Découvrir, comprendre, créer, partager

Extrait

Le sport dans le dictionnaire encyclopédique de Pierre Larousse

Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle
Dans son Grand dictionnaire universel, Pierre Larousse définit le sport comme un ensemble d’« amusements, d’exercices et de simples plaisirs qui absorbent une portion assez notable du temps des hommes riches et oisifs ».

Par le mot sport, dont l'équivalent n'existe pas dans notre langue et dont la signification en anglais n'est pas bien précise, on désigne une nombreuse série d'amusements, d'exercices et de simples plaisirs qui absorbent une portion assez notable du temps des hommes riches ou oisifs. Le sport comprend les courses de chevaux, le canotage, la chasse à courre, à tir, la pêche, le tir à l'arc, la gymnastique, l'escrime, le tir au pistolet et à la carabine, la boxe, le bâton, la canne, la lutte, le jeu de paume, le cricket, l'équitation, le patinage, la natation, en un mot tous les divertissements qui mettent à l'épreuve les aptitudes diverses de l'homme, le courage, l'agilité, l'adresse, la souplesse. En France on a fait trop souvent de ce mot un synonyme de turf ; c'est prendre la partie pour le tout. Un sportsman n'est pas toujours un turfiste, et un turfiste pas toujours un sportsman.

Le sport, dans sa vaste et moderne acception, se divise en sport en plein air, sport clos, sport d'hiver, sport d'été, sport permanent, sport périodique ou accidentel. Ainsi, l'on ne chasse pas et l'on ne court pas en toute saison. La paume appartient à la catégorie du sport permanent et clos ; il en est de même des exercices du manège, de l'équitation, des armes, tandis que le tir au pigeon, par exemple, et le cricket font partie du sport en plein air. Chacune de ces subdivisions du sport, à Paris a son centre, son établissement spécial, ses règlements et ses statuts, ses écoles où la théorie s'enseigne, où la science pratique s'acquiert.

Tous ces amusements ou exercices doivent leur attrait principal aux nombreux paris qu'ils font engager la fureur de parier sur tout et à propos de tout forme un des traits saillants du caractère anglais ; cette folie se répand chaque jour davantage en France, et bientôt nous n'aurons rien, sous ce rapport, à envier à nos voisins. Ces sports, tant ceux qui, comme la chasse, passionnent par eux-mêmes, indépendamment de tout désir de gain, que ceux qui, comme les courses, tirent des paris leur principal attrait, sont presque la seule occupation de beaucoup d'Anglais de la haute classe, à qui l'on donne pour cette raison le nom de sportsmen. Les uns se bornent à telle espèce de sport ; les autres, se montrant également amateurs de chasse, de courses, de canotage, de boxe, méritent encore mieux et plus complètement le nom de sportsmen.

Le goût des choses du sport est si général en Angleterre que les journaux contiennent presque tous les jours un article qui, sous le titre de Sporting intelligence, donne les renseignements les plus étendus, non-seulement sur le sport par excellence, c'est-à-dire les courses de chevaux, mais sur tous les autres genres de sport, y compris la pèche à la ligne (angling) ; les accidents survenus à Epsom ou Newmarket, les coups de poing reçus par les boxeurs en renom, le nombre des pièces tuées par tel chasseur émérite, les exploits des pedestrians y sont relatés avec soin. Dans les journaux français, les courses seules et quelquefois les régates obtiennent quelques articles des journaux ; cependant une feuille spéciale, le Sport, s'est fondée récemment pour satisfaire plus complètement aux exigences de tout ce monde d'oisifs et de curieux que les habitudes anglaises ont depuis longtemps séduit.

Du mot sport, on a tiré dans la langue anglaise et importé dans la nôtre un assez grand nombre de termes spéciaux, qui méritent d'être relatés. Par sporting life (vie du sport) les Anglais et les anglomanes désignent la manière de vivre de ceux qui se livrent aux divers exercices du sport. L'amateur du sport s'appelant sportsman, la femme qui aime ces amusements est appelée sportswoman ; les anglomanes illettrés disent tout simplement des sportsmen femelles ; nous avons encore le mot sportif pour désigner ce qui a trait au sport ; on dit très bien, dans un certain monde, la vie sportive. Ces importations gâtent la langue évidemment, mais il n'existe pas de douane pour les prohiber à la frontière.

Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, Paris, 1866-1890, vol. 14, p. 1031