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Extrait

Portrait d’une camarade

Claudine à l’école, Colette, 1900

 

Et Marie Belhomme, bébête, mais si gaie ! raisonnable et sensée, à quinze ans, comme une enfant de huit ans peu avancée pour son âge, elle abonde en naïvetés colossales qui désarment notre méchanceté et nous l'aimons bien, et j'ai toujours dit force choses abominables devant elle, parce qu'elle s'en choque sincèrement, d'abord, pour rire de tout son cœur une minute après, en levant au plafond ses longues mains étroites — « ses mains de sage-femme », dit la grande Anaïs. Brune et mate, des yeux noirs longs et humides, Marie ressemble, avec son nez sans malice, à un joli lièvre peureux. Ces quatre-là et moi, nous formons cette année la pléiade enviée, désormais au-dessus des « grandes » nous aspirons au brevet élémentaire.
Le reste, à nos yeux, c'est la lie, c'est le vil peuple !
Je présenterai quelques autres camarades au cours de ce journal, car c'est décidément un journal, ou presque, que je vais commencer…

Colette. Claudine à l’école dans Œuvres. Paris : Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. I, p. 11. Première édition : 1900.
 
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