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Extrait

Les bois de Montigny

Claudine à l’école, Colette, 1900

Chers bois ! Je les connais tous ; je les ai battus si souvent. Il y a les bois-taillis, des arbustes qui vous agrippent méchamment la figure au passage, ceux-là sont pleins de soleil, de fraises, de muguet, et aussi de serpents. J'y ai tressailli de frayeurs suffocantes à voir glisser devant mes pieds ces atroces petits corps lisses et froids ; vingt fois je me suis arrêtée, haletante, en trouvant sous ma main, près de la « passe-rose », une couleuvre bien sage, roulée en colimaçon régulièrement, sa tête en dessus, ses petits yeux dorés me regardant; ce n'était pas dangereux, mais quelles terreurs !
Tant pis, je finis toujours par y retourner seule ou avec des camarades; plutôt seule, parce que ces petites grandes filles m'agacent, ça a peur de se déchirer aux ronces, ça a peur des petites bêtes, des chenilles veloutées et des araignées des bruyères, si jolies, rondes et roses comme des perles, ça crie, c'est fatigué - insupportables enfin.

Colette. Claudine à l’école dans Œuvres. Paris : Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. I, p. 9. Première édition : 1900.
 
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