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Parcours pédagogique

Le manuscrit médiéval

Production, commercialisation et utilisation
Par Paloma Pucci
25 min de lecture
Saint Jean écrivant
Au Moyen Âge, le livre est essentiellement manuscrit et sa fabrication obéit à des procédés très éloignés qui président à ceux utilisés dans les imprimés.
Ce parcours pédagogique s'intéresse aux différents acteurs qui jalonnent la vie des ouvrages médiévaux, de leur création à leur lecture : tout d'abord les fabricants, parcheminiers, scribes, enlumineurs et relieurs, qui mettent en œuvre des techniques parfois oubliées ; ensuite aux lecteurs, dont les pratiques influent sur les formats et les décors ; enfin, aux vendeurs, notamment à ceux de Paris, véritable capitale du livre dans les derniers siècles de la période médiéval. 
Destiné à accompagner l'enseignement en licence, ce parcours a été conçu dans le cadre du projet ARMA (The Art of Reading in the Middle Ages), dont la BnF est partenaire. Il comporte des documents en français et en anglais.
Les ressources pour réaliser l'activité

Le parcheminier

Fabriqué à partir de peau ou de « membrane » animale (peau de chèvre, de mouton ou de veau), le parchemin a connu un grand succès pendant la majeure partie du Moyen Âge grâce à sa résistance aux ravages du temps et de l'usure (ainsi qu'à l'action dissolvante de certaines encres acides), à sa texture fine et à sa translucidité.

Le parcheminier ou percamenarius préparait les peaux d'animaux dans des ateliers spécialisés situés dans les villes ou près des monastères. Ce travail était long et fastidieux ; il impliquait de nettoyer, blanchir, étirer, gratter et polir la surface de la peau jusqu'à ce que sa surface soit blanche et propre, adaptée à l'écriture.

Les peaux étaient d'abord trempées dans une solution d'eau et de chaux afin de détacher les poils. Elles étaient ensuite étalées, poil contre poil, sur une poutre (une surface en bois incurvée) et grattés à l'aide d'un couteau incurvé, ce qui permettait de retirer les poils et de révéler la peau poreuse en dessous (à savoir le côté fleur). La peau était ensuite retournée, révélant son côté chair, et grattée une nouvelle fois.

La deuxième partie du processus permettait de transformer la peau en parchemin. Il consistait à étirer la peau, à la gratter et alternativement la mouiller et la sécher pour mieux la tendre. Cette opération s'effectuait sur un cadre en bois auquel la peau était suspendue avec des ficelles fixées à des chevilles réglables. La peau était enfin traitée avec un mélange de craie ou de chaux (ce qui la préparait à recevoir l'encre) et polie avec de la pierre ponce.

Le parchemin est devenu de plus en plus fin au cours du Moyen Âge. Au 13e siècle (notamment dans les minuscules Bibles de Paris), il a fini par être aussi fin qu’un tissu. Il pouvait être utilisé dans sa couleur originelle, variant de l'ivoire ou jaune, ou teint.

Le scribe

Le ou les scribes, hommes ou femmes, copiaient le texte à la main à l'aide de plumes et d'encre, matériaux qu'ils fabriquaient souvent eux‑mêmes. Au début du Moyen Âge, le parchemin se vendait en grandes feuilles rectangulaires, que le scribe devait découper en feuilles plus petites, dont la taille dépendait du format du livre. Ces feuilles, ainsi que l'exemplaire, pourraient être réparties entre un ou plusieurs scribes afin d'accélérer la production. Les scribes planifiaient ensuite la mise en page, établissaient le rapport texte‑marges et piquaient et réglaient les feuilles à l'aide d'un stylet ou du dos d'un couteau. Au 11e siècle, on commença à utiliser du graphite ou du plomb, et à partir du 13e siècle, la plume et l'encre de couleur firent leur apparition. Comme dans les carnets modernes, ces lignes servaient de guide pour l'écriture. Au 14e siècle, le parchemin pouvait s’acheter sous forme d’assemblages ou de cahiers pré‑renseignés, sur lesquels on pouvait écrire.

Le style de caractère retenu par le scribe varie selon les époques. L'onciale était en usage entre le 6e et le 8e siècle ; la minuscule caroline a ensuite été utilisée à partir de la seconde moitié du 8e siècle et jusqu'au 13e siècle, avant d'être remise à la mode au cours de la Renaissance italienne ; l’écriture gothique ou lettre noire a servi à partir des années 1150 environ et se trouve encore dans les livres jusqu'au 17e siècle. De nombreuses variations existent selon le centre de production.

