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Biographie de Colette

Colette à l'âge de cinq ans
Colette à l'âge de cinq ans

© Roger-Viollet

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Aborder l’œuvre de Colette sans connaitre son histoire n’est pas chose aisée tant il y a d’échos entre les textes qu’elle a écrits et la vie qu’elle a menée – même si elle s’en amuse et trompe souvent son lecteur, écrivant une autofiction qui ne dit pas son nom. Il est donc bon de connaitre la vie mouvementée l’écrivaine, devenue célèbre par sa plume mais aussi par une existence hors norme et une productivité exceptionnellement variée.

Colette, fille de Sido

Sidonie-Gabrielle Colette, connue sous le nom de Colette, est née en 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye, en Bourgogne. Elle est la quatrième et dernière enfant de Sidonie Langlois dite Sido, qui est née à Paris et a vécu sa jeunesse en Belgique, dans un milieu de journalistes et d’artistes. Sans dot, la mère de Colette se marie une première fois avec Jules Robineau. De cette union naissent une fille, Juliette, et un garçon, Achille. Devenue veuve, Sidonie épouse un ancien capitaine d’infanterie récemment installé à Saint Sauveur : Jules Colette. Le couple a deux enfants : Louis et Gabrielle surnommée Gabri. Ces derniers grandissent dans une maison chaleureuse, peuplée d’animaux et de végétaux, entourée de forêts et de champs, espace infini de liberté pour la future Colette. Celle-ci explore aussi la bibliothèque familiale, apprend le piano et observe son père, grand lecteur de journaux qui se rêve homme politique ou écrivain. Ce bonheur se fissure lorsque les parents, ruinés, doivent vendre leurs meubles dans une vente aux enchères publique puis déménager dans le Loiret, à Châtillon-sur-Loing où vit Achille. C’est un traumatisme pour Gabri.

Sidonie et Jules Colette jouant aux dominos
Sidonie et Jules Colette jouant aux dominos |

© Roger-Viollet

Rencontre avec Willy puis années music-hall

À Châtillon, Colette fait la rencontre d’une figure du tout-Paris, Henry Gauthier-Villars, alias Willy, de quinze ans son ainé, qui y a mis son fils en nourrice. La jeune fille piquante de dix-neuf ans, qu’il nomme ensuite « sa Colette », le séduit. Ils se marient en 1893 et s’installent à Paris. Colette accepte tant bien que mal les infidélités de son mari et ce couple moderne, unissant une jeune provinciale à l’accent bourguignon et un bel esprit parisien, défraie la chronique pendant dix ans. Élevée par la fantasque Sido à la croisée de plusieurs monde, Colette s’acclimate vite à la vie de bohème parisienne. En 1895, elle signe ses premières chroniques musicales du nom de Colette Gauthier Villars mais c’est sous le nom de Willy que son premier roman est publié en 1900. Il s’agit de Claudine à l'école, qui répond à une demande de son mari, habitué à signer des livres écrits par d’autres. C’est le premier de nombreux succès car, outre le talent de Colette, Willy coutumier des scandale et connait bien les ressors de la publicité.

Claudine à Paris au théâtre des Bouffes-Parisiens
Claudine à Paris au théâtre des Bouffes-Parisiens |

Bibliothèque nationale de France

À partir de 1904, le couple se distend. Ses Dialogues de bêtes (1904) et Les Vrilles de la vigne (1908) en témoignent. En partie encore invisible du point de vue littéraire, Colette trouve un nouvel espace grâce à la pantomime et au music-hall. Elle s’exerce aux agrès ce qui lui donne une allure sportive. Elle fait ses premiers pas sur scène en 1906 dans un mimodrame où elle joue un faune.

