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Extrait

La religion des peuples de Tahiti

James Cook, Relations de voyages autour du monde, 1768-1779.
James Cook, qui fait relâche à Tahiti lors de son premier voyage d'exploration dans le Pacifique, décrit ici la religion des Tahitiens. Ce n'est que lors de son second voyage qu'il découvrira la pratique des sacrifices humains qui le choque profondément.

Ayant décrit de mon mieux les mœurs et coutumes de ces peuples, on s'attendra à ce que je donne quelques indications sur leur religion, qui est une chose sur laquelle j'ai si peu de renseignements que j'ose à peine aborder ce sujet, et l'aurais passé sous silence si ce n'était mon devoir et en même temps mon inclination de mentionner dans ce journal tout ce que j'ai pu apprendre d'un peuple privé pendant des siècles de communications avec les autres parties du monde.

Les naturels de cette île croient qu'il existe un Dieu suprême qu'ils nomment Tani. De lui sont issues nombre de divinités inférieures, qu'ils appellent ihatouas ; celles-ci règnent sur eux et interviennent dans leurs affaires. Ils leur font des offrandes telles que des porcs, chiens, poissons, fruits, etc. et les invoquent dans quelques occasions particulières, de même que dans les moments de danger apparent ou réel, le départ pour un long voyage, les maladies, etc. Les moraïs, que nous avions d'abord pris pour des sépultures, sont édifiés uniquement en vue du culte et pour l'accomplissement des cérémonies religieuses. Les viandes sont posées sur des autels dressés à huit, dix à douze pieds de haut, sur de solides poteaux, et la table de l'autel sur laquelle reposent les viandes est généralement faite de feuilles de palmier ; elles ne sont pas toujours à l'intérieur du moraï, mais souvent à une certaine distance. Les moraïs sont considérés comme sacrés, ainsi que les tombes, et les femmes n'y entrent jamais. Les viandes placées près des monuments funéraires sont destinées, nous a-t-on dit, non aux morts, mais à l'ihatoua ; ce sont des offrandes que l'on fait à l'occasion d'une mort, sans quoi il pourrait détruire le corps sans accepter l'âme. Car ils croient à une vie future dans laquelle il y aura des récompensés et des punis, mais je ne sais quelle idée ils s'en font. [...]

Je viens de mentionner les prêtres ; il y a en effet des hommes qui exercent cette fonction, Toupia est du nombre. Ils ne paraissent pas jouir d'une grande considération, pas plus qu'ils ne peuvent vivre entièrement de leur profession, et j'en conclus que ces peuples, bien qu'ayant une religion, ne sont pas portés à la bigoterie. En certaines occasions, les prêtres font office de médecins, et les traitements qu'ils appliquent consistent surtout dans l'accomplissement, en présence de la personne malade, de quelque cérémonie religieuse. De même, ils couronnent les ihari dihraï, c'est à dire les rois, événement qui est, paraît-il, entouré de beaucoup de pompe et de cérémonies, après quoi chacun est libre de jouer tous les tours qu'il lui plaira au nouveau roi pendant tout le reste de la journée.

James Cook, Relations de voyages autour du monde, éd. Christopher Lloyd, tr. Gabrielle Rives, Paris : La Découverte, 1991, p. 58-60.
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