Outre la calligraphie et la ponctuation, les scribes devaient connaître les abréviations qui leur permettaient d'économiser du temps et du matériel. Les notes tironiennes (sténographie médiévale) servaient souvent dans les espaces vides où devaient figurer les titres spéciaux ornés ou les initiales historiées. Lorsque le scribe et l'enlumineur n'étaient pas la même personne, ces instructions informaient le peintre de ce qui devait être représenté. Elles pouvaient parfois même préciser jusqu’aux couleurs à utiliser.

Si l'encre utilisée pour copier les textes est le plus souvent noire, de nombreux manuscrits sont passés par une rubrication (du latin ruber, qui signifie rouge). Ce procédé consistait à écrire à l'encre rouge ou bleue des titres, des sous‑titres et des initiales, parfois avec des fioritures et des ornements, afin de délimiter les différentes sections du texte, ce qui guidait plus facilement le lecteur à travers le texte. Parfois, le scribe insérait des « signets » pour mettre en évidence les passages importants, ou notait des références croisées dans les marges pour une consultation discontinue. Certaines traces dans les manuscrits témoignent encore du travail des scribes.

Une fois la copie terminée, il fallait la relire. Les corrections devaient être apportées directement sur la page. Dans des contextes monastiques, outre les scribes eux‑mêmes, les meilleurs érudits du monastère étaient souvent sollicités comme réviseurs afin d'assurer la qualité de la version copiée.

L'écriture était une tâche ardue et les moines alternaient courtes périodes de travail et prières ou autres tâches. On estime qu'un scribe ne pouvait copier qu'environ 2 à 3 pages par jour.

L'enlumineur

De nombreux manuscrits médiévaux ont été décorés, non seulement à des fins ornementales (pour rendre le livre plus beau et plus attrayant) mais aussi à des fins pédagogiques (pour apporter des commentaires et des explications afin de mieux illustrer le texte). Cette tâche incombait aux enlumineurs.

Le mot « enluminure » au sens strict désigne l'utilisation de feuilles d'or ou d'argent (ou de poudre) pour décorer un manuscrit. La feuille d'or devait être appliquée avant tout pigment sur les pages. Il fallait éviter que la feuille de métal n'adhère à une surface peinte antérieure et protéger les illustrations des taches ou des éraflures causées par les finitions de polissage et de lustrage. La poudre d'or était quant à elle appliquée avec un stylo ou un pinceau après la couleur. On trouve généralement des feuilles d'or dans les manuscrits postérieurs à 1200, appliquées sur une couche de gesso (plâtre), lui donnant un certain relief sur la page, de sorte que lorsque le métal brillant capte la lumière sous différents angles, il illumine littéralement la page.

Une fois la feuille d'or ou d'argent appliquée, on pouvait commencer à peindre. Mais les enlumineurs n’étaient pas libres de peindre ce qu’ils voulaient. Les décisions concernant le type, la taille et la portée des miniatures étaient prises soit par le commanditaire et le scribe, soit par l'agent du scribe. Les enlumineurs recevaient donc généralement une feuille de parchemin contenant le texte avec des espaces vierges comportant souvent des instructions sur les illustrations à réaliser. Ces instructions écrites nous permettent d’en déduire que les peintres chargés de compléter le manuscrit savaient lire.

Avant le 10e siècle, la plupart des scribes exerçaient également la profession d'enlumineur. Tous les monastères ne disposaient toutefois pas de personnes qualifiées pour cette tâche, et de plus en plus de témoignages montrent que des peintres itinérants se déplaçaient de monastère en monastère pour enluminer des livres. Comme pour la phase de copie, différents enlumineurs pouvaient participer à l'illustration d'un même manuscrit. Il existait différents types d’enlumineurs : les enlumineurs de lettres, les enlumineurs de bordures (spécialisés dans la décoration des marges), et les peintres d'histoire (peignant les scènes historiées).

