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Extrait

La bagarre

Claudine à l’école, Colette, 1900
 

« Toute en chemise, je me jette sur le lit, j'arrache les draps, je saisis la grande Anaïs par les deux pieds, et malgré les ongles silencieux dont elle s'accroche à mes épaules, je la tire en bas du lit, sur le dos, avec ses pattes toujours dans les mains, et j’appelle : « Marie, Luce, venez voir ! »
Une petite procession de chemises blanches accourt sur des pieds nus, et on s'effare : « Eh là, mon Dieu, es-tu folle, Claudine ? Eh là, séparez-les ! Appelez Mademoiselle ! » Anaïs ne crie pas, agite ses jambes et me jette des regards dévorants, acharnée à cacher ce que je montre en la traînant par terre : des cuisses jaunes, un derrière en poire. J'ai si envie de rire que j'ai peur de la lâcher. J'explique :
« Il y a que cette grande Anaïs que je tiens ne veut pas laisser la petite Luce coucher avec elle, qu'elle la pince, qu'elle lui met de l'eau dans ses chaussures, et que je veux la faire tenir tranquille. »

Colette. Claudine à l’école dans Œuvres. Paris : Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. I, p. 141. Première édition : 1900.
 
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