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Extrait

« Combien est-ce qu’il faut mettre de grains de sel dans un œuf ? »

Molière, Le Malade imaginaire, acte II, scène 9

ARGAN
Je vous prie, Monsieur, de me dire un peu comment je suis.

MONSIEUR DIAFOIRUS lui tâte le pouls
Allons, Thomas, prenez l’autre bras de Monsieur, pour voir si vous saurez porter un bon jugement de son pouls. Quid dicis ?

THOMAS DIAFOIRUS
Dico, que le pouls de Monsieur, est le pouls d’un homme qui ne se porte point bien.

MONSIEUR DIAFOIRUS
Bon.

THOMAS DIAFOIRUS
Qu’il est duriuscule, pour ne pas dire dur.

MONSIEUR DIAFOIRUS
Fort bien.

THOMAS DIAFOIRUS
Repoussant.

MONSIEUR DIAFOIRUS
Bene.

THOMAS DIAFOIRUS
Et même un peu caprisant.

MONSIEUR DIAFOIRUS
Optime.

THOMAS DIAFOIRUS
Ce qui marque une intempérie dans le parenchyme splénique, c’est-à-dire la rate.

MONSIEUR DIAFOIRUS
Fort bien.

ARGAN
Non, Monsieur Purgon dit que c’est mon foie, qui est malade.

MONSIEUR DIAFOIRUS
Eh oui, qui dit parenchyme, dit l’un et l’autre, à cause de l’étroite sympathie qu’ils ont ensemble, par le moyen du vas breve du pylore, et souvent des méats cholidoques. Il vous ordonne sans doute de manger force rôti ?

ARGAN
Non, rien que du bouilli.

MONSIEUR DIAFOIRUS
Eh oui, rôti, bouilli, même chose. Il vous ordonne fort prudemment, et vous ne pouvez être en de meilleures mains.

ARGAN
Monsieur, combien est-ce qu’il faut mettre de grains de sel dans un œuf ?

MONSIEUR DIAFOIRUS
Six, huit, dix, par les nombres pairs, comme dans les médicaments, par les nombres impairs.

ARGAN
Jusqu’au revoir, Monsieur.



 

Molière, Le Malade imaginaire, acte II, scène 9
Molière, Œuvres complètes, vol. VI, Compagnie des libraires associés (Paris), 1773
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