Les premières initiales décorées sont apparues dans des manuscrits liturgiques du 6e siècle et ont gagné en qualité et en inventivité au cours des 9e, 10e et 11e siècles. Les manuscrits médiévaux n'ayant pas de page de titre, la première initiale servait à annoncer le début du texte, et était souvent décorée en fonction de son importance afin d'en faciliter la consultation. La décoration ne servait en effet pas seulement d'illustration ou de commentaire ; chaque élément de la page était configuré pour guider le regard du lecteur vers et depuis le texte. Le 15e siècle, en revanche, a vu la montée en puissance des bordures et des scènes historiées. Les bordures sont devenues de plus en plus complexes, détaillées et réalistes (avec des motifs végétaux élaborés, des fleurs et des dessins botaniques, des animaux, des figures humaines, des armoiries et des scènes miniatures), et les scènes ont pris les dimensions de miniatures d'une demi‑page ou d'une page entière qui rivalisaient souvent avec les peintures sur panneaux.

Les livres modèles ont également joué un rôle important dans la décoration des manuscrits. Ils contiennent non seulement des illustrations isolées mais aussi des exemples d'initiales ornées et de bordures décorées. Certaines de ces compositions sont devenues caractéristiques d'artistes individuels et de leurs ateliers, notamment à Paris pendant la première moitié du 13e siècle. Ces motifs pouvaient être tracés d'une copie à l'autre à l'aide de papier transparent appelé carta lucida ou d'une technique dite transfert au poncif (en piquant des trous dans le parchemin et les tamponnant avec un sachet rempli de poudre colorée).

L'enlumineur facturait en fonction du nombre et de la taille de chaque décoration, en les multipliant. La main‑d'œuvre était bon marché mais les matériaux étaient chers.

Le relieur

Un manuscrit n'était terminé qu'une fois relié. C'était la dernière étape de la production. Tous les cahiers détachés étaient récupérés et réassemblés afin d'être cousus et reliés. Au Haut Moyen Âge et dans le contexte monastique, cette tâche revenait à un membre de la communauté qui savait relier (s'il y en avait un) ou à un relieur itinérant. À la fin du Moyen Âge, cette tâche était confiée au stationnaire ou au libraire (la personne qui avait pris la commande et organisé le travail en distribuant les cahiers entre les différents scribes et enlumineurs en premier lieu). Le stationnaire assemblait les cahiers en faisant correspondre les signatures numériques ou alphabétiques figurant dans les marges inférieures de la dernière et de la première page de chaque cahier ou les réclames reliant le dernier mot d'une page au premier de la suivante.

Une fois les cahiers assemblés dans l'ordre, ils étaient cousus ensemble à travers leur pli central sur des bandes ou des cordons qui traversaient le dos à angle droit. À partir du 12e siècle, un cadre en bois servait à tendre les cordes (qui constituaient le dos du livre) afin de pouvoir coudre chaque pli individuellement à travers chaque cordon et autour de celui‑ci. Dans les monastères, certains livres pouvaient être composés de livrets de texte séparés, rassemblés et reliés pour former un seul volume (pour éviter ainsi que les feuillets détachés ne soient endommagés ou perdus).

Au début de l'Empire carolingien, on a considéré comme essentiel de relier les livres pour veiller à préserver les cahiers regroupés (et éviter qu’ils ne se dispersent). De plus, comme ils étaient initialement rangés à plat sur les étagères des bibliothèques, la pression exercée par le poids des reliures permettait de les maintenir fermés et d'éviter que les feuilles de parchemin ne se recroquevillent sous l'effet de l'humidité et des changements de température. Il était donc essentiel que les reliures soient soildes, et la plupart des reliures médiévales sont donc caractérisées par la robustesse des planches de bois utilisées pour former les tranches avant et arrière du livre. Tout au long du Moyen Âge, on a également fabriqué des reliures plus simples et moins chères à partir de parchemin ou de cartons. Ces reliures sont devenues de plus en plus courantes à la fin du 14e siècle, notamment en Europe du Sud.

Les reliures étaient généralement recouvertes de cuir (parfois estampé de motifs) ou de tissu, et dotées de coins métalliques de protection, de ferronneries décoratives, de bijoux, d'émaux et de peintures. Elles témoignent de l'évolution des goûts et des préférences de l'époque. Un grand nombre de manuscrits médiévaux ont en effet été reliés une à plusieurs fois en fonction des préférences de chaque nouveau propriétaire.

