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La critique d'art au 19e siècle

La promenade du Critique influent
La promenade du Critique influent

Bibliothèque nationale de France

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Avec le Salon, rendez-vous incontournable des beaux-arts au 19e siècle, naît et s’affirme la critique d’art. D’abord simple compte rendu journalistique, elle devient peu à peu un véritable genre littéraire, où écrivains et artistes plastiques croisent leurs regards.

L’hégémonie du Salon

Le Salon, rendez-vous incontournable des beaux-arts

Le genre de la critique d’art naît au 17e siècle avec l’exposition de l’Académie des Beaux-arts, rapidement appelée le Salon car elle a lieu dans le Salon carré du Louvre. 

Exposition des ouvrages de peinture et de sculpture par Mrs de l'Académie dans la galerie du Louvre, vers 1699
Exposition des ouvrages de peinture et de sculpture par Mrs de l'Académie dans la galerie du Louvre, vers 1699 |

Bibliothèque nationale de France

À partir de 1833, cette exposition devient annuelle. Elle est très importante pour les artistes, car elle constitue pour eux la principale occasion d’exposer leurs œuvres, donc de se faire connaître, de vendre leurs productions et d’obtenir des commandes. Rassemblant de plus en plus d’œuvres au fil du siècle, le Salon voit son nombre de visiteurs aller également croissant, atteignant des centaines de milliers sous la Troisième République, notamment le dimanche, jour de gratuité de l’exposition.

Se posant en connaisseurs
Daumier, Se posant en connaisseurs, 1852 |

Bibliothèque nationale de France

Les critiques d’art sont des journalistes qui rendent compte du Salon dans des périodiques. Ils publient leurs comptes rendus sous la forme de feuilletons, publiés de façon régulière entre mai et juillet, période d’ouverture de l’exposition. Les articles suivent généralement l’organisation du Salon lui-même, divisé en quatre sections : peinture, sculpture, architecture et gravure. Mais la disproportion entre les sections – en 1879, près de 5 000 œuvres de peinture sur 6 000 au total – oblige les salonniers à subdiviser la peinture, en respectant le plus souvent la hiérarchie des genres alors en vigueur : peinture d’histoire (sujets bibliques, mythologiques, historiques et militaires), puis genres mineurs (paysages, portraits, natures mortes), ensuite dessins, aquarelles et pastels et enfin un regroupement dans une ultime livraison de la sculpture, l'architecture et la gravure.

Les expositions alternatives

Le Salon représente donc un quasi-monopole dans la critique d’art. Mais au fur et à mesure du 19e siècle, les expositions se multiplient ; au Salon annuel viennent s’ajouter les Expositions universelles de 1855, 1867, 1889 et 1900. Chaque nation conviée y expose les œuvres de ses plus grands artistes, ce qui est l’occasion pour les critiques d’art de comparer les productions artistiques d’un pays à l’autre.

Par ailleurs, tout le monde ne peut pas participer à ces manifestations : un jury admet ou refuse les œuvres. Aussi, des expositions particulières se développent, en marge du circuit officiel. En 1855, Courbet expose ses œuvres dans un pavillon installé en face de l’entrée de l’Exposition universelle ; en 1863, les peintres mécontents obtiennent la création d’un Salon des refusés, où sont rassemblées les œuvres écartées par le jury. 

Le Déjeuner sur l’herbe
Edouard Manet, Le Déjeuner sur l'herbe, présenté au Salon des refusés en 1863 |

© RMN -Grand Palais(Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

À la fin du siècle, ces manifestations se multiplient, notamment avec les expositions impressionnistes, de 1874 à 1886. Les critiques d’art s’intéressent à ces événements, dont ils écrivent également les comptes rendus, qui se multiplient donc dans la presse au cours du siècle.

La critique d’art des écrivains

L'écrivain journaliste

Portrait d’Émile Zola par Édouard Manet
Edouard Manet, Portrait d'Émile Zola, 1868 |

© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

Au 19e siècle, les jeunes écrivains tentent souvent de se faire connaître en pratiquant le journalisme, avant de pouvoir publier un roman ou un recueil de poèmes sous leur nom. L’écriture d’articles de presse sert ainsi de gagne-pain et de tremplin pour les apprentis écrivains. Ils prisent particulièrement la critique théâtrale, littéraire et artistique. La redécouverte des Salons de Diderot, le philosophe des Lumières, contribue à l’essor de ce genre.

Stendhal, Gautier, Baudelaire et Zola publient tous des « Salons ». Ils donnent leur opinion sur l’art de leur temps, ces jugements esthétiques faisant écho à leur vision de la littérature : le poète romantique Baudelaire fait l’éloge de la peinture de Delacroix, l’écrivain réaliste Champfleury défend l’œuvre de Courbet, et Zola, romancier naturaliste, se fait l’avocat de Manet. Les mouvements littéraires et artistiques rassemblent écrivains et artistes autour d’objectifs communs, la défense des avant-gardes associant peintres et écrivains.

La critique d'art, genre littéraire

La critique d’art devient peu à peu un genre littéraire, et pas seulement journalistique. En effet, les écrivains ne se contentent pas de rendre compte d’une exposition, ils transposent en des textes parfois poétiques les œuvres d’art contemplées

Ils établissent ainsi des correspondances entre littérature et peinture, Baudelaire allant jusqu’à écrire que « le meilleur compte rendu d’un tableau pourra être un sonnet ou une élégie » (Salon de 1846). 

Les œuvres d’art inspirent les écrivains, comme certains peintres illustrent certains ouvrages. À la fin du siècle, les écrivains symbolistes défendent l’idée d’une critique créatrice, selon laquelle la signification d’une œuvre d’art naît de la rencontre entre l’objet créé par l’artiste et sa description littéraire par l’écrivain. Ces transpositions d’art se situent donc à la limite de la critique d’art et de la poésie.

Provenance

Cet article provient du site Les Essentiels de la littérature  (2021).

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