Missy apparait progressivement dans sa vie : elle est la fille du duc de Morny, brièvement mariée au marquis de Belbeuf. Souvent habillée en homme, elle revendique ses amours féminines. Alors que Willy s’installe avec Meg Villars, Colette ne se cache pas d’aimer Missy : elle répond à ses détracteurs, dans une lettre ouverte publiée dans Le Cri de Paris en 1906 en évoquant « deux couples qui ont fait leur vie de la façon la plus normale que je sache, qui est celle de leur bon plaisir ». Jouée à guichets fermés sur la scène du Moulin-Rouge, la pantomime Rêve d’Égypte où Missy tient le rôle d’un archéologue amoureux d’une momie interprétée par Colette trouble l’ordre public selon le préfet de police Lépine qui interdit la représentation du spectacle.

Colette et Willy se séparent officiellement en 1907 et Colette devient une collaboratrice importante de la revue La Vie parisienne. Elle poursuit son activité de mime, dans La Chair par exemple où elle joue en partie dénudée. Après ce grand succès, Colette multiplie les tournées. Sa pièce en deux actes, En camarades, créée en 1909, raconte la vie d’un couple moderne. Représentations, tournées, articles, livres, conférences, lectures de textes… Colette se diversifie pour stabiliser ses revenus. En effet, Willy a vendu tous les droits des Claudine sans la consulter. Un combat s’engage au sujet d’une œuvre successivement signée Willy, Willy et Colette Willy, Colette Willy en 1904 avant d’être signée du nom de Colette en 1913 dans la presse et 1921 en librairie.

Colette et Mathilde de Morny (Missy)
Colette et Mathilde de Morny (Missy) |

© Bibliothèque nationale de France

Colette chroniqueuse

Avant la guerre, Colette redouble d’énergie : intrépide, elle vole en ballon, en dirigeable, en avion. Elle poursuit sa carrière sur les planches, ce dont témoigne le roman La Vagabonde.
Progressivement, Missy et Colette s’éloignent. À partir de 1910, le jeune Auguste Hériot fait son apparition dans la vie de Colette puis elle fait la rencontre d’Henry de Jouvenel au journal Le Matin dont il est rédacteur en chef.
En 1912, Colette manque l’enterrement de sa mère. Elle se marie la même année et donne bientôt naissance à son premier et unique enfant, Colette de Jouvenel. Journaliste, elle écrit des chroniques artistiques ou judiciaires, rendant compte de plusieurs procès célèbres qui aiguisent sa plume. Ayant publié trois livres en 1913, la guerre l’arrête à peine. Elle rejoint son mari à Verdun, publie La Paix chez les bêtes (1916) et témoigne de la vie des civils dans Les Heures longues (1917) et La Chambre éclairée (1921). En 1917, elle s’essaie au cinéma, comme critique ou scénariste. Après la guerre, Colette a quarante ans, elle devient directrice littéraire pour Le Matin et écrit Chéri (1920) qui lui vaut l’estime d’autres écrivains dont celle de l’influent André Gide. Très productive, elle fait paraitre romans, recueils de textes, pièces de théâtre. En 1923, Le Blé en herbe évoque de manière détournée la liaison qu’elle noue avec Bertrand de Jouvenel, le fils de son mari, à partir de 1920, alors qu’il n’a que dix-sept ans. En 1925, elle rencontre celui qui sera son troisième et dernier mari, Maurice Goudeket, et fait paraitre en 1926 La Fin de Chéri.

Un succès grandissant

Vie de Colette. Scandale sur scandale. Puis tout bascule et elle passe au rang d’idole.

Jean Cocteau, Le Passé défini, II, 1953 ; Gallimard, 1985.
« Colette, femme écrivain et peintre en bâtiment »
« Colette, femme écrivain et peintre en bâtiment » |