Avec l'essor des bibliothèques privées aristocratiques au 14e siècle, la reliure connut un âge d'or. Les bibliophiles fortunés avaient un goût pour les reliures personnalisées, qui montraient que le livre appartenait à leur collection personnelle. Aussi élégantes qu'aient pu être ces reliures personnalisées, les livres liturgiques, avec leur luxe et leur beauté n’ont jamais pu être détrônés. Forts de l'autorité des textes sacrés qu'ils contenaient, ces livres étaient souvent portés en procession devant les fidèles, conservés comme des trésors et exposés comme des reliques. Leurs reliures étaient décorées de luxueuses sculptures en ivoire, de bijoux et de perles incrustés et de délicats ouvrages en métal. Leur présentation confirmait la nature sacrée du texte qu'ils contenaient.

Les ressources pour réaliser l'activité

Les manuscrits produits au cours du Moyen Âge sont extrêmement variés et se présentent sous de nombreuses formes et tailles, car le livre a évolué et s'est adapté à sa fonction et à ses utilisateurs.

Les usages liturgiques

Les livres liturgiques tels que les évangéliaires et les sacramentaires étaient destinés à être lus pendant la liturgie par l'officiant lui‑même. Ils étaient de dimensions modestes, semblables à celles des livres modernes, et une personne pouvait facilement les transporter et les manipuler pendant la messe. Ces livres qui contenaient les textes sacrés étaient souvent luxueusement enluminés de lettres et d'ornements en or et reliés par des plaques d'ivoire délicatement sculptées, entourées de filigranes métalliques et de joyaux. Ils étaient souvent transportés lors de rituels et exposés comme des reliques. Ces matériaux précieux, la qualité et la quantité de la décoration, reflètent l'importance du texte et la richesse des commanditaires, comme dans le cas du Psautier de Charles le Chauve.

La richesse ne s'exprimait pas seulement par l'espace occupé par les figures et les décorations, mais aussi par le peu d'espace occupé par le texte. Le parchemin était si cher qu'un scribe pouvait réduire les marges afin de faire entrer le plus de texte possible par page pour essayer de respecter un budget limité. Alors qu'un riche commanditaire, peu soucieux du prix, pouvait apprécier de grandes marges aérées montrant bien ses richesses illimitées.

Les chanteurs se servaient de tropaires, des livrets contenant des hymnes, pendant la messe. Ils étaient relativement petits et contenaient la notation musicale (dite à l'origine notation neumatique) qui accompagnait le texte. Certains étaient également décorés. Le Tropaire‑prosaire d’Auch, par exemple, combine la mélodie et le texte avec des images d’une série de musiciens qui dansent et jouent d’instruments. Les livres de chœur, quant à eux, étaient destinés au chant pour de nombreuses personnes simultanément, et étaient posés sur un pupitre pendant la messe, ce qui explique leurs dimensions monumentales.

Les livres de dévotion

Les livres destinés à un usage dévotionnel personnel, tels que le Psautier de Saint Louis et Blanche de Castille, étaient utilisés non seulement par les moines et les moniales, mais aussi par les riches laïcs. Ils servaient à réciter le Livre des Psaumes pendant la journée, et ils ont lentement évolué, au cours du Moyen Âge, vers des bréviaires et des livres d'heures. Le livre d'heures, en particulier, est devenu très populaire à la fin du 14e siècle car il contenait une sélection de prières que les laïcs, hommes et femmes, pouvaient réciter en privé tout au long de la journée. C'est le cas, par exemple du Livre d'heures d'Anne de Bretagne. Ils tenaient dans la paume de la main et étaient commandés pour un usage personnel, leur décoration reflétant très fidèlement non seulement les goûts artistiques de l'époque mais aussi le goût personnel de leurs commanditaires.

Les Bibles moralisées dominaient le marché parisien du livre dans la première moitié du 13e siècle. Elles associaient des versets bibliques en latin à des commentaires moraux et les illustraient avec huit scènes par page. Choisies dans l'Ancien et le Nouveau Testament, ces scènes permettaient au lecteur d'établir des liens entre les deux. Ces Bibles étaient des projets monumentaux d'enluminure standardisée, employant des dizaines d'artisans et totalisant, pour les plus grandes, plus de 5 000 enluminures. De grandes initiales décorées de filigranes bleus et rouges s'habillaient d'ornementations végétales et animales, imitant de près les formes et les couleurs des vitraux et des sculptures monumentales romanes et gothiques. Leur succès auprès des commanditaires royaux (car peu d'autres personnes étaient en mesure de se les offrir) témoigne de la place qu'occupaient les images, non seulement dans la réflexion contemplative personnelle mais aussi dans leur rôle ostentatoire du pouvoir et de la position.

