on lui reproche quelques bagatelles au sujet de son mari, mais ce sont des affaires de famille, dont je ne me mêle pas." (Lettre à Mme du Deffand, 18 mai 1767). Commencée en septembre 1763, la correspondance entre Voltaire et Catherine II comporte quelque 197 lettres dans lesquelles le vieux philosophe fait sa cour épistolaire pour gagner l’impératrice à la cause des Lumières. Celle qu’il n’hésite pas à appeler la "bienfaitrice de l’humanité" lui confie préoccupations et projets pour conforter son image de souveraine éclairée. Elle fera d’ailleurs traduire en russe des articles de l’Encyclopédie ainsi que des textes de Montesquieu, d’Alembert ou Diderot. Pourtant ses opérations militaires, notamment le protectorat imposé à la Pologne ou la guerre menée contre l’Empire ottoman, vont à l’encontre de l’esprit des Lumières, ce que Voltaire feindra d’ignorer. À la mort du philosophe, Catherine II acquiert sa bibliothèque de 7 000 volumes, conservée aujourd’hui encore à Saint-Pétersbourg.
La place nouvelle qu’occupent les femmes dans la vie publique comme dans la vie culturelle n’échappe pas aux critiques ni aux quolibets comme en témoigne cette caricature.
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Mme Du Châtelet à sa table de travail
Née en 1706, Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise Du Châtelet, est longtemps restée plus connue comme la compagne de Voltaire, la "divine Émilie", que comme la vraie femme de science qu’elle fut. Très jeune, elle s’adonne au goût de l’étude, en se consacrant surtout aux mathématiques et à la physique.
C’est Voltaire qui nous livre le plus de renseignements sur l’éducation de la jeune Émilie de Breteuil et sur son goût pour les sciences : "Son père, le baron de Breteuil, lui avait fait apprendre le latin, qu’elle possédait comme Mme Dacier ; elle savait par cœur les plus beaux morceaux d’Horace, de Virgile, et de Lucrèce ; tous les ouvrages philosophiques de Cicéron lui étaient familiers. Son goût dominant était pour les mathématiques et pour la métaphysique. On a rarement uni plus de justesse d’esprit et plus de goût avec plus d’ardeur" écrit-il dans l’Éloge historique.
Voltaire connaît, à quarante ans, un véritable épanouissement intellectuel et affectif en unissant sa vie à une femme d’esprit qu’il "idolâtre". Issue de la plus ancienne noblesse, "la sublime et divine Émilie" était douée d’une intelligence hors du commun et d’une liberté d’esprit bien en avance sur son temps. Sa rencontre avec Voltaire en 1733 va être décisive. Avec Maupertuis, ils se font les propagateurs des théories de Newton contre les cartésiens. Le château de Cirey où elle se retire avec Voltaire pendant de longues périodes devient le lieu de rencontre des partisans de Newton.
En 1740, elle publie les Institutions de physique, où elle tente de concilier la physique de Newton avec la métaphysique de Leibniz, ce qui lui vaudra une vive polémique avec le secrétaire de l’Académie des sciences.
Ses dernières années, jusqu’à sa mort prématurée en 1749, seront vouées à une traduction et un commentaire des Principia mathematica philosophiae naturalis de Newton, qui reste encore aujourd’hui la seule traduction française existante. À sa mort, Voltaire écrit :
"J’ai perdu un ami de vingt-cinq années, un grand homme qui n’avait de défaut que d’être femme [!], et que tout Paris regrette et honore. On ne lui a pas peut-être rendu justice pendant sa vie."
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© Château de Breteuil
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