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Extrait

Le grand surgissement merveilleux

Jean-François Billeter, L'art chinois de l'écriture, essai sur la calligraphie

[…] Pour faire passer ses émotions dans l'écriture, le calligraphe doit avoir acquis la maîtrise complète de l'instrument, du geste et des formes. Pour s'exprimer dans son art avec le même naturel que nous le faisons dans un sourire ou par une intonation de la voix, il doit être un artiste accompli. Le travail qu'il s'est imposé a en outre supprimé tout obstacle intérieur au développement de son activité. Il a « l'esprit et la main pareillement libérés », dit Sun Guoting, xinshou shuangchang. Le mot chang, traduit par « libéré », évoque le mouvement qui va jusqu'au bout de lui-même ou l'émotion qui s'assouvit entièrement. Le véritable artiste est celui qui a aboli toute résistance extérieure aussi bien que tout obstacle intérieur au « grand surgissement merveilleux » de sa subjectivité incarnée et dont le pinceau transcrit donc sans déperdition les mouvements les plus secrets. (p. 193)

[Chapitre 7 / La transformation du rapport au monde (p. 175)]

Jean-François Billeter, L'art chinois de l'écriture, essai sur la calligraphie, Skira/Seuil, 2001 Avec l'aimable autorisation de l'auteur et de l'éditeur.
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