Apprendre et se distraire

Avec l'augmentation des collections de livres princières et aristocratiques dans toute l'Europe au cours des 14e et 15e siècles, le marché du livre a cherché à satisfaire une demande toujours plus importante de textes variés en latin et en langue vernaculaire. Ces textes vont de l'histoire, des sciences, de la nature et de la météorologie, aux joutes, aux voyages et aux aventures et à la littérature courtoise. Les riches enluminures qui illustrent nombre de ces commandes aristocratiques témoignent non seulement des ressources que ces riches bibliophiles étaient prêts à consacrer à leurs projets culturels, mais aussi du véritable plaisir sensoriel et de l'amusement qu'ils trouvaient à feuilleter les pages de ces manuscrits. De plus, le fait que nombre de ces livres soient décorés des armoiries et des insignes de leurs commanditaires montre qu’ils étaient véritablement représentatifs des intérêts, des passions et du statut social de ces derniers.

Bien loin du luxe et la beauté des manuscrits liturgiques, dévotionnels et aristocratiques, les livres scolaires produits pour un usage académique étaient plutôt ordinaires. La plupart des étudiants ne pouvaient pas se permettre de faire fabriquer personnellement des livres luxueusement décorés. Une partie importante du commerce parisien du livre réglementé par l'Université de Paris reposait sur la vente et le prêt de livres d'occasion et de textes universitaires que les étudiants pouvaient copier. Les livres universitaires se distinguaient au premier coup d'œil par leurs marges plus larges, laissant la place à une étude approfondie, des commentaires et la prise de notes. À partir du 13e siècle, les universités ont encouragé l'utilisation de gloses ou de commentaires, devenus parfois aussi importants (sinon plus) que le texte original.

Les ressources pour réaliser l'activité

La fabrication de livres a considérablement évolué au cours du Moyen Âge. À partir des années 1200 et jusque dans les années 1400, Paris est devenu l'un des plus importants centres de production commerciale de livres en Europe.

Des monastères aux ateliers urbains

Au début du Moyen Âge, la production de manuscrits était presque exclusivement ecclésiastique, c'est‑à‑dire centrée sur des ateliers monastiques appelés scriptoria, où les livres étaient fabriqués sur place par les moines. Ces livres étaient en grande partie destinés à la liturgie et à la méditation privée, et étaient utilisés soit par les ecclésiastiques, soit par la plus haute aristocratie lettrée (Bibles, psautiers, évangéliaires, sacramentaires, bénédictionnaires, tropaires, missels, computus, etc.).

Le processus de fabrication était organisé par la figure de l’armarius, une sorte de bibliothécaire dont le travail consistait à conserver et à réparer les livres ainsi qu'à organiser la main‑d'œuvre et à fournir les matériaux nécessaires à toute activité d'écriture dans le monastère. Au 12e siècle, l’armarius devait également engager des scribes et des enlumineurs laïcs de centres urbains tels que Paris pour des commandes spécifiques.

Au cours de la seconde moitié du 12e siècle, Paris était en effet en passe de s’imposer comme l'un des plus importants centres de production de livres en Europe, et ce pour plusieurs raisons : la population florissante de la ville ; ses institutions religieuses et le patronage de leurs riches ecclésiastiques ; la présence stable du roi et de sa cour, grand mécènes, dans la ville ; et enfin la suprématie de l'Université parisienne.

Le poids de l'université de Paris

Au cours des 13e et 14e siècles, la population de Paris a augmenté à une vitesse impressionnante, dépassant celle de toutes les autres villes européennes. La fondation de l'Université de Paris, la plus importante d'Europe au 13e siècle a attiré des étudiants et maîtres de toute l'Europe, suscitant ainsi une demande croissante de livres universitaires à des prix accessibles. L'augmentation de la production de livres impliquait non seulement la traduction et la copie de textes bibliques et de classiques anciens, mais aussi le contrôle strict de leur qualité et de leur prix. Dans ce contexte, l'université réglementa de manière rigide la production de livres, supplantant le système de guildes que d'autres villes importantes, comme Londres et Bruges, avaient mis en place pour réguler leurs marchés du livre.

Vers la fin du 13e siècle, l'Université de Paris contrôlait donc les artisans (leurs droits et obligations), la répartition du travail, la qualité du texte et du support d'écriture, ainsi que le prix des livres. Dans ce commerce du livre profane en pleine évolution, une figure émergea : celle du libraire, vendeur de livres ou propriétaire de librairie. Ce librarius contrôlait l'approvisionnement en livres, employant divers scribes et enlumineurs (travaillant souvent eux‑mêmes comme scribes), et distribuant des parties du texte entre différents artisans afin qu'elles puissent être copiées simultanément si le temps pressait. Ils étaient en outre tenus de prêter un serment d'obéissance à l'université, ce qui était censé garantir qu'ils ne tromperaient pas leurs clients et n'accepteraient pas de commissions trop élevées. Ces conditions ont également été imposées aux parcheminiers.

L'université contrôlait non seulement la vente et l'achat de livres et de parchemins existants, mais aussi la location d'exemplaires que les étudiants et les maîtres pouvaient copier ou faire copier pour leur propre usage. Dans la seconde moitié du 13e siècle, on pouvait également les prêter, un cahier à la fois, à différents copistes afin que chacun d'eux puisse faire simultanément plusieurs copies d'une partie différente du texte. Ce système, appelé « pecia » (cahier), avait vu le jour au début du 13e siècle dans les villes universitaires italiennes. Les scribes laissaient des annotations à la fin de chaque pecia afin que, une fois rassemblés, les cahiers puissent chacun être insérés dans le bon ordre.

Si l'université a été importante pour le commerce du livre parisien, elle n'a toutefois pas été aussi universelle qu'on a voulu le faire croire. Les manuels scolaires étaient bon marché, sans ornement et simples. L'impact que les étudiants et les maîtres fortunés issus de familles influentes de tout le continent ont eu sur le commerce du livre à Paris ne résulte pas tant de leur activité intellectuelle que de leur goût particulier pour les psautiers, les épîtres et les Bibles luxueuses et enluminées. La présence de riches et puissants commanditaires dans la ville doit également être prise en compte.

Le rôle des nobles et des ecclésiatiques

Paris était, en effet, une ville royale et une ville épiscopale. Elle abritait le roi, sa cour, un évêché important et prospère ainsi qu'un chapitre de la cathédrale. Ce milieu de riches commanditaires qui résidaient à Paris commandait de luxueux manuscrits en latin et en langue vernaculaire. Leurs acquisitions reflétaient non seulement leurs centres d'intérêt mais aussi leurs goûts ; les commanditaires acquéraient des livres non seulement pour leur éducation personnelle et leur dévotion privée, mais aussi pour le plaisir, les loisirs et les montrer. Les bibliothèques aristocratiques du 14e siècle comportaient aussi bien des Bibles, des psautiers et des livres d'heures que des traités scientifiques sur les plantes ou l'histoire des sciences, les chroniques historiques, les livres sur les joutes équestres et autres spectacles, les romans courtois et les livres de voyage et d'aventure, tous superbement illustrés et reliés.

Vers 1300, les enlumineurs parisiens avaient adopté des styles provenant de toute l'Europe, ils étaient désormais réputés pour leur art et très demandés. Parmi les plus célèbres figurent notamment Maître Honoré et Jean Pucelle. La renommée de Paris, impulsée au cours de la seconde moitié du 14e siècle par les politiques culturelles du roi bibliophile Charles V, attira des commanditaires de toute l'Europe qui se rendaient eux‑mêmes à Paris pour acheter ces livres ou envoyaient leurs scribes pour les faire copier selon le style et le goût parisiens.

Après une première introduction, par exemple à l'aide des vidéos proposées, sur la fabrication du livre médiéval, l'enseignant peut proposer à ses étudiants un travail autour de quelques manuscrits disponibles sur Gallica. Par exemple, le Sacramentaire de Gellone (Latin 12048), le Décret de Gratien (Latin 3895) et les Heures d'Anne de Bretagne (Latin 9474) constituent respectivement des exemples de manuscrit monastique et de manuscrit urbain et de manuscrit de cour. On peut demander aux étudiants, par l'étude des différents aspects codicologiques comme la mise en page, la reliure, la largeur des marges, la graphie, l'ornementation, etc. d'identifier la catégorie de chaque manuscrit. Des hypothèses peuvent être formulées autour du contexte plus précis de production et d'usage, ainsi que sur la valeur monétaire et symbolique et sur le commanditaire.

D'autres manuscrits conservés à la Bibliothèque nationale de France peuvent être utilisés pour un travail en autonomie ou une évaluation :

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