Bibliothèque nationale de France

« Vie de Colette. Scandale sur scandale. Puis tout bascule et elle passe au rang d’idole » résume habilement Cocteau. En 1925, Colette écrit le livret de L’Enfant et les Sortilèges de Maurice Ravel. Tandis qu’une plaque commémorative est apposée sur sa maison natale, Colette achète La Treille muscate à Saint-Tropez. Elle fait paraitre La Naissance du jour, accueilli comme un chef-d’œuvre. Pour gagner plus d’argent, Colette se démène : elle écrit des scénarios, donne des conférences, chante, puis se lance dans le commerce, créant en 1932 un institut de beauté à Paris. Elle y vend des produits estampillés Colette, elle qui offre régulièrement sa plume ou sa voix à la publicité. En 1935 elle est élue à l’Académie royale de langue et de littérature française de Belgique. Elle répond à des interviews, siège dans des jurys, fait jouer Chéri sur scène et y tient parfois le rôle de Léa. En 1936, dans Mes apprentissages, elle revient sur son mariage avec Willy. Colette s’installe définitivement dans son célèbre appartement du Palais-Royal en 1938. Elle qui a tant exercé son corps souffre d’une arthrose qui l’oblige progressivement à ne plus écrire que couchée ou semi couchée dans son « lit radeau » comme elle le nomme dans De ma fenêtre (1942).

Maquette de costume pour L'Enfant et les sortilèges : la Chatte
Maquette de costume pour L'Enfant et les sortilèges : la Chatte |

Bibliothèque nationale de France

Affiche pour le film La Vagabonde, adaptation d'un roman de Colette
Affiche pour le film La Vagabonde, adaptation d'un roman de Colette |

Bibliothèque nationale de France

Colette pendant et après la guerre

En 1939, Colette qui a soixante-six ans et a déjà connu une guerre cherche d’abord à rester à Paris, puis rejoint un temps sa fille en Corrèze, où elle s’ennuie mortellement. Elle rentre à Paris avec Maurice et sa gouvernante Pauline, tâche de trouver à manger dans un Paris occupé. Puisqu’elle n’a pas, selon ses mots, « la tête politique », elle évite de prendre position. Elle tient une chronique dans Le Petit Parisien proche de la Collaboration mais n’y évoque jamais les Allemands, s’adressant plutôt à ses « chères femmes » pour traiter du froid et des pénuries. Le 12 décembre 1941, Maurice Goudeket est arrêté dans leur appartement du Palais-Royal, lors de la « rafle des notables ». Lors de l’internement de Maurice qui dure deux mois, Colette n’épargne pas ses efforts pour le trouver puis le faire libérer. Lorsqu’elle l’a retrouvé, Colette se fait prudente, consulte des voyantes, toujours inquiète jusqu’à la fin de la guerre. Outre Julie de Carneilhan (1941) publié en pleine Occupation, évoquant une femme divorcée et son second mari, Colette écrit la nouvelle Gigi qui met en scène une jeune fille effrontée de la Belle Époque, se jouant des conventions comme Claudine.

La consécration d’une grande femme de lettres

Assez vite après la guerre, et malgré des détracteurs comme Céline, Colette est encensée par des admirateurs nombreux et influents. En 1945, elle est choisie pour entrer à l’Académie Goncourt. Souvent citée par Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe, louée par Aragon, elle fait paraitre deux œuvres tardives, L'Étoile Vesper (1947) et Le Fanal bleu (1949) qui sont très admirées. Si elle produit encore des textes publicitaires, c’est le théâtre et le cinéma qui font d’elle une véritable star. En 1949, Gigi, puis en 1950 Julie de Carneilhan, Minne, et L’Ingénue libertine sont adaptées sur grand écran. Elle enregistre une série d’entretiens à la radio nationale et son franc-parler et sa langue charment les auditeurs. Nommée grand officier de la légion d’honneur en 1953, ses quatre-vingts ans sont un véritable évènement. Elle est demandée partout, parfois présente par le biais de messages enregistrés sur disque ou télévisés. Elle s’éteint le 3 août 1954 et la République offre alors, dans la cour d’honneur du Palais-Royal, des obsèques nationales à celle qui est considérée comme la plus grande femme de lettres francophone.

Provenance

Cet article a été conçu dans le cadre de l'exposition Les Mondes de Colette, présentée à la BnF du 23 septembre 2025 au 18 janvier 2026.

Lien